Zemmour candidat ?

Éric Zemmour
(Photo AFP)

La candidature d’Éric Zemmour, journaliste, écrivain et polémiste, à la présidence de la République, n’est pas la plus surprenante ou celle qui a le moins de chances d’aboutir. Elle n’en a pas moins un aspect provocateur capable de semer la zizanie dans l’extrême droite et même à droite.

ELLE résulte sans doute de pressions exercées par son entourage sur cet homme qui emballe son public, lequel le remercie sous la forme de taux d’audience élevés et de livres qui constituent des succès de librairie. Elle pose un problème de créneau, car elle introduit une concurrence dans un domaine jusqu’à présent réservé à Marine Le Pen. M. Zemmour n’est pas membre du Rassemblement national mais il exprime des opinions souvent aussi fortes que celles du RN, et qui, parfois, les dépassent en sombrant dans une caricature des idées de Mme Le Pen, établie néanmoins avec un pinceau aux traits larges, capables d’apaiser les plus vifs mécontentements. Ce qui arrive à M. Zemmour, c’est le terme d’une réflexion qui l’a conduit à croire qu’il peut mieux faire que le RN, que celui-ci, en ratissant trop large, finit par se perdre dans la modération et que ce qu’attend une forte fraction de l’électorat désireuse d’entendre un discours clair et puissant, c’est une Le Pen implacable.

Réalité alternative.

Excellent débatteur, Éric Zemmour est tout à fait capable, face à un Emmanuel Macron ou au candidat de la droite classique, d’avoir réponse à tout et de proposer une reconstruction de cette société de la « réalité alternative » qui a fait le succès de Donald Trump. Il se trouve cependant que, dans le spectre de l’électorat, il n’existe qu’une case possible pour les thèses originales (et mensongères) qu’il défend et que, sous le prétexte d’apporter au débat national une voix sonore et vibrante, il ne peut qu’affaiblir le camp qu’il prétend représenter. À ce sujet, Marine Le Pen, n’a même pas cherché à cacher son inquiétude ; elle s’est empressée de rappeler à M. Zemmour, sur le ton de la consternation plutôt que du ressentiment, la liste de ses talents et qualités et a regretté qu’il les gâche dans une bataille livrée contre elle. Bien qu’il ne puisse prétendre être élu, car il n’en a ni les moyens ni la stature politique, il a le pouvoir d’offrir au président de la République la première place au premier tour. D’aucuns affirment que les électeurs de Zemmour au premier tour se hâteront au second de revenir dans le giron du RN, mais c’est encore plus simple de l’empêcher de brouter sur ses pâturages.

Un parallèle avec Macron.

L’éventuelle candidature de M. Zemmour n’est à comparer à aucune autre, même si l’on s’efforce d’établir des parallèles avec le coup de force d’Emmanuel Macron en 2016 et 2017, parce que la victoire d’un outsider émerveille toujours le public. Mais d’une part, on n’en est pas encore là et d’autre part, le donquichottisme est très répandu dans la classe politique. Certains candidats peu populaires croient se sublimer eux-mêmes en se lançant dans l’aventure, qui suffit, à leurs yeux, à épaissir leur curriculum vitæ ; d’autres n’ont ni les moyens financiers ni la force mentale de se livrer à une telle épreuve ; d’autres enfin ne font pas mentir l’adage selon lequel la politique est une profession qu’il faut connaître sous tous les angles avant de solliciter le moindre suffrage.

Buisson ardent.

En définitive, il y a peu de chances qu’Éric Zemmour transforme en cote de popularité les taux d’audience relevés après ses émissions ou le nombre des ouvrages qu’il a vendus. Il peut contribuer à la chute de Marine Le Pen bien plus qu’à son triomphe ; s’il se présente, ce ne peut être que pour figurer ensuite dans la longue liste des candidats qui n’ont jamais franchi le cap du premier tour. Toutefois, sa candidature montre à quel point les extrêmes se renforcent en France, à quel niveau le rejet de la société actuelle est parvenu dans les esprits, à quel point la République est en danger. Les sondages ne montrent pas l’inquiétude des Français attachés à la démocratie et qui, à eux seuls et sur cette seule base, forment une majorité. Laquelle est hostile à toute forme de démagogie et aux erreurs d’analyse, livrées délibérément par un Éric Zemmour démagogue mais pas idiot, qui suffisent à écarter la même majorité des extrémismes. Encore faut-il que, dans ce buisson ardent des candidatures, quelques branches s’éteignent pour que l’électorat voie enfin apparaître son candidat.

RICHARD LISCIA

 

 

 

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3 réponses à Zemmour candidat ?

  1. Laurent Liscia dit :

    Bien vu!

  2. Martine Caste dit :

    Diviser l’extrême droite c’est l’affaiblir.
    Analyse de Dani Cohn Bendit et Serge July.

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