Taubira, le retour

Christiane Taubira a-t-elle une chance ?
(Photo AFP)

Ancienne ministre de la Justice dans les gouvernements Valls et Ayrault, Christiane Taubira peut se targuer d’avoir toujours milité  pour assurer les réparations aux descendants des victimes de l’esclavage, dans toutes les fonctions qu’elle a obtenues. 

CE FAISANT, cette membre du PRG a toujours adopté des positions plus à gauche que les partis auxquels elle a adhéré, PRG ou PS. Elle n’a cessé de tenter de les modifier pour qu’ils fussent plus en phase avec la communauté noire de DOM-TOM. C’est aussi un personnage politique qui n’a jamais caché le rôle qu’elle entendait jouer et son éblouissante culture lui a permis d’écrire des livres ou de faire des discours qui ont laissé une trace. Elle représente ainsi le miroir de Jean-Luc Mélenchon.

Hésitations.

Que la gauche fasse appel à son talent traduit néanmoins son désarroi et si elle essaie de tenter une expérience vouée à l’échec, il faudra, en bonne logique, qu’Anne Hidalgo se retire et, avec elle, Yannick Jadot. Si Mme Hidalgo semble atteinte de dépression et serait peut-être soulagée par son remplacement, il n’en va pas de même avec Yannick Jadot qui veut aller jusqu’au bout de la campagne, comme Jean-Luc Mélenchon, ce qui ne laisse à Mme Taubira que l’espace de la maire de Paris (4 points). L’ancienne garde des sceaux « envisage » sa candidature, y « réfléchit ». Elle prendra sa décision le 15 janvier. Ce n’est pas une façon très convaincante de se présenter à l’électorat qui aurait pu attendre de Mme Taubira vent frais et sang neuf, mais ne trouve dans son éventuelle candidature que les vieilles recettes de l’hésitation.

Un électorat limité.

Il est admis que le total gauche est limité à un quart de l’électorat ; il n’existe pas de vases communicants permettant d’imaginer des renforts. Et il nous semble que, par rapport à Jean-Luc Mélenchon, Christiane Taubira n’apporte rien : ou bien elle annonce un programme très voisin du sien, ou bien elle fait de la surenchère, ce qui nous semble difficile dans un contexte où la surenchère des extrêmes effraie bon nombre d’électeurs. Mme Taubira candidate ne serait pas une Mme Hidalgo-bis, les parcours des deux femmes sont trop différents. Mais elle peut ressembler à Jean-Luc Mélenchon, étant entendu qu’elle affaiblirait la France insoumise sans avoir la moindre chance de figurer au second tour. Si, à la lumière de sa « réflexion », elle apporte à sa candidature l’élan dont la maire de Paris est privée, elle n’y  parviendrait que dans le monde la gauche, bloqué à 25 % de l’électorat.

La fatalité de 2022.

La gauche manque de soldats et restera divisée, comme si, depuis 2017, une sorte de fatalité pesait sur une gauche incapable de s’unir et de grandir. Il faut du temps pour rapprocher les points de vue des uns et des autres et c’est valable pour tous les partis, pour la droite et l’extrême droite. Les ego et le narcissisme empêchent l’union. Enfin, l’arrivée de Christiane Taubira dans l’arène serait contradictoire avec l’évolution de la politique, très marquée à droite. Elle ne fera pas reculer le mouvement souverainiste et identitaire et, tous comptes faits, il y a trop de candidats à la présidence.

L’arbitre de la consultation.

En effet, Emmanuel Macron distance, au premier tour, Mme Le Pen, 16 %) et Mme Pécresse (17 %) qui se situent au moins à huit points de lui. Son avance au premier tour lui donnerait des ailes au second. Il est bel et bien, et quoi qu’on dise, l’arbitre de cette consultation. Il n’est fort ni de son bilan, mitraillé avec délices tous les jours par les partis d’opposition, ni de sa façon de gouverner, souvent impulsive, ce qui, en soi, n’est pas une tare. Il est fort de la pléthore des candidats tous désunis face à lui. Observez la scène et décelez-en les contours : il faudrait, pour le battre, qu’il n’y ait qu’un candidat de l’extrême droite et un seul pour la gauche. S’il y en a plusieurs dans chaque camp, c’est parce que, pour 2022, chacun croit que son heure est venue. C’est ce que pense Yannick Jadot, ce que pense Valérie Pécresse, ce que pense Jean-LucMélenchon. Ils croient qu’ils ne peuvent pas perdre parce que 2022 serait, pour chacun d’eux, une occasion inespérée. Ainsi se construit une désillusion qui, depuis près d’un an, est inscrite dans les faits.

RICHARD LISCIA

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5 réponses à Taubira, le retour

  1. Jean CAZENAVE dit :

    L’affaire semble entendue pour la présidentielle … Mais paradoxalement Les Républicains ont intérèt à une candidature Zemmour qui permettra à leur championne d’aller au second tour au détriment de Mme Le Pen. Et si Macron l’emporte, ce qui reste probable, l’affaire se jouera en réalité aux législatives, où LR peut prétendre à remporter plus de sièges que LaREM, faire émerger une nouvelle majorité LR/LaREM et obliger le président à nommer un(e) Premier ministre LR.
    Macron devra cohabiter !

    • Dominique S dit :

      Ce serait un comble pour un président, réélu pour la première fois hors cohabitation ! Mais tout est possible, y compris ce qui n’est jamais arrivé.

  2. mathieu dit :

    Taubira pourra se satisfaire de rester dans l’histoire électorale de notre pays… comme le caillou dans la chaussure du candidat de gauche le mieux placé, qu’il soit présidentiable comme en 2002 (Jospin) ou fédérateur potentiel d’un vrai courant à l’Assemblée (Mélenchon en 2022)… Attendons 2042, peut-être aura-t-elle le temps de mûrir un vrai programm e!

  3. Sphynge dit :

    Gauche versus extrême droite : ce n’est pas plutôt extrême gauche versus droite dans la situation présente ? LFI, écologistes, communistes, une grande partie du PS (Mme Taubira incluse) et tous les gauchistes revendiqués représentent l’extrême gauche. RN, M. Zemmour, LR, représentent la droite conservatrice traditionnelle. Il n’y a plus d’extrême droite significative en France que dans le discours de l’extrême gauche, de la gauche résiduelle et des médias qui qualifient d’extrême droite et de fascisme tout ce qui n’est pas eux. Le danger ne vient-il pas aujourd’hui de l’islamo-gauchisme des communistes, gauchistes et crypto-gauchistes ?

    Réponse

    Non, le danger vient de l’extrême droite, capable d’influer sur LR et de contraindre ce parti à adopter des mesures sévères. L’état de la gauche est proche du désespoir et elle n’a pas l’outrecuidance de croire qu’elle aurait la moindre chance d’avoir la même influence.
    R. L.

    • mathieu dit :

      Qu’on soit d’accord avec le programme ou pas, il est difficile de qualifier d’extrémiste un parti prônant la limitation de l’immigration, la refonte de la naturalisation ou la préférence nationale. On peut en vomir l’esprit de repli sur ses frontières, le passéisme, le conservatisme suranné et irréaliste, l’égocentrisme frileux, la déconnexion du monde d’aujourd’hui. Populisme oui, souvent extrémisme, d’accord avec Sphynge, soyons prudent sur des termes qui arrangent bien l’intelligentsia de gauche. Et n’allons pas pour autant nous jeter sur un bulletin Zemmour ou Le Pen, lesquels représentent tout de même le tiers de l’électorat français (20 millions d’extrémistes?) !

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