Le dilemme nucléaire

L’EPR de Flamanville
(Photo AFP)

La poursuite de la production d’électricité d’origine nucléaire divise l’opinion et les partis. L’adoption de la filière EPR par le gouvernement met un terme à la réflexion, sinon au débat, mais en ouvre un autre : le choix de l’EPR est-il raisonnable ?

ON ASSISTE à un retournement de l’opinion française en faveur de l’électricité nucléaire. On sait que celle-ci n’est pas carbonée mais qu’elle produit des déchets indestructibles. Le gouvernement a décidé de construire six nouveaux EPR, alors que ceux de Flamanville et de Finlande ont des années de retard et ont coûté trois à quatre fois leur prix.

Ce qui augmentera d’autant les tarifs de l’électricité, déjà élevés, et risque de nous engager dans une voie où la demande en France va excéder l’offre. Le mot d’ordre général est le tout-électrique, parce que nous devons, aussi vite que possible, renoncer aux énergies contribuant à l’effet de serre. Et effectivement, il ne suffit pas de compter sur l’éolien dont la production est aléatoire. À partir du moment où nous diminuons le recours au gaz, il nous faudra compenser le manque d’énergie par l’électricité, d’où qu’elle vienne.

Le nucléaire n’est pas une malédiction.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’énergie issue du nucléaire n’est pas forcément une malédiction, sauf quand Tchernobyl ou Fukushima explosent. En France, les centrales nucléaires classiques ont assuré à bon marché une consommation qui n’a pas cessé d’augmenter. Nous avons décidé de démanteler la centrale de Fessenheim, mais n’avons pas renoncé au nucléaire. Bien que le retard sur la construction des réacteurs EPR nous coûte très cher, nous sommes fiers d’avoir mis au point une filière plus sûre, plus fiable et de plus longue durée. Cependant, même si l’État a des poches profondes, nous ne pouvons pas continuer à financer des EPR qui coûtent quatre fois plus que leur prix original. C’est une politique de Gribouille : nous voulons garder le nucléaire pour payer une électricité moins chère, mais,  avec l’EPR,  nous savons d’ores et déjà que son  prix sera prohibitif.

Un débat limité.

Associée aux travaux à Flamanville et en Finlande, à la construction d’une centrale à Hickley Point, au Royaume Uni, et aux deux EPR vendus à la Chine et qui fonctionnent, la décision de choisir la nouvelle filière ouvre un chemin qu’il sera difficile de modifier. Les débats préélectoraux n’ont pas, jusqu’à présent, été très consistants, malgré l’opposition des Verts et d’une partie de la gauche au nucléaire. C’est assez dire que la question des candidatures, constamment nourrie par des sondages surprenants, a enterré une flopée de sujets d’importance vitale pour notre avenir. Tout le monde se demande si M. Zemmour sera candidat, personne ne se pose la question de l’avenir économique et social des Français.

Not in my backyard.

Le fait est que les dossiers contemporains sont d’une technicité extrême et qu’il est difficile de comprendre, comme pour tant d’autres dossiers, les avantages et les inconvénients de l’énergie d’origine nucléaire. Les scientifiques font des propositions, les politiques finissent, tôt ou tard, par trancher. Et les citoyens votent, mais ont-ils tous mesuré les enjeux ?  Il en va de même pour les choix économiques ou géostratégiques, comme la nécessité de s’opposer à l’expansionnisme russe et chinois. Le danger est lointain, mais il est immense.

De la même manière, le gouvernement semble s’orienter vers des EPR de petite taille, très nombreux, destinés à compenser le manque de vent pour les éoliennes. Toutes les idées sont bonnes jusqu’à ce qu’elles rencontrent des obstacles d’application. Des EPR à la carte, dans un pays dont les habitants ne veulent pas d’un réacteur nucléaire près de leur maison ? Il y aura une révolution locale pour chaque nouvelle implantation.

RICHARD LISCIA 

 

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4 réponses à Le dilemme nucléaire

  1. CAPORAL dit :

    L’énergie nucléaire est la plus propre, bien gérée et la moins chère.
    Je rappelle que notre dernier prix Nobel de Physique prévoit grâce à sa découverte l’annihilation de tous les déchets très vite dans un avenir proche.
    Il est vrai que les médias semblent le bouder…
    Dr Roger Caporal

  2. Laurent Liscia dit :

    Sans oublier le projet ITER de fusion nucléaire, dont l’ambition est d’être opérationnel d’ici 2025. La fusion a l’avantage de ne pas produire de déchets. Si elle se révèle viable.

  3. Journois dit :

    Intéressant, merci !
    Oui, tant qu’à engager des investissements significatifs pour faire face au vieillissement de nos centrales à fission, il vaut mieux investir dans des capacités d’énergies renouvelables dont le coût de production ne pourra que baisser.
    Pour le “not in my backyard” on invoque aujourd’hui la démocratie directe sur les éoliennes mais, sauf erreur, on ne s’est pas trop interrogé sur l’acceptabilité du nucléaire quand la filière s’est lancée après guerre.

  4. Dr VAUCAMPS dit :

    Je constate qu’enfin les écolos responsables reviennent vers le nucléaire.
    Les accidents graves (URSS, Japon) ne peuvent se produire en France: (pas la même technologie qu’en URSS et pas le même sol qu’au Japon. De plus, les déchets d’aujourd’hui seront (peut-être) les carburants de demain.
    Vous l’avez compris, le PCR (personne compétente en radioprotection) que je suis est pro-nucléaire … mais pas n’importe comment (en France, nous avons l’ASN (Agence de sûreté nucléaire) qui veille aussi bien que possible à la sécurité des centrales (ce qui entraîne des retards et des surcoûts) mais garantit autant que possible la sécurité.
    Nos centrales sont sûres et les surcoûts liés aux développement des nouveaux types de centrale nous permettront de rester à la pointe du progrès technologique dans ce domaine.
    J’approuve pleinement les Italiens qui refusent le nucléaire du fait de nombreux tremblements de terre et je ne comprends pas que le Japon développe ce mode d’énergie.
    Je pense qu’il faut réfléchir aux problème de l’énergie au niveau mondial. Surtout pour l’énergie nucléaire.
    Je ne comprends toujours pas pourquoi les écolos allemands ont imposé la sortie du nucléaire au profit de centrales au charbon.( ni pourquoi on a fermé Fessenheim…)
    Qu’on le veuille ou non, le nucléaire va s’imposer pour encore quelques décennies car c’est actuellement la seule solution pour produire assez d’énergie « propre » en quantité.
    Même s’il faut dès maintenant étudier les autres piste de production d’énergie propre.
    Il s’avère avec le temps que l’éolien n’est pas forcément la meilleure solution .
    Affaires à suivre.

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