Le lièvre et la tortue

À Montpellier
(Photo AFP)

Il aura manqué au début de la campagne nationale de vaccination contre le Covid non seulement l’énergie cinétique qui lui aurait permis d’atteindre une vélocité suffisante mais un ingrédient de plus en plus rare : l’enthousiasme.

LE GOUVERNEMENT n’a pas toujours tort et la liste des sarcasmes devient lassante : on ne vaccine pas les gens contre un nouveau virus avec un vaccin à ARN messager sans un minimum de précautions ; certes, notre pays, en dépit de toutes les injonctions que nos présidents se sont adressées à eux-mêmes, n’est toujours pas décentralisé mais en matière de santé, on ne peut pas travailler sur n’importe qui et n’importe comment. Qu’en serait-il si les patients étaient convoqués non pas deux, mais trois fois, si d’aucuns présentaient des effets secondaires inquiétants, si l’État, concurrencé par les localités, perdait le fil de la campagne ?

« Père de famille ».

Néanmoins, l’exécutif a péché de deux manières : en ne s’accordant pas sur la ligne opérationnelle avant de lancer la campagne et en prononçant des discours cacophoniques. Pendant que le président de la République exprimait son irritation au sujet de la lenteur des opérations, le ministre de la Santé, Olivier Véran, se félicitait de sa méthode « de bon père de famille ». Restez en contact, Messieurs ! Accordez vos violons ! Cependant, malgré le désordre, on espère que la campagne va rattraper son retard. Il le faut parce que le vaccin est notre dernier espoir de sortir du marasme sanitaire, économique et social où nous avons été plongés ; il faut aussi, sans exagérer les effets désastreux de ce démarrage raté, procéder d’une manière dynamique et, si possible, vacciner tous les soignants et les plus de 75 ans avant la fin de l’hiver. Bref, respecter le calendrier initial parce qu’il est temps que la France se remette au travail. C’est essentiel pour l’économie, mais essentiel aussi pour le moral des troupes, qui ne supportent plus le confinement et le couvre-feu et observent avec inquiétude l’apparente impuissance des autorités.

La blague de Mélenchon.

D’autant que la discipline générale se relâche. La « rave party » qui a eu lieu pendant le week end dernier non loin de Rennes en dit long sur l’irresponsabilité d’au moins une partie de la jeunesse. Deux mille cinq cent personnes se sont retrouvées, aucune n’a pris la moindre précaution. Drogue et alcool à profusion. Les gendarmes ont interpellé à peu près la moitié de ces gens et cherchent à identifier les organisateurs de ce rassemblement susceptible d’augmenter la contamination dans tout le pays puisque chacun est rentré chez soi. Après quoi, on entend des commentateurs nous dire que la lenteur de la vaccination fera un supplément de décès dont l’État à lui seul portera toute la responsabilité ! C’est le fameux système des valeurs inversées : on pardonne aux fêtards, on accable le pouvoir. Croyant avoir décelé une pénurie de vaccins, ce qui n’est pas le cas puisque l’Europe les distribue au prorata démographique, Jean-Luc Mélenchon fait une proposition époustouflante : achetons des vaccins à Cuba ou au Venezuela. Et ce n’est même pas une blague !

De l’ordre, s’il vous plaît !

Les autorités ont promis que le calendrier vaccinal serait respecté, relevons le défi et voyons, avant d’aller chercher des vaccins au fond de l’océan arctique, si, en définitive, nous commençons à juguler la pandémie. Quant au débat sur l’étouffante centralisation du pays, je propose qu’on le reporte à des jours meilleurs. L’impression générale, c’est que personne n’obéit plus à personne. Vous avez, d’un côté, une brillante société d’intellectuels qui, au nom de la culture et de la morale, dénonce les mesures de protection et avec elles, le langage (distanciation, gestes-barrières) qui trahirait le crime par son obsolescence ou par son inspiration. D’un autre côté, vous avez des groupes qui défient la maladie et la mort. Le conflit entre l’exécutif et les maires ne fait que s’aggraver, certains maires n’hésitant pas à acheter des vaccins et à vacciner les gens de leur commune. Oui, mais a-t-on constitué un fichier national ? Ajoute-t-on les vaccinés locaux aux vaccinés nationaux ? Je disais qu’il faut se lancer dans la campagne vaccinale avec enthousiasme, mais un peu d’ordre ne ferait pas de mal non plus.

RICHARD LISCIA

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