La stratégie du Sioux

La vice-présidente américaine se fait vacciner
(Photo AFP)

Le gouvernement et les autorités sanitaires observent que la pandémie est stable mais à un plateau trop élevé. Ils ont décidé de rétablir le couvre-feu à partir de 18 heures dans un certain nombre de régions, la plupart situées à l’Est du pays, où le Covid fait rage, et l’on s’achemine vers des confinements régionaux, notamment ceux où les élus réclament plus de vigilance.

CHAQUE pas en avant fait l’objet d’une polémique. Le nombre de vaccinés le premier jour, soit dimanche dernier étant dérisoire (84 personnes prioritaires), l’opinion se moque déjà de la campagne. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, revendique le choix qui a été fait : il ne veut brusquer personne, à commencer par ceux de ses concitoyens hostiles au vaccin. Il signale des effets indésirables en Europe, il veut qu’il y en ait le moins possible en France. Le Pr Axel Kahn répond qu’on ne lance pas une telle campagne sans l’accompagner d’un effort de persuasion et même d’enthousiasme, une vaccination massive étant censée, selon lui, convaincre les plus rétifs. À Nice, Christian Estrosi annonce qu’il a reçu des doses et que la vaccination va commencer sans attendre.

Une démarche inspirée par l’Europe.

Le Royaume-Uni a adopté un deuxième vaccin, celui d’AstraZeneca, plus facile à manipuler et moins coûteux, mais efficace seulement à 70 %. L’Union européenne déclare qu’elle ne veut pas utiliser ce vaccin, parce qu’il n’offrirait pas toutes les garanties de sécurité requises. Mais comme le Brexit est devenu fait accompli, les divergences euro-britanniques ne constituent plus un problème. La campagne mondiale de vaccination contre la pandémie renforce les prises de position, notamment celles de l’Europe qui a transmis à Londres l’accord commercial que Boris Johnson doit signer. À Paris, le gouvernement ne se départit pas de sa prudence, agit avec lenteur, retire un projet de loi qui aurait sanctionné les non-vaccinés, mais il est clair, de toute façon, que le vacciné pourra se déplacer librement et même franchir les frontières (ce qui, accessoirement rendra la vie aux compagnies aériennes), toutes choses que le non-vacciné ne pourra pas faire. Aussi bien n’est-il pas utile de durcir la législation nationale dans un monde terrifié par le virus et qui ne laissera pas les voyageurs voler d’un pays à l’autre s’ils n’offrent pas la garantie qu’ils ne sont pas contagieux.

Les replis défensifs restent indispensables.

Le pouvoir n’a fait aucune promesse, de sorte que les lieux de loisir ne savent toujours pas quand ils vont ouvrir leurs portes, mais en même temps, on ne voit pas comment les statistiques sur la morbidité et la mortalité encourageraient quiconque à adopter le laxisme. La pandémie, la diversité des formes qu’elles a acquise, le sempiternel débat franco-français sur la vaccination affaiblissent la position du vaccin en tant qu’arme ultime qui viendra à bout du virus bien plus efficacement que les confinements à géométrie variable et que les couvre-feux. De sorte que, dans cette affaire, personne n’a tort : la confiance dans le vaccin augmentera à mesure que des contaminés guériront ; se lancer dans la campagne avec « enthousiasme » n’est pas une mauvaise idée ; en attendant un recul de la pandémie, les replis défensifs restent indispensables.

Pandémie, Brexit, même combat.

Les discussions sans fin sur chacune des décisions gouvernementales ont pour unique effet de saper une confiance dont le degré n’est guère élevé. Il ne s’agit pas de faire le procès de l’exécutif qui, dans cette affaire, marche au diapason européen. Attaquer Castex, c’est s’en prendre à 27 gouvernements qui, malgré leurs différences, sont aussi unis et fermes face à la pandémie qu’ils l’ont été face au Brexit. De même que l’appartenance à l’Union implique des compromis, souvent des sacrifices, de même on ne peut pas avoir les avantages de l’UE sans les inconvénients. Admettons donc qu’il nous faut du temps pour vacciner une forte majorité des Français, ce qui ne nous empêche pas de rappeler au gouvernement qu’il doit, de façon massive, mettre des moyens humains et matériels au service d’une cause exceptionnelle : nous ne pouvons pas imaginer notre avenir sans avoir la certitude que, d’une manière ou d’une autre, nous vaincrons ce virus et sans établir un système national de prévention capable de nous mettre à l’abri de la prochaine pandémie.

RICHARD LISCIA 

 

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