Biden défend ses choix

Biden hier
(Photo AFP)

Le président des États-Unis s’est adressé hier aux Américains pour défendre sa décision d’évacuer les troupes d’Afghanistan. Il l’a fait avec vigueur en affirmant que c’est la moins mauvaise des mesures possibles.

LES ÉTATS-UNIS ont envahi l’Afghanistan pour que les talibans, qui hébergeaient alors Al Qaïda, cessent d’apporter un soutien aux terroristes, ceux-là mêmes qui, le 11 septembre 2001, ont détruit les deux tours jumelles de New York et une aile du Pentagone faisant au total plus de trois mille morts parmi les civils. George W. Bush, alors président, espérait accomplir son projet de « nation building », c’est-à-dire, en gros, d’instaurer un système démocratique en Afghanistan. Après les deux mandats de Bush, Barack Obama a déclaré qu’il souhaitait recentrer la diplomatie américaine sur l’Asie, d’autant qu’après l’exécution d’Ossama Ben Laden, chef d’Al Qaïda, il ne voyait plus l’intérêt de concentrer ses efforts humains ou matériels sur un pays divisé par le clanisme et la religion.

C’est aussi un soulagement.

Donald Trump comptait bien évacuer toutes les forces américaines et Biden n’a fait que terminer ce projet. Il est assez paradoxal que l’on reproche aujourd’hui au président démocrate de terminer une guerre engagée par les républicains qui a duré vingt ans, a fait 2 500 morts parmi les soldats américains et coûté quelque mille milliards de dollars. Souvent, la critique est formulée par ceux qui faisaient métier de dénoncer « l’hégémonie » des États-Unis et leur domination. Biden rappelle que ses intentions ont toujours été transparentes et qu’il vient d’apporter à ses concitoyens un soulagement après vingt ans de vicissitudes. Il a aussi expliqué qu’il n’est pas en guerre contre un peuple qui a eu sa chance mais n’a pas su la saisir et que l’Amérique se bat seulement contre les terroristes et qu’elle a renoncé à dire à d’autres peuples comment ils devaient gérer leurs institutions.

Un problème de fiabilité.

Comme on pouvait s’y attendre, le parti républicain fait des gorges chaudes de la terrible humiliation infligée aux États-Unis. ll oublie qu’il n’a jamais voulu que l’Amérique étende ses tentacules au-delà de son territoire et qu’Obama et Trump, pour leur part, ont abandonné les Syriens à Bachar Al Assad, les Kurdes et les Arméniens à la Turquie, les Irakiens aux chiites manipulés par l’Iran. À n’en pas douter, les peuples du monde commencent à douter de la protection américaine. En cas de pression militaire sur l’Ukraine, Biden volera-t-il à son secours ? Les États baltes représentent-ils une cause assez importante pour que les Américains affrontent les Russes ? Israël sera-t-il protégé par Washington contre une menace nucléaire iranienne ? Taïwan peut-il compter sur l’exécutif américain en toute circonstance ?

Les talibans n’ont pas changé.

Interventionniste ou isolationniste, le pouvoir américain ne dépend jamais de la diplomatie, mais de la prospérité et de la sécurité de ses nationaux. Les scènes de l’exode afghan ont choqué le monde, et sûrement bouleversé les Américains eux-mêmes, mais l’étranger pèse peu dans les rendez-vous électoraux. Un président américain peut ou non envoyer un corps expéditionnaire à l’étranger, il n’en paiera pas le prix électoral. Mais, de même que les mésaventures outremer des Américains jouent un rôle mineur dans les scrutins, de même l’Afghanistan ne va pas disparaître du jour au lendemain des préoccupations de Washington. En premier lieu, Trump fera tout pour remuer le couteau dans la plaie ; en deuxième lieu, tous les Afghans qui désiraient s’extraire de l’enfer ne sont pas partis et il faudra s’en occuper sous une forme ou une autre ; en troisième lieu, il y a une foule de problèmes à régler avec les talibans, sur les plans financier, commercial, politique, économique. Les États-Unis ne peuvent pas ignorer le type de pouvoir qui va s’installer à Kaboul. Les talibans sont de bons adeptes  de la destruction, mais sont incapables de reconstruire.

Car ils n’ont pas changé. Mais l’Afghanistan d’aujourd’hui, lui, s’est modernisé. Ce qu’il était possible de faire à Kaboul au nom de la charia est probablement périmé. Les talibans sont tout miel maintenant, parce qu’ils ont besoin d’argent et de moyens humains parmi les victimes mêmes de leur victoire. Ils ont gagné une manche, mais leur pouvoir risque de s’effondrer aussi vite qu’il a été instauré. Et, au fond, les talibans ont plus besoin de l’Amérique qu’elle n’a besoin d’eux. On a comparé la débâcle de Kaboul à celle de Saïgon en 1975. Aujourd’hui, le Vietnam n’a qu’un recours contre cette Chine qui veut dominer toute l’Asie : l’Amérique.

RICHARD LISCIA

 

 

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Une réponse à Biden défend ses choix

  1. Laurent Liscia dit :

    Son discours lui a valu une motion de censure républicaine.

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