Mélenchon : le dernier essai

Jean-Luc Mélenchon
(Photo AFP)

La dynamique de Jean-Luc Mélenchon est aisément explicable : il ne peut pas, tous les cinq ans, n’être que candidat. Sa logique, fortement teintée d’une ferveur élégiaque, lui commande de livrer bataille sans faire de quartier. Mais, n’ayant pas atteint le degré de crédibilité qui lui permettrait de franchir le second tour, il se bat dans un contexte où le statut de la gauche est fortement dégradé.

C’EST ce qu’il s’est empressé de dire au cours du week end écoulé, qu’il voudrait « historique » sous le prétexte qu’il réclame une « union populaire » dont on ne décèle pas les premiers frémissements : non, affirme-t-il, la gauche ne se situe pas à 30 % ou moins ; non, les sondages d’aujourd’hui ne prédisent pas les résultats de demain.

Une cote en baisse.

Lui-même, en 2017, a obtenu près de 20 % des suffrages quand les sondages ne lui en accordaient que 11 %. Il ne peut pas prétendre pour autant que sa cote personnelle se soit améliorée. Il a saisi toutes les occasions de choquer l’électorat, notamment lorsqu’il s’est opposé par la force physique à une perquisition dans ses locaux ; il lui est difficile de faire des gestes en direction des écologistes quand il les traite avec son habituelle suffisance ; il tente de briser EELV en faisant la danse du ventre devant Sandrine Rousseau, il demande, de façon péremptoire, au PCF, de le rallier, il n’a que faire de Montebourg.

L’éparpillement des voix.

Mais la vérité, c’est l’éparpillement des voix de la gauche, globalement minoritaires, entre les 2 % de Montebourg, les 2 % de Fabien Roussel, les 5 % d’Anne Hidalgo, les 7 ou 8 % de Yannick Jadot, infiniment mieux placé que lui pour donner un peu de cohésion à la gauche, bien plus mal en point cette année qu’il y a cinq ans. Mais le scrutin présidentiel n’est pas seulement affaire d’alliances et renversements d’alliances. Il est affaire de contenu idéologique. Souvent, dans les débats, on tente d’évaluer le danger de l’extrême droite et de le comparer à celui de l’extrême gauche.

Plus d’impôts.

Le caractère de Jean-Luc Mélenchon en ferait sans doute un président plus autoritaire encore que ne le serait Marine Le Pen. Mais, sans aller jusque là, le chef des Insoumis a un programme capable de détruire les institutions. Il ne veut pas commencer à rembourser la dette ; il n’a pas peur d’indigner l’Europe, puisqu’il veut la quitter, elle et la zone euro ; il va dissoudre l’Assemblée nationale, faire élire une Assemblée constituante qui rédigera une nouvelle Loi fondamentale ; et comme il pense que la pression fiscale est insuffisante, il va encore l’augmenter.

Le président de ceux qui en ont marre.

Il ne fait pas de doute que Mélenchon a de nombreux soutiens et qu’il parle un langage que les laissés pour compte de la dynamique de l’économie de marché comprennent fort bien. Il serait effectivement le président de ceux qui en ont marre. Mais pas celui des autres, qui sont les plus nombreux et qui abondent, eux, les régimes de sécurité sociale. Mélenchon est donc dangereux du point de vue de la démocratie et de la République, il l’est aussi à cause de son programme qui, comme celui d’Éric Zemmour, mais à l’autre bout du spectre idéologique, est révolutionnaire. Il est surprenant de voir les 67 millions de Français tous transformés en victimes ; de constater que l’extrême gauche et l’extrême droite se rejoignent dans le chaos qu’elles appellent de leurs vœux les plus ardents et dont on sait à l’avance qu’il ne résoudrait aucun problème.

Entre deux abîmes.

Car d’autres avant nous en ont fait l’a tragique expérience : c’est le communisme qui s’est effondré en 1989. Nous-mêmes, qui célébrons Mitterrand, nous souvenons quand même de la semaine de 35 heures et de la retraite à 60 ans, deux » merveilleuses » avancées sociales mais aussi deux catastrophes économiques dont nous ne sommes pas encore remis. On a dit parfois de Mélenchon que cet ancien ministre de Mitterrand a fini par se radicaliser. Sans doute a-t-il été ému par l’injustice. Mais on ne gouverne pas sous l’empire de l’émotion et encore moins sous celui de la vanité personnelle. Cette campagne avance sur une crête étroite qui file entre deux abîmes. La moindre des sagesses serait de ne pas tomber dans l’un des deux.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Mélenchon : le dernier essai

  1. Laurent Liscia dit :

    Triste gauche, minée par un populisme périmé.
    Le populisme a viré à droite, hélas. C’est ce qui se passe quand les peuples ont vraiment peur.

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