Poutine recule-t-il ?

Manif’ à Kiev
(Photo AFP)

La Russie a annoncé hier le début du retrait de ses forces armées massées en Crimée. Les Occidentaux veulent savoir si la détente est généralisée.

THÉORIQUEMENT, les Russes n’ont aucune raison de retirer leurs troupes : ils n’ont obtenu satisfaction sur aucun des points qu’ils considèrent comme essentiels, notamment l’engagement de l’Ukraine à ne jamais adhérer à l’Organisation atlantique. S’il se confirme, dans les jours qui viennent, qu’ils renoncent à attaquer l’Ukraine, c’est grâce aux pressions exercées par les Occidentaux (assorties de sanctions dont la nature n’a pas été révélée) et aux mises en garde pacifiques des États-Unis et de l’Europe. Lesquels ne peuvent pas baisser la garde avant que le recul des troupes russes qui, en Crimée, en Biélorussie et en Russie, menacent l’Ukraine, ne soit confirmé, ce qui est possible grâce aux images transmises par satellite.

La crise est passée.

Avec la politique de Poutine, on peut toujours se tromper, mais il n’est pas vain de croire que, s’il avait voulu attaquer l’Ukraine, il l’aurait déjà fait. Le statu quo dont il s’est contenté pendant plusieurs semaines a surtout permis la fréquence et la diversité des contacts diplomatiques, et renforcé l’optimisme affiché par les Ukrainiens qui, à tort ou à raison, ne croient pas à cette guerre. Mais même un retrait complet des troupes russes doit être accompagné d’une franche explication sur le statut de l’Ukraine, qui doit être minutieusement négocié.  Comme toute négociation impliquant des points de vue violemment antagonistes, la tâche sera ardue. Et le retour des Russes aux frontières de l’Ukraine sera au contraire la chose la plus aisée du monde.

La recherche d’un compromis.

En l’état actuel du rapport de forces, l’Ukraine ne peut pas adhérer à l’OTAN et elle doit trouver un modus vivendi avec Moscou parce qu’elle est dans un environnement russe. Les deux pays sont étroitement liés par l’histoire et la géographie, ce qui signifie que le point de vue russe doit être pris en considération par les Occidentaux, mais aussi que les Ukrainiens doivent rester libres de choisir leur destin en toute circonstance. Il n’y a pas de négociation qui réussisse sans aboutir à un compromis : l’essentiel, pour Poutine, c’est que les Ukrainiens ne menacent pas la sécurité de la Russie. Ils peuvent s’y engager. Moscou, par ailleurs ne peut pas se montrer trop exigeante : elle supporterait mal de nouvelles sanctions et a hâte de vendre son pétrole et son gaz. La mise en service du tout nouveau gazoduc North Stream II, prêt à fonctionner, scellerait le retour aux  échanges commerciaux.

Un bon point pour Macron.

Enfin, et même s’il est prématuré de s’auto-congratuler, on note le résultat de la cohésion atlantique et des efforts fournis par l’Union européenne, sous la houlette de son président, en l’occurrence Emmanuel Macron, auquel les sondages accordent majoritairement un certain crédit diplomatique qui ne manquera pas de jouer en sa faveur au moment des élections générales. Ceux qui estimaient qu’il ne devait pas assurer cette fonction en fin de mandat en resteront pour leurs frais. Aucune loi, en effet, n’interdit un président de la République d’assumer toutes ses fonctions jusqu’au dernier jour de son mandat.

Une alternative médiocre  pour Poutine.

Il y a des choses que les Ukrainiens ne peuvent pas faire ou pas faire encore, comme l’adhésion à l’OTAN. Mais il y a aussi des choses que la Russie ne peut pas  faire, comme le changement de régime à Kiev par quelque subversion des pro-Russes. D’une certaine manière, en massant des troupes d’invasion, Vladimir Poutine s’est mis lui-même dans une impasse : l’alternative était médiocre, envahir ou repartir. Aujourd’hui, il a renforcé l’hostilité des Ukrainiens qui souhaitent vivre dans une forme de démocratie à l’occidentale. Certes, l’annexion brutale de la Crimée ne risquait pas de lui valoir la reconnaissance des Ukrainiens et, de ce point de vue, les menaces qu’il continue à brandir ne surprennent plus personne. Or il ne rendra pas la Crimée, il l’a définitivement russifiée. Reste à savoir s’il se contentera dorénavant du statu quo qu’il a lui-même créé.

RICHARD LISCIA

 

 

 

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