Les grognards du Covid

Le Pr Salomon
(Photo AFP)

Le Premier ministre, Jean Castex, a expliqué jeudi soir, avec toute l’humilité requise, que le nouveau déconfinement n’avait pas produit les résultats requis et que, en conséquence, il se voyait contraint de prolonger les mesures de prévention déjà en vigueur.

CE QUI lui a valu une volée de bois vert, notamment dans les milieux de la culture qui ne seront pas autorisés à rouvrir les cinémas, théâtres, et autres lieux de divertissement avant l’année prochaine. Tous les chefs d’entreprise pour qui le confinement signifie faillite à terme sont fondés à s’insurger, à dénoncer l’incompréhension des pouvoirs publics, à constater que la culture est délaissée au profit d’activités diverses comme le travail. Les victimes ont toujours raison, même quand elles comparent les transports en commun avec les salles de cinéma. Mais la pandémie ne résulte pas d’une manœuvre gouvernementale catastrophique ou de l’offensive militaire d’une nation étrangère. On parle d’un virus particulièrement dangereux et résistant. Dans leur immense majorité, les Français se montrent disciplinés. Si, avec une telle discipline, nous ne parvenons pas à réduire le nombre de contaminations, cela veut dire que nous devons augmenter les mesures de prévention et non les lever.

« Raisonner » le virus ?

De sorte que les grognards ont tort. Ils se battent contre des moulins à vent. Ils font une analyse fondée sur le rapport de forces. Ils dénoncent l’autoritarisme du gouvernement. On a envie de leur dire d’aller discuter avec le virus, de le raisonner, de le repousser eux-mêmes. On en est encore à répéter que tout, en France, est spécial, la pandémie et la lutte contre la pandémie ; le virus et les moyens d’y échapper ; et surtout ce besoin inné de désigner un coupable, un bouc émissaire, de politiser la pandémie et même de la judiciariser, comme en témoigne ce rapport du Sénat, à majorité LR, qui accable le Pr Jérôme Salomon, directeur de la Santé publique, au motif qu’il a refusé, en son temps, d’acheter des stocks de masques, ce qui a entraîné la pénurie au printemps dernier. Les sénateurs sont-ils prêts à jurer, en leur âme et conscience, que leur rapport n’avait pas pour objectif de démolir, une fois de plus, la politique sanitaire du gouvernement ?

Règlement de comptes.

En tout cas, et même si le contenu de ce rapport est exact et même si la décision du Pr Salomon a été prise après consultation des autorités politiques (ce que l’on ne sait pas), je retiens du comportement du Sénat qu’il n’est nullement engagé dans la protection des Français mais dans un règlement de comptes avec le pouvoir. Que l’exécutif doive protéger les Français malgré eux, c’est le sort de tout gouvernement. Si vous croyez qu’un peuple suit automatiquement des dispositions prises au nom de la raison, vous vous trompez. Bien sûr, ripostent les directeurs de cinéma et de théâtre, nous aussi nous avons des mesures de prévention de la contagion. Pourquoi ne nous fait-on pas confiance ? Parce que les chiffres montrent que les salles rassemblent beaucoup de monde et accroissent le risque de contamination. C’est certes le cas dans les transports en commun, mais les gens qui travaillent sont obligés de travailler, ils ne sont pas obligés d’aller au cinéma.

Une année pourrie.

Si vous souhaitez que je dise, comme tous mes congénères, que l’année 2020 a décidément été une année pourrie, d’accord. Il n’est pas utile toutefois que je participe au chœur national des Français éplorés. La puissance du virus exige de nous une vigilance exceptionnelle, des sacrifices surhumains, des comportements adultes. Ce n’est pas toujours le cas. Les micro-trottoirs montrent que si, en général, nos concitoyens s’adaptent à la situation qui leur est faite, ils sont nombreux à dire qu’elle est insupportable. Plus insupportable que la réanimation ? Plus insupportable que la mort ? Les gens ne s’entendent pas parler. Ils dissertent sur les désagréments du confinement, ils ne commentent pas les hôpitaux débordés, les soignants épuisés et exaspérés, les cohortes de malades, le poids de la pandémie qui écrase l’économie. C’est tout le problème : le soir, dans son fauteuil, on voit se consumer la France des hôpitaux. On ne se sent pas concerné, on fait comme s’il y avait deux France, celle des victimes qui n’aspirent qu’à guérir et celle des bien-portants qui ne veulent pas qu’on les prive de leur Noël et de leur Saint-Sylvestre.

RICHARD LISCIA

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5 réponses à Les grognards du Covid

  1. BONNET dit :

    Fidèle lecteur de vos colonnes et admirateur de vos analyses, cette fois-ci je ne suis absolument pas d’accord avec vous.
    Le SARS-Cov2 n’est pas un virus puissant: sur près d’un an, il a tué environ une personne sur 5 000 dans le monde, et près d’une sur mille dans notre pays. Ce n’est pas rien; mais on connaît mille fois pire. Sa dangerosité est factuellement ciblée, la très grande majorité des cas graves et des décès se retrouvant chez des hommes âgés, obèses et polypathologiques. Les moins de 60 ans, c’est moins de 3% des décès.
    Sous le prétexte de cette pandémie, on prive*, au pays des droits de l’Homme, les citoyens de libertés qui relèvent de l’essence même de l’humanité: voir naître son enfant, soutenir un proche malade, aider ses vieux parents isolés, enterrer les siens entourés de la famille et des proches, faire des rencontres et tout simplement aimer. Cela n’a rien à voir avec la vision égoïste au droit de faire la fête à Noël et au Nouvel An.
    Lors de l’irruption du Sida dans le monde au début des années 80, maladie 100 % mortelle à l’époque, a-t-on fermé boîtes libertines, discothèques et autres lieux de rencontres pour endiguer l’épidémie? Non.
    Fatiguée de ce lavage de cerveau que nous subissons depuis 10 mois, ma mère (92 ans, parfaitement valide) ne veut plus vivre (ce qui arrivera inéluctablement dans un mois environ, la pile de son pacemaker étant totalement épuisée): elle voit ses enfants trop rarement, et ses petits enfants encore moins. C’est tout simplement la vie des gens que l’on vole, et l’avenir des forces vives de notre pays que l’on massacre, ni plus ni moins.
    Et sous nos yeux , se déroule le saccage hallucinant de notre pays: gastronomie, tourisme, culture, aéronautique, automobile…
    Et plus de 99 % de nos concitoyens survivront de toute manière à ce virus; pour se retrouver dans un pays devenu l’ombre de lui-même.

    Personne n’est obligé de me croire bien entendu.

    *Et dans le même temps, on octroie aux forces de l’ordre « de base » de droit d’interpréter la loi. Il me semblait que c’était la prérogative exclusive des juges. Mais je peux me tromper.

    Réponse
    Revenons aux vrais chiffres plutôt qu’aux pourcentages : 71 millions de cas de contamination dans le monde, 300 000 morts aux États-Unis, 58 000 morts en France, et il ne faudrait rien faire ? Vous avez mille fois le droit de ne pas être pas d’accord avec moi,mais essayons de parler de la même chose.
    R.L.

  2. Meyzer Jean pierre dit :

    Magnifique et tellement lucide, Richard Liscia !
    Surtout, évitez de lire les commentaires des articles du QDM dont un certain nombre relève du Café du Commerce, voire du caniveau. Quel plaisir de retrouver une hauteur de vue que je me réserve toujours pour la fin consolatoire de ma lecture quotidienne…Grand merci !

  3. Quid des traitements qui évitent la réa et la mort? Interdit de les prescrire, et pas de rentabilité pour BigPharma, ni de cadeaux à nos soi-disant experts. Sans parler des vaccins OGM, avec des composants hautement toxiques, voire mortels.
    La pensée n’est pas unique, et espérons encore à un tant soit peu de démocratie.
    Réponse
    Il n’y aura pas de démocratie tant que l’on s’en tiendra aux mensonges et aux contre-vérités.
    R. L.

  4. Alan dit :

    Moi je dis comme Jean-Pierre Meyzer, merci Richard Liscia.
    Je comprends certes les arguments de Bonnet, mais comme le dit R. Liscia, c’est un virus très contagieux, souvent dangereux; ce n’est la faute de personne, et nos gouvernants font du mieux qu’ils peuvent. Il n’y a qu’à voir les résultats dans les pays dirigés par Trump et Bolsonaro.
    Bien sûr cela rend la période triste, non festive, voire déprimante (même si nous sommes loin des difficultés qu’ont connues nos aînés pendant des années au cours des grandes guerres). Toutes ces mesures restent transitoires et visent à protéger la majorité de la population. Dont les gens en surpoids, les obèses, les diabétiques, les plus de soixante-cinq ans, oui.
    Peu ou prou c’est vous, c’est moi, si ce n’est aujourd’hui, ce sera demain. C’est un peu le principe de la solidarité.

    • BONNET dit :

      Plus 40 % de pauvreté extrême dans le monde ça vous parle?

      « Cette année, « l’augmentation est presque entièrement due au Covid-19 », qui a fait au moins 1,46 million de morts en près d’un an, a souligné le responsable des affaires humanitaires à l’ONU, Mark Lowcock, en conférence de presse. « Le tableau que nous présentons est le plus sombre que nous ayons jamais exposé en matière de besoins humanitaires à venir. »

      Des vies de jeunes brisées; par dizaines de millions. Et ces 40 % ne sont que la première estimation, très probablement largement sous estimée.
      Pour effectivement protéger « les gens en surpoids, les obèses, les diabétiques, les plus de soixante-cinq ans, oui. » Je ne vois pas la solidarité dans ce sens-là, du pur égoïsme ça oui.

      Réponse
      Égoïsme ? Les gens seraient donc responsables de leur âge, ce serait leur faute s’ils sont vieux ? Qu’est-ce qui vous prend ? Vous commencez par dire que le virus n’est pas si grave, puis vous venez nous parler de quarante millions de miséreux dont nombre seraient atteints par la pandémie. N’est-ce pas contradictoire ?
      R. L.

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