Gauche : un ersatz de primaire

Triomphe sans gloire
(Photo AFP)

Christiane Taubira arrive en tête des « mentions » bien à la primaire censée rassembler la gauche, devant Yannick Jadot, Jean-Luc Mélenchon et Anne Hidalgo, classée cinquième avec une mention « passable ». Les trois principaux candidats de la gauche ont refusé leur note.

INUTILE de se perdre en conjectures au sujet de l’organisation de cette primaire, dont le résultat consiste à ajouter une septième candidate aux six déjà en présence. L’ancienne garde des sceaux tente d’engager un dialogue avec ses homologues, qui la boudent. La procédure mise au point par les organisateurs aura été à la fois ambitieuse et étrange. Elle a été nourrie par l’idée qu’un sursaut pourrait extirper la gauche du marasme profond où elle se débat, mais aujourd’hui elle apparaît comme un stratagème destiné à insérer Mme Taubira dans le processus électoral.

La première de la classe.

On ne s’étonne plus des coups de théâtre qui jalonnent la campagne électorale. Cette agitation résulte d’une maturation et d’une réflexion sincère sur l’état actuel de la gauche. Il demeure qu’elle accroît la confusion au lieu de la dissiper. En effet, dans les enquêtes d’opinion, Christiane Taubira fait un score inférieur à 5 %, ce qui est négligeable et ne lui donne aucune autorité pour s’adresser aux autres candidats avec la condescendance du premier de la classe. Les élections primaires sont censées aider l’exercice de la démocratie, mais si elles ne sont pas organisées avec toute la rigueur promise et le consentement des candidats, elles risquent, comme cela va être le cas, d’affaiblir le camp qu’il s’agissait de défendre.

Un calibre insuffisant.

On ne prend pas de risque à dire  que la manœuvre de Mme Taubira, soigneusement préparée dans le brouhaha d’une campagne démoralisante pour l’électorat de gauche, apparaît aujourd’hui clairement : il s’agit d’une tentative individuelle pour faire l’unité de la gauche mais autour d’un seul nom. Il manque à Mme Taubira, dont la candidature en 2002 a seulement ruiné celle de Lionel Jospin, le calibre et l’aura d’un chef historique de la gauche. C’était couru d’avance, dès lors que les Jadot, Mélenchon et Hidalgo, sommités nationales, ne dépassent pas les 10 %, alors que Mme Taubira, elle, ne réunit sans doute pas plus de 5 %,  ce qui sera confirmé par les toutes prochaines enquêtes d’opinion. Avec son audace habituelle et son sens de l’occasion historique, l’ancienne ministre de la Justice a cru qu’elle allait s’imposer. Elle s’est effectivement imposée dans cette primaire bizarre, mais elle n’a pas changé l’ordre hiérarchique des candidats.

Un retrait historique de la gauche.

À un peu plus de deux mois de l’élection présidentielle, ce constat signe le retrait durable de la gauche, dont les freins à l’épanouissement sont les ego des candidats qui sont si peu dans l’esprit unitaire qu’ils ne souhaitent plus qu’une chose : la défection des autres. Que Mme Hidalgo résiste avec tant de détermination alors que le premier tour signera le recul et surtout la ruine financière du parti socialiste correspond à un entêtement que le coup de Jarnac de Mme Taubira suffit à expliquer. On a assez dit que la France a basculé à droite, on ne dit pas assez qu’elle a surtout basculé à l’extrême droite, danger mortel pour nos institutions qu’une meilleure performance de la gauche nous eût sans doute épargné.

Nous avons non pas une mais deux extrêmes droites, celle de Marine Le Pen et celle de M. Zemmour. Elles pèsent non seulement par le nombre de leurs électeurs potentiels mais par le suintement de leurs idées destructrices. Elles corrompent la campagne de Valérie Pécresse qui, au contact des Ciotti et des Wauquiez, expose aujourd’hui des projets davantage destinés à prendre des suffrages aux extrêmes qu’à redresser un pays dont, comme tout le monde, elle n’arrête pas de dire qu’il va mal, alors que les chiffres de la croissance et de l’emploi sont carrément encourageants.

Dans le train des illusions.

Aux deux niveaux, celui de la droite et celui de la gauche, nous avançons donc sur le train des illusions, en fonction de ce mirage catastrophique qui nourrit la peur, la haine et la subversion et qui est présenté par des élus comme l’essence de la vérité. De nos jours, on tient des primaires auxquelles personne ne porte attention ; nous entendons des discours complètement faussés par la peur de perdre ; on nous décrit des épouvantails qui terrifient cette opinion plus prompte à refuser la vaccination qu’à observer la réalité exacte de notre situation historique. La campagne est déphasée, excentrée, à côté de la plaque. Il y a cent minorités de dupes et heureusement une majorité silencieuse aux nerfs solides.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Gauche : un ersatz de primaire

  1. Laurent Liscia dit :

    Oui, mais au moins cette farce gentillette arrive à son terme. Et Mme Taubira aura maintenant un titre de pacotille (sinon de gloire) à son actif.

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