Élisabeth Borne, Première ministre

Une seconde de paradis à Matignon
(Photo AFP)

La nomination d’Élisabeth Borne à Matignon répond aux critères établis par Emmanuel Macron. C’est certes une surprise, mais la nouvelle cheffe du gouvernement vient du sérail et ne saurait être considérée comme une personnalité qui bouleverse le paysage politique.

MME BORNE ne correspond pas à l’idée énoncée par le président de la République au sujet d’un « homme nouveau pour un programme nouveau ». Elle a passé cinq ans au gouvernement et elle a contribué à des réformes essentielles. De ce point de vue, elle offre plutôt l’image de la continuité. Mais sa discrétion et sa réserve ne doivent pas effacer ni même voiler ses connaissances et son talent. Oui, elle vient de la gauche et elle croit aux réformes. Il est plus facile de lui faire le procès immédiat et facile que les oppositions ont lancé contre elle, que d’admettre que son expérience et son langage franc et direct constituent des atouts plutôt qu’un passif.

Un cadeau aux filles.

On se félicitera, bien sûr, de ce qu’elle soit une femme. Elle a d’ailleurs présenté sa nomination  comme un cadeau « à toutes les petites filles de France » qui ont maintenant le « droit de rêver ». Les mauvais coucheurs professionnels s’esclaffent parce qu’une femme au pouvoir devrait représenter une tradition plutôt qu’une exception. À ce compte-là, surtout ne faisons plus rien et ne remédions pas à nos scléroses sociales. Peut-être est-il temps, car les événements vont vite, n’est-ce pas ?, de relever que son parcours académique (Polytechnique, Ponts et Chaussées) lui offre le savoir indispensable aux réformes structurelles. Qu’elle n’a pas tardé, dans son discours d’investiture, à mentionner l’urgence climatique, priorité dont M. Macron l’a chargée. Si elle n’est pas « nouvelle » à proprement parler, elle l’est en tant que Première ministre.

Un monde parallèle.

Si l’on en juge par le déferlement des critiques, saillies, condamnations, jugements sommaires qui se sont exprimés en moins de douze heures après sa nomination, elle n’a aucune chance. Les Insoumis sont de plus en plus persuadés que Jean-Luc Mélenchon, qui a parlé de maltraitance sociale quand Marine Le Pen préfère saccage social,  (on vous avait dit qu’il ont beaucoup en commun) la remplacera au terme des législatives. Dans leur logique, elle n’aura pas le temps de défaire ses cartons. La violence des propos tenus par les extrêmes a fini par les placer dans un monde parallèle, troisième tour social ou Mélenchon à Matignon, qui n’a aucun rapport avec la réalité arithmétique des suffrages.

Un clivage malsain.

On est confondu par ces tours de magie. D’abord parce qu’ils polluent sérieusement la scène électorale ; ensuite parce que des millions d’électeurs croient ce qu’on leur dit, crédules qu’ils sont dans ce pays de la voyance. Ils ont pensé que l’élection présidentielle, en définitive, avait moins d’importance que les législatives. Ils vont tomber de haut, et même de très haut, quand Macron aura la majorité absolue au soir du 19 juin.  Ce clivage entre le pouvoir et les oppositions n’est ni sain ni propice aux changements qui doivent se produire. Il faut prendre des mesures climatiques drastiques dans un contexte où l’écologie politique a sombré. Il faudra bien s’attaquer à la réforme des retraites face à LFI et des syndicats qui ne veulent pas en entendre parler. Il faudra aussi commencer à resserrer les cordons de la bourse dans un environnement de hausse généralisée des taux d’intérêt.

Pas un instant de répit.

Mme Borne peut faire tout ça, pour autant qu’on la laisse faire. Mais si elle n’a ni le charisme ni le sourire du président, si elle ne facilite pas la fluidité du dialogue, si elle s’en tient aux chiffres, elle est aussi imperturbable, ce qui n’est pas donné à tout le monde. On a vu un Jean Castex presque heureux de s’en aller et de s’offrir des vacances qu’il a largement méritées ; Mme Borne n’a pas cette chance. Elle est à peine sortie de son ministère qu’elle a été jetée dans « l’enfer » de Matignon. Le pays sort d’une période de crises sans précédent, qui seront probablement moins aiguës que les crises à venir. La nouvelle Première ministre n’aura pas eu un instant de répit.

« Toutes les petites filles » de France n’ont pas, heureusement pour elles, l’ambition d’Élisabeth Borne. Nous n’avons besoin que d’un Premier ministre. Mais une chose est sure : entre les partis qui s’inspirent des vieilles lunes idéologiques et souhaitent, en quelque sorte, nous faire perdre un siècle, et ceux qui croupissent dans la même posture critique, la France a fait le bon choix. On a tellement glosé sur le quinquennat ! Le récit historique révèle qu’il en fallait deux pour arriver à bon port.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Élisabeth Borne, Première ministre

  1. Soria Jeanine dit :

    Je me régale à te lire

    Réponse
    Merci.
    R. L.

  2. Laurent Liscia dit :

    Souhaitons-lui un flegme persistant dans la tourmente.

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