Les convois de la « liberté »

Maigres résultats
(Photo AFP)

Bien que la journée de samedi n’ait pas été vraiment perturbée par les convois dits de la liberté, les analyses sur leur impact électoral n’ont pas manqué.

QUELQUES observateurs sont allés jusqu’à  dire que l’expression « dits de la liberté » n’était pas légitime car c’est en son nom que l’opération a été organisée. Ce qui nous renvoie à la notion de liberté dont l’usage est multiple et s’inspire souvent de valeurs que violent les manifestants eux-mêmes. C’est devenu un stratagème courant de l’extrême droite de s’arroger le drapeau tricolore, l’hymne républicain, la démocratie au nom d’un projet qui finira par nous en priver. Personne n’est dupe de l’astuce, mais c’est tellement plus facile de dire qu’on sème le désordre parce qu’on est les seuls, en définitive, à servir les bonnes causes. Pour excuser cet amalgame, il suffit d’épouser leur projet qui vise à démontrer que la liberté et la démocratie ont déserté notre pays.

Les extra-lucides.

Nous serions donc tous, mais surtout eux, les extra-lucides, les victimes placées sous le joug totalitaire d’un gouvernement élu au suffrage universel. Le pouvoir, incarné par « l’affreux » mais imperturbable Macron, est toutefois assez respectueux des formes d’expression libres pour ne pas empêcher les manifestations de toutes sortes. Leur objectif réel n’est pas de conquérir la liberté qu’ils ont déjà,  mais de semer le désordre et de remplacer le « système » actuel par celui que des élections ne peuvent pas produire. Sous la « liberté » pointe la dictature d’une minorité. Les crises du monde, pourtant, ne manquent pas où les indignés permanents pourraient exercer leur pouvoir de nuisance. Les convois auraient pu, par exemple, se diriger vers l’Ukraine où un peuple entier attend les chars russes. Lesquels ne formeront pas, le moment venu, des convois de la liberté, mais ceux de l’annihilation.

Les Cassandre.

Ces « misérables » dont les maigres troupes ont déferlé sur le pays sont arrivés parfois dans de belles et coûteuses voitures, preuve que le prix de l’essence n’est que leur souci affiché, et ne les contraint pas à acheter un modèle plus petit. Ce qui n’empêche aucun politologue de comparer le mouvement à celui des gilets jaunes et de représenter le signe avant-coureur d’un bouleversement subit du classement électoral. Cela revient à imaginer qu’un volcan se réveillerait en France pour répandre des millions de tonnes de lave brûlante sur le microcosme politique. Vœu pieux et espoir infantile. C’est ailleurs que la liberté a disparu, en Russie, mais aussi en Syrie où les Kurdes se battent seuls et dos au mur, contre les forces turques et syriennes, en Turquie, en Arabie saoudite, en Chine, État policier et répressif où la vérité officielle est un mensonge national.

Objectif vérité.

Ce dont nous avons besoin, c’est donc de vérité. Nous avons besoin de nommer les choses et de dire par exemple que les convois de la liberté ne sont qu’un mouvement d’extrême droite qui a entendu le chant des sirènes avec Marine Le Pen et écoute maintenant ce grand halluciné qu’est Éric Zemmour, chantre d’une mythologie de la haine, de la nostalgie et du désespoir. Personne n’ignorait que cette campagne serait le lieu géométrique de tous les excès verbaux, des thèses les plus absurdes, des mensonges répétitifs, des insultes, des trahisons, des transferts. Mais personne non plus n’avait deviné que ce grand déballage ne serait d’aucune utilité. Le reproche que l’on adresse à la gauche parce que, pratiquement, elle a perdu ce scrutin, doit être doublé d’un autre blâme : elle a permis cette effroyable ascension de l’extrême droite parce qu’elle ne l’a pas combattu comme il convenait, parce qu’elle a fait de Macron son ennemi privilégié, sans d’ailleurs changer de stratégie depuis qu’elle a plongé dans les abîmes des enquêtes d’opinion.

Elle s’est trompée d’ennemi, elle a favorisé l’expansion la plus dangereuse du néo-fascisme depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. On peut en dire autant de la droite, fascinée comme un lapin qui croise les projecteurs d’une automobile, et qui ne sait pas comment freiner le lepénisme et le zemmourisme, qui ne retient pas ses adhérents et ses électeurs, plus intéressée par l’original que par la copie, comme au temps de Nicolas Sarkozy. Lequel ne sait dire ni oui ni non à Valérie Pécresse, et ce, pour une très bonne raison. Il pense qu’elle va perdre, sinon il l’aurait adoubée.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Les convois de la « liberté »

  1. Laurent Liscia dit :

    Très beau parallele avec l’Ukraine. C’est facile de « défendre » la liberté dans un pays libre. Un peu plus dur sous la botte russe, ou chinoise.

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