La gauche se tâte

Jadot y croit et s’y voit
(Photo AFP)

Réunie samedi pour un premier (et prudent) effort unitaire, la gauche s’est promise à une clarification de ses intentions et s’est donné un nouveau rendez-vous pour la fin du mois de mai. Elle n’a pas pour autant franchi le Rubicon : dès dimanche, Olivier Faure (PS) indiquait assez clairement qu’une alliance avec la France insoumise était hors de question.

IL EST VRAI qu’il n’y a aucune urgence. Simplement, les jours filent et, au fond, ceux qui désirent le plus aller à l’élection présidentielle avec un espoir de conquête de l’Élysée ne sont pas majoritaires. Tous espèrent une forme de décantation, l’usure de leurs propres positions, une nécessité qui ferait loi. Mais le démon des ambitions risque d’être le plus fort et de conduire à une défaite résultant des divisions et des faibles pourcentages qu’un par un les partis de gauche obtiendraient. Aucun, à part Jean-Luc Mélenchon, pas même Anne Hidalgo, ne gagnerait un ticket pour le second tour. Tous continuent de croire, contre toute vraisemblance, qu’il existe quelque part, dans les nimbes du paysage politique, une majorité associant les Verts aux socialistes ou apparentés et à LFI.

L’épiphanie espérée.

Dès lors que la maire de Paris n’est pas encore disposée à renoncer à son ambition personnelle au profit d’une gauche forte, dès lors que la France insoumise et le PCF ont chacun son candidat, dès lors que l’ambiance chez les Verts est mauvaise, avec Yannick Jadot qui, certes, a provoqué la réunion, mais est contesté par Éric Piolle, maire de Strasbourg, dont la faible notoriété est compensée par la dureté de ses positions idéologiques, dès lors qu’Olivier Faure (PS) n’a même pas réussi à faire revenir Benoît Hamon (Génération.s) dans le giron socialiste, on ne voit pas très bien ce qui, le moment venu, sous l’effet de quelque épiphanie, la gauche se rassemblerait d’une manière irrésistible.

Choix improbable.

La gauche, depuis 2017, a commis, comme la droite, une erreur stratégique. Elle a cru, pour son malheur, que la République en marche était sa principale ennemie et a consacré tous ses efforts pour la déstabiliser et la décrédibiliser, alors que le seul ennemi de tous, c’est le Rassemblement national, convaincu que le temps de son arrivée au pouvoir est en mai prochain. Calcul triomphaliste qui ne repose que sur des sondages trop précoces et ne correspond pas à la réalité du rapport de forces tel que la pandémie et le développement économique l’auront défini l’an prochain. Certes la France d’aujourd’hui est à droite : dans les enquêtes d’opinion, toutes les forces de la gauche ne représentent pas plus de 30 %, maigre score que l’éparpillement de voix rendra dérisoire ; aucun candidat de la gauche ou de l’extrême gauche, à part peut-être M. Mélenchon, ne dépassera les 10 %. Et s’il atteint ce score, il apparaîtra aussitôt comme un épouvantail. Est-ce l’intérêt du PS d’assister à cet avènement ? L’électorat risque de n’avoir le choix, au second tour, qu’entre Marine Le Pen et M. Mélenchon. Dilemme improbable.

Un cauchemar.

Dilemme plus consternant encore que le choix entre Le Pen et le président sortant que tous veulent conjurer tout en s’y laissant glisser par la force des choses. Le pire, pour la gauche, est que ses divisions, décidément irréparables, offrent un boulevard à la droite classique qui ne saura sans doute pas en profiter. Certes, il n’est pas impossible, si l’on en croit les enquêtes d’opinion, que Xavier Bertrand chipe le premier tour au président sortant. Dans ce cas, il sera élu président. Encore faut-il qu’il soit reconduit à la tête de la région Hauts-de-France lors des élections régionales, fixées à la fin du mois de juin. En quoi cette évolution convient-elle à la gauche ? Admettons que M. Macron soit éliminé au premier tour, que M. Bertrand franchisse le cap. Xavier Bertrand, alors, l’emportera sur Marine Le Pen et sera porté par une vague d’autant plus enthousiaste que serait écarté le « cauchemar » d’un nouveau match Macron-Le Pen.

Le troisième larron.

Le bon moyen d’empêcher ce cauchemar, c’est que Mme Le Pen ne passe pas le premier tour. Une confrontation entre le président et un bon candidat de la droite se jouerait à très peu de points de pourcentage. Mais pour parvenir à ce moment fatidique, il faudrait que gauche et droite, au lieu de tirer chaque minute à boulets rouges sur le pouvoir, attaquent au contraire Marine Le Pen, ce qu’ils n’ont pas vraiment fait depuis quatre ans. La gauche est encore plus coupable, de ce point de vue, que la droite qui, elle, a craint sans doute de perdre des plumes dans le combat de coqs avec Marine. La gauche n’avait rien à perdre. Comme Les Républicains, elle n’a eu de cesse de faire payer à Macron sa trahison envers François Hollande, lequel, avec un optimisme béat, continue de croire que, si Macron est défait dès le premier tour,  c’est à lui de toucher les bénéfices.

RICHARD LISCIA

 

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2 réponses à La gauche se tâte

  1. Num dit :

    Quoi que fassent la gauche, la droite et LREM, Marine Le Pen sera au deuxième tour. C’est presque inéluctable tant l’échec des politiques menées depuis 25 ans exaspèrent les Français. On peut le déplorer mais j’entends de plus en plus de gens prêts à franchir le pas alors qu’ils ne l’auraient jamais envisagé il y a 10 ans. Sarkozy, Hollande et Macron ont successivement échoué et beaucoup ne semblent plus disposés à leur accorder une seconde chance et ne voteront plus pour ces camps par défaut. C’est peut-être triste mais ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux mêmes.

  2. Doriel Pebin dit :

    Il ne faut pas désespérer du « peuple ». L’exemple des populistes face à la crise du Covid nous laisse espérer un éeflexe démocratique devant l’incompétence probable de Mme Le Pen. Elle n’a jamais occupé un poste à haute responsabilité et elle limite ses propositions à la sécurité et à l’émigration. Cela ne suffit pas à faire un programme crédible. Avec quels ministres ? A part le « gamin » Bardella, qui connaît les « experts » nationaux et internationaux du RN ? Il serait temps de se rappeler que Poutine et consorts soutiennent le RN. Il est vrai que ce sont de » grands démocrates et des vrais amis de la France ». Comme le dit à juste titre M. Liscia, la droite républicaine et la gauche sont dans un quadruple déni de réalité : a) Les sondages montrent de façon répétée que c’est ce que veut la population (il est antidémocratique de ne pas le reconnaître !)
    b) La gauche, quoique très minoritaire, veut le pouvoir (curieux concept de la démocratie après avoir critiqué continuellement Emmanuel Macron d’être minoritaire).
    c) La gauche est prête à donner la France au RN. Comment le peuple de gauche peut-il tomber aussi bas ? Honte à ceux qui n’arrivent plus à faire la différence entre la soi-disante politique de droite de Macron et la politique, au minimum populiste et démagogue, du RN.
    d) Les Républicains ne se battent que contre Macron qui pourtant, selon la majorité des médias et de la gauche, ferait une politique de droite. Où est la vérité ? Politique de droite ? de gauche ? Manifestement, ils préfèrent une politique d’extrême droite ?
    Enfin, pour Xavier Bertrand (qui fera très probablement une politique proche de celle de Macron sur de nombreux points), la solution serait (miracle) dans la régionalisation. Regardons l’exemple de l’Allemagne et de l’Italie sur la gestion désordonnée de la pandémie. L’Italie est en train de recentraliser du fait des disparités et de l’égoïsme de régions riches du nord. Un peu de rationalité serait utile. Continuez à commenter l’actualité avec pertinence M. Liscia.
    Il ne faut pas oublier qu’il y avait a priori un jury « populaire » (pour les professionnels de la critique permanente du gouvernement).

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