Sarkozy condamné

Descente aux enfers
(Photo AFP)

Nicolas Sarkozy, l’avocat Thierry Herzog et le juge Gilbert Azibert ont été condamnés à trois ans de prison dont un ferme dans l’affaire des écoutes téléphoniques. Les conséquences politiques de ce jugement sont considérables.

UN COUP de tonnerre, sans doute parce que la sévérité de la peine infligée à l’ancien président de la République et à ses co-mis en examen semble à certains, surtout à droite, mais aussi à l’extrême droite, disproportionnée par rapport aux faits reprochés. La justice reproche à M. Sarkozy des entretiens téléphoniques (sur une ligne qu’il croyait à l’abri des écoutes) dans lesquels il était question de demander à un magistrat, M. Azibert, d’informer Me Herzog et son client sur les progrès des investigations concernant d’autres affaires. Ces communications étaient bien imprudentes puisqu’il était également question que, en échange de ces informations, M. Azibert obtiendrait un poste à Monaco. Dans les faits, il n’a jamais obtenu cette récompense, ce qui a amené les rédacteurs des attendus à préciser que l’intention seule de violer le secret de l’instruction mérite rétribution.

Petits pois et mur des cons.

Ils ont ajouté qu’il ne s’agit pas d’une vengeance de la magistrature contre l’ancien président, lequel, quand il était en fonction, l’a traitée avec condescendance et même avec mépris lorsqu’il a présenté les magistrats comme « des petits pois ». Si l’on se souvient du « mur des cons », collection de portraits affichée au Syndicat de la magistrature (SM) et où figurait le portrait de M. Sarkozy, on admettra sans peine qu’il y a un contentieux particulier entre lui et les magistrats, notamment ceux de gauche au SM, et une sorte de différend viscéral qui dépasse les choix politiques. Le fait même que les juges aient pris soin de dire qu’ils ne se vengeaient pas en l’occurrence mais qu’ils se contentaient d’appliquer la loi laisse un doute indélébile. Les attendus mentionnent un « faisceau d’indices et de preuves » là où n’existe en réalité qu’un faisceau de présomptions.

Nombreuses poursuites contre la droite.

Cette affaire tourne mal pour M. Sarkozy et même beaucoup plus mal qu’on ne l’aurait cru. Et le 17 mars prochain, il comparaîtra pour le budget de sa campagne de 2012 qu’il a dépassé d’une vingtaine de millions d’euros, ce qui ne lui a pas permis de gagner l’élection. Sa défense consiste à dire qu’il ne le savait pas. Il ne savait pas, malgré le rythme frénétique des meetings de campagne, qu’ils coûteraient si cher. Il ne s’occupait pas de l’intendance. Déjà, le Conseil constitutionnel avait constaté un dépassement anormal des dépenses de LR et obligé M. Sarkozy à rembourser près de 400 000 euros.

En conséquence, il risque d’être condamné une seconde fois et même une troisième fois, si l’on tient compte de l’affaire en cours du financement libyen de la campagne de Sarkozy en 2007. D’une façon générale et en toute objectivité, on est bien obligé d’admettre que les chefs de la droite classique, UMP ou LR, sont plus souvent poursuivis et condamnés que ceux de la gauche. L’ancien Premier ministre Balladur et son ancien ministre François Léotard ont été récemment condamnés dans l’affaire des navires de guerre vendus au Pakistan. Claude Guéant, Nicolas Bazire et, bien entendu, François Fillon, ont fait l’objet de condamnations qui ont mis un terme à leur carrière politique.

Les erreurs du PNF.

C’est pourquoi, lorsque Valérie Boyer, sénatrice LR, déclare que la magistrature française s’en prend systématiquement à la droite, que, en condamnant M. Fillon, dont le cas est pourtant documenté et irrécusable, elle a privé LR de son candidat à la présidentielle et qu’elle veut en faire autant cette année, on peut déceler une certaine exagération dans ses propos. Elle devrait se demander pourquoi la corruption est si courante dans son propre camp, avant d’accuser les juges de se liguer, comme à la faveur d’une conspiration, contre ses amis. Plutôt que de se livrer à un tel amalgame, les chefs de LR devraient se concentrer sur la défense de M. Sarkozy, condamné tout de même à la suite d’une procédure très contestable, comportant violation du secret professionnel et de l’instruction. Les déclarations faites par l’ancienne présidente du Parquet national financier il y a environ deux ans, dans lesquelles elle a admis subir des pressions sans dire d’où elles venaient et celles où elle s’est ensuite récusée, en disent long sur l’absence de contrôle d’une profession dont le moindre dérapage est inacceptable.

Au-delà de l’affaire des écoutes que l’on me pardonnera de considérer comme l’appendice fragile d’une affaire plus grave, le dossier judiciaire de M. Sarkozy est extrêmement épais, ce que ses amis les plus proches doivent enfin comprendre. Cela ne signifie pas qu’il doive faire l’objet d’une injustice et que les magistrats sont libres d’aller où leur flair les conduit, sans respecter les règles de procédure. M. Sarkozy est de ces hommes qui inspirent aux uns une sympathie qui va jusqu’à l’adoration mais aux autres une détestation qui va jusqu’à l’exécution. À leur manière, les juges l’ont fusillé.

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