La gueule de bois


Le candidat caché
(Photo AFP)

Le jour d’après a un goût amer pour presque tous les partis politiques désavoués par une abstention record. Les principales victimes sont la République en marche (REM) et le Rassemblement national (RN). Le délitement de la gauche est confirmé alors que le redressement de la droite semble spectaculaire.

S’IL FAUT absolument établir un lien entre les régionales et la présidentielle de 2022, on en trouvera deux : la tâche d’Emmanuel Macron devient beaucoup plus compliquée et l’hypothèse d’une Marine Le Pen incapable de franchir le cap du premier tour n’est plus hors de portée. Le président de la République perd sa meilleure adversaire, celle qui risquait de se heurter au plafond de verre. L’abstention, en effet, n’a pas épargné le RN, qui a perdu neuf points par rapport aux régionales de 2015. C’est LR qui devient le premier parti de France, LR qui a emportera le plus grand nombre de régions, et c’est LR qui a maintenant les meilleures chances de désigner un candidat crédible à la présidentielle.

Une primaire risquée.

Cependant, la multiplicité des candidats potentiels expose la direction de LR à organiser une primaire, lieu géométrique de toutes les divisions, de toutes les paroles qui fracturent un camp, de tout ce qui compromet le programme. Les Américains ont l’art de se dire des choses affreuses, puis de collaborer comme si rien ne s’était produit. En France, c’est différent et les insultes laissent des traces indélébiles. Le RN recule, la gauche et les Verts sont peu enclins à s’unir : il a fallu d’énormes pressions pour convaincre la liste de gauche en Paca, conduite par Jean-Laurent Felizia, de se rallier à la liste de Renaud Muselier. Et bien qu’il s’y soit décidé à contrecœur, M. Félizia a déclaré que son geste était dicté par son souci de la démocratie.

Le courage de Bertrand.

De son côté, la REM mesure l’échec de sa stratégie. Dans les Hauts-de France, elle a envoyé au casse-pipe une demi-douzaine de ministres qui, aujourd’hui devraient logiquement démissionner. Ils n’en feront rien, mais leur grossière manœuvre restera dans toutes les mémoires. Au passage, donnons un coup de chapeau à Xavier Bertrand qui a démontré qu’il n’avait besoin de personne pour l’emporter au premier tour et sans doute au second. Il a eu non seulement du courage, mais une vision, une sorte de certitude qui font de lui un adversaire sérieux à la présidentielle. On peut ou non lui accorder le gabarit d’un président. Il semble toutefois que, comme Macron, en 2017, il a trouvé une voie royale pour pénétrer à l’Élysée, mais, pour gouverner pendant cinq ans, c’est une autre affaire. Ce qu’il a de vertu dans la conquête va se dissiper dans l’action gouvernementale. Il a donné beaucoup de gages à eux qui réclament plus de sécurité et moins d’immigration. Il s’est déjà durci. Il désespère la gauche.

Ne pas oublier Édouard Philippe.

Le président de la République n’est pas atteint personnellement. Sans jouer les Cassandre, il est probable que les prochains sondages post-régionales le démontreront. Mais il lui est impossible de croire que, en dépit de la logique instaurée par le raccourcissement à cinq ans du septennat, les Français qui, en 2022, voteront massivement, lui accorderont la majorité absolue. Commencer un mandat dans la cohabitation n’est pas la perspective la plus attrayante. Renoncer, alors ? Si, pour Macron, la disparition de Marine Le Pen le privait de sa meilleure rivale, l’irruption dans la campagne d’Édouard Philippe ne doit pas être exclue. Macron contre son ancien Premier ministre, ou Philippe contre Bertrand. Le taux d’abstention a été si élevé, il a déclenché un tel affolement, il a des répercussions si énormes sur la vie politique nationale que de nouveaux et spectaculaires rebondissements doivent être envisagés.

Un candidat parfait.

De Philippe, on ne saurait dire qu’une chose : il est le candidat parfait, l’homme politique qui a de l’expérience, qui a la cote de popularité la plus élevée (devant Macron), et ce magnétisme bonhomme que n’a pas le président. Dans le désarroi, les électeurs l’adoreraient, découvriraient en lui l’homme de la situation. Mais Édouard Philippe est comme le vin : plus il vieillit (et ce cinquantenaire a le temps de vieillir), plus il est délectable. Le voilà qui, de sa mairie du Havre, observe avec attention la fourmilière parisienne. Il a deux atouts : il a été un Premier ministre plus populaire que son président et il a eu la chance d’être limogé injustement. Non, l’abstention n’est pas définitive, mais temporaire. Oui, nos concitoyens recommenceront à voter en 2022. Le soudain effondrement du scrutin de 2021 prépare la renaissance de 2022, avec, entretemps, des événements imprévisibles.

RICHARD LISCIA

 

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5 réponses à La gueule de bois

  1. tapas92 dit :

    LREM n’existe que par Emmanuel Marcon. Sans lui, plus de LREM. Une cohabitation, en tout cas gouverner sans majorité, est une option tout à fait plausible si Emmanuel Macron est réélu. J’ai la faiblesse de penser Édouard Philippe suffisamment loyal (est ce que cela existe en politique ?) pour ne pas s’opposer à Macron. Xavier Bertrand n’a pas de parti, et je ne le pense pas suffisamment charismatique pour faire une razzia comme Macron a pu le faire avec LREM. Par ailleurs, LR a maintenant quelques champions (en herbe défraichie) et ne se rabaissera pas à quémander la candidature de Bertrand qui les a quittés il y a peu. Mme Le Pen qui tombe de son piédestal. Les écologistes qui sont renvoyés à leurs études. Et la gauche, qui fait le vieux beau avec des scores en trompe-oeil aux régionales, continue d’espérer sans idées (Clémentine Autin aux côtés de Pulvar, derrière le zazou de Bayou … pauvre gauche). Le jeu politique des prochains mois va être passionnant à regarder … à regarder seulement. Quand à aller voter, à adhérer à quelques idées (lesquelles ?), c’est autre chose. Deux tiers d’abstentions.

  2. JEAN-MARIE et MARIE-CLAUDE LE MARCHANT dit :

    Contrairement à vous je ne trouve pas de charisme chez Philippe , mas cela est purement subjectif . Macron n’a pas failli , car il lui est successivement tombé sur le râble , d’abord les gilets jaunes , puis la gestion de la pandémie , qui n’est pas un problème politique . Peut-être qu’il ne sera pas réélu , après tout . Resterait alors aux LR de désigner leur champion le plus favorisé , et on n’a pas fini d’entendre d’ici-là leurs discours les plus enflammés. Et le taux d’abstention serait faible , puisque le LR est actuellement le premier parti de France.

  3. Laurent Liscia dit :

    L’année va être longue et pleine de revirements.

  4. aram dit :

    Édouard Philippe est deja grillé

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