Ukraine : la dernière chance

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(Photo AFP)

Emmanuel Macron se rend aujourd’hui à Moscou, demain à Kiev, puis à Berlin. Il tente de convaincre Vladimir Poutine de renoncer à envahir l’Ukraine et de lui proposer une alternative diplomatique à une solution par la force des armes.

IL NE MANQUE pas d’arguments. La conquête de l’Ukraine ne serait pas une partie de plaisir pour les troupes russes, même si elle sont surarmées et bien entraînées. Elle coûterait cher à la Russie, en matériels et en hommes. Elle tournerait le dos à des perspectives plus réjouissantes de sérénité et de paix. Elle déclencherait chez les Ukrainiens un mouvement de résistance qui rendrait la vie impossible à l’occupant. La puissance militaire de Moscou serait non pas admirée par le reste du monde mais vilipendée pour le chaos qu’elle déclencherait.

C’est Poutine qui invite.

Il est rare, depuis cinq ans, que le président de la République, ait obtenu satisfaction après ses efforts diplomatiques. Son entêtement n’en est que plus méritoire. En pleine campagne électorale, les oppositions ne se gêneront pas pour dénoncer un échec. Mais elles seraient embarrassées par un succès auquel elles n’auraient pas contribué. Certes, Macron n’agit pas seul. Sans la puissance de feu américaine, ses efforts n’aboutiraient pas. C’est d’ailleurs Poutine qui lui a suggéré de faire le voyage à Moscou. Il prétend qu’il ne souhaite pas s’emparer de l’Ukraine ou de ce qu’il en reste, mais d’obtenir des Occidentaux qu’ils cessent de menacer la Russie, que leurs forces reculent loin des frontières de son pays, et que les relations Est-Ouest soient normalisées pour le bien de tous.

Des limites.

Un compromis avec Moscou serait donc nécessairement un donnant-donnant. L’Occident devrait faire des sacrifices alors qu’il a pris des engagements de sécurité avec la Pologne et les États baltes. De ce point de vue, la mission que Macron s’est arrogée a des limites : il ne peut pas parler ni au nom des Américains ni au nom de l’OTAN. Il  peut en revanche établir un plan de paix qui réviserait complètement la carte des implantations militaires à proximité de la Russie. Le plan serait ensuite la base de discussions entre Poutine et l’ensemble des Occidentaux.

Les arguments russes.

On peut critiquer Macron pour le timing de ses interventions diplomatiques, qui se heurtent au calendrier électoral français, pour sa témérité (il prend les risques que d’autres rejettent), et pour son arrogance : la petite France qui se croit plus grosse que le bœuf. Le président, autant que l’on s’en souvienne, n’ignore rien,  pourtant, des dévastations causées par une guerre, avec des armes affreusement destructrices, des villes et villages vulnérables, des milliers d’hommes et de femmes qui vont mourir seulement parce qu’ils veulent vivre libres. Dans un article intéressant, Time magazine, cette semaine, montre qu’il y a en Ukraine un camp pro-russe largement soutenu par une partie de la population. Il ne faut pas oublier que les Ukrainiens parlent souvent, sinon tous, le russe, que leur pays est le berceau de la Russie, qu’au cours de l’histoire, les liens entre les deux peuples se sont renforcés.

Honnête courtier.

En conséquence, l’idée que Poutine s’apprête, au-delà de toutes les colères, à commettre un crime historique, n’est pas corrigée par une autre idée, à savoir l’état d’esprit ukrainien dont les sources et les références ont été ensevelies par la colère du Kremlin. Évidemment, on ne citera ces sources qu’en laissant croire qu’on se range du côté du plus fort, du plus menaçant, du plus injuste. Macron ne donnera pas cette impression et, de toute façon, il ne fera aucun cadeau à Poutine, car il n’a pas la délégation de pouvoirs nécessaire. Il se présente comme l’honnête courtier qui veut uniquement éviter l’Apocalypse.

Un président utile. 

Je sais que cet homme, haut dans les sondages, est cordialement haï par un amalgame de groupes, pour différentes raisons. Au moment où la campagne souligne à gros traits le cynisme des partis, les trahisons, les coups de Jarnac et les folies oratoires, Macron tente, au-delà de tout espoir, de murmurer à l’oreille de Poutine quelques mots d’apaisement. Je pense à cette classe politique qui le somme de rentrer à la maison et de ne s’occuper que de sa campagne, sans même comprendre qu’à deux pas de chez nous à vol d’oiseau, risque de se produire une guerre qui balaiera beaucoup de nos valeurs, beaucoup de biens, beaucoup de vies humaines, le tout avec un retard humain, climatique et économique. M. Macron a bien du courage et ses censeurs beaucoup de lâcheté.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Ukraine : la dernière chance

  1. Laurent Liscia dit :

    Très bien vu. Ce voyage de Macron n’est pas une mission de marketing électoral. Elle vise à empêcher une catastrophe humanitaire, économique, écologique et boursière à laquelle la France n’échappera pas. Ce qui est curieux, c’est l’insistance des critiques sur le franco-francais, comme si nous ne vivions pas sur la même planète que les Russes et les Ukrainiens. Cela dit, ce n’est peut-être que le pendant du déni effarant qui afflige les extrêmes: déni de COVID, déni de changement de climat, déni de l’évolution sociale, déni de sa propre peur face au changement.

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