Un scrutin illégitime

Marine recule
(Photo AFP)

Le taux d’abstention aux élections régionales et départementales a atteint au moins 66 %, ce qui signifie que deux électeurs sur trois n’ont pas pris la peine de voter. C’est une mise en cause des institutions qui risque de peser sur les rendez-vous électoraux à venir.

L’AFFRONT ainsi fait à la classe politique est partagé par tous les partis en présence. Beaucoup de ceux qui ont accompli leur devoir civique manquaient d’enthousiasme. Les résultats ont confirmé l’inexistence de la République en marche, notamment dans les Hauts-de-France où la présence de cinq ministres sur la liste REM désireux de jouer le rôle de l’arbitre n’ont pas empêché Xavier Bertrand de l’emporter largement sur tous ses adversaires et de priver la REM d’une participation au second tour. En Paca, Renaud Muselier (LR) devance, contre toute attente, Thierry Mariani (RN), et a le moyen de vaincre définitivement son rival si la liste gauche-Verts se rallie à son panache. Valérie Pécresse est assurée de gagner en Île-de-France ; Laurent Wauquiez est en pôle position en Rhône-Alpes. Si le scrutin est la répétition générale de la présidentielle, les Républicains auront à choisir entre  les trois candidats qui gardent leur région.

Le RN perd 9 points.

Les sondages n’ont pas prévu le recul de neuf points du RN par rapport aux régionales de 2015. L’extrême droite, au terme d’une campagne tendue et plutôt violente, n’a donc pas reçu la consécration qu’elle espérait du scrutin. C’est un mauvais signal pour Marine Le Pen car, si elle ne dépasse pas les 20 % au premier tour de la présidentielle, elle ne sera pas présente au second. Mauvaise nouvelle aussi pour Emmanuel Macron qui risque de se retrouver au second tour face au candidat LR et non à celle du RN, plus facile à battre. Paradoxalement, c’est l’abstention qui pourrait être responsable d’un affrontement différent de celui de 2017. Dans un premier temps, on est en droit de supposer que, contrairement à toutes les analyses, les électeurs du RN vont toujours aux urnes quand les autres n’y vont pas. Il n’empêche que la mobilisation reprendra pour la présidentielle parce qu’elle semble être la seule élection qui intéresse les Français.

Un point pour Mélenchon.

De sorte qu’il n’est pas certain que l’on retrouve au second tour le duo Macron-Le Pen, celui-là même dont nous concitoyens ne veulent pas. Dans toute analyse, il faut maintenant inclure les erreurs sondagières, la versatilité de l’électorat, la mise en cause de la légitimité des institutions : Jean-Luc Mélenchon, dont le parti, la France insoumise a été littéralement absent du scrutin, peut se réjouir du taux d’abstention qu’il présente comme catastrophique tout en imaginant qu’il faut le considérer comme un tremplin vers le changement de République. Le parti de l’abstention est devenu le premier parti de France. Ce qui ne veut pas dire qu’il continuera à grossir : il peut être récupéré par les extrêmes et chambouler le système actuel. Impatience et lassitude sont les deux traits de caractère de l’électeur français, qui a jugé inutile la désignation des élus de proximité et préfère passer directement au choix d’un nouveau président.

Un vote post-Covid.

La responsabilité de ce chaos législatif va vite être attribuée au président de la République et à la majorité présidentielle. On verra l’an prochain que Macron a un bilan plutôt positif. Si la REM est écrasée, c’est parce que la lutte contre le Covid a absorbé toute l’énergie de nos concitoyens et les a incités à s’abstenir. Les résultats sanitaires, économiques et sociaux de l’action gouvernementale apparaîtront plus clairement à la fin de l’année ou au début de l’année prochaine, donc à la veille des présidentielles. Certes, les inconnues de l’équation sont multiples et les pronostics plus que hasardeux. D’autant que, en toute occasion, les instituts de sondages se trompent au moins sur un ou deux points fondamentaux. Mais la moyenne des enquêtes montrent qu’aucun des candidats potentiels de la droite ne menace vraiment Emmanuel Macron car aucun ne dépasse, pour le moment en tout cas, les 15 %.

Macron garde ses chances.

Additionner le recul réel du RN à la cote de popularité de Macron serait un sophisme : on ne mélange pas les résultats et les sondages d’opinion. Contentons-nous de dire que le président garde toutes ses chances, même si une avalanche de critiques lui imputera la responsabilité du déclin des institutions françaises. Il a déjà surmonté tant de crises qu’il peut nourrir l’espoir qu’une crise de plus ne fera que renforcer sa cote personnelle, comme on l’a vu avec les grèves et avec le mouvement des gilets jaunes. La bagarre, c’est son turf, l’ambiance qu’il préfère, le contexte qu’il juge le plus favorable. Encore une fois, il n’entend pas se présenter comme chef d’un parti qui n’a pas réussi à s’implanter dans les territoires, mais comme le candidat à la présidence de tous les Français.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Un scrutin illégitime

  1. D.S. dit :

    Les seules élections « intéressantes et lisibles » sont les présidentielles, les législatives et les municipales. J’ai quand même fait partie des rares votants cette fois-ci, mais davantage par civisme que par conviction. Et si on faisait un référendum pour supprimer les élections régionales ? Les députés et les maires pourraient très bien élire eux mêmes les représentants des régions. Et comme nous votons en fonction de nos orientations politiques, les résultats seraient peu différents de ce qu’ils sont.

  2. CHARLES dit :

    La droite est largement majoritaire dans ce pays. Qu’attend-elle pour désigner un ou une candidat(e) capable de la fédérer autour d’une ligne claire et sans compromis ?

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