Le régime des partis

Photo de famille des députés LFI
(Photo AFP)

La crise, telle qu’elle ressort des élections législatives, montre au moins deux choses surprenantes : le président a été réélu brillamment mais n’a pas obtenu une majorité absolue ; forts du nombre élevé de leurs députés, la coalition de la gauche et le Rassemblement national veulent lui imposer une forme de cohabitation. 

LE PASSAGE au scrutin proportionnel, encore réclamé hier par Marine Le Pen, n’est plus nécessaire. Son parti, de même que la gauche, a bénéficié du scrutin majoritaire. L’invraisemblable dichotomie entre la réélection du président et la simple érosion de son contingent de députés este pire que la cohabitation : si Macron avait été clairement minoritaire, il lui aurait été plus facile de constituer un nouveau gouvernement avec la droite ou avec la gauche qui auraient imposé leurs décisions.

La Nupes se décompose.

Tous les partis consultés par le chef de l’État refusent de conclure un pacte avec lui. Les médias et et les Républicains lui reprochent encore d’avoir fait monter les extrêmes, alors qu’ils n’ont cessé pendant cinq ans de tirer sur lui à boulets rouges, excellente recette pour l’affaiblir et le rendre responsable de tous les maux du pays. Mais la réalité est beaucoup plus complexe : trois des partis formant la Nupes ont indiqué à la France insoumise qu’ils entendaient rester maîtres de leurs votes, alors que Jean-Luc Mélenchon souhaitait prendre la tête d’une coalition.

Mélenchon, l’injure à la bouche.

Il a tourné la page du poste de Premier ministre qu’il convoitait. Mais il est plus agressif que jamais. « Cette femme, a-t-il dit, n’a pas de légitimité », parlant d’Elisabeth Borne et en l’injuriant deux fois en deux mots. C’est la remarque la plus grossière de cette année électorale. Le mot femme est dans sa bouche un terme de mépris et de sexisme et Mme Borne est deux fois légitime, parce qu’elle a été nommée par le chef de l’État et parce qu’elle a été élue députée dans le Calvados. Les chiens aboient, la caravane passe.

Un siège éjectable.

Ce qui ne veut pas dire que Mme Borne a les clés de la sortie de crise. Son incontestable majorité ne semble pas lui conférer beaucoup d’autorité en la matière. Et il est vrai qu’elle est assise sur un siège éjectable : si le gouvernement ne trouve pas rapidement un rythme normal d’activité, Macron devra en changer, sans doute avant la fin de l’année. Les consultations des partis d’opposition n’ayant à ce jour donné aucun résultat, il faut bien que les choses avancent, notamment à l’Assemblée où doivent être élus le président et les vice-présidents, les chefs de groupe, les questeurs.

Macron dans l’impasse. 

Emmanuel Macron a encore des tâches européennes, qui vont lui prendre deux jours demain et après-demain. Il mesure en tout cas les effets pervers de l’action menée par une opposition mue uniquement par la haine : il y a une distance incompréhensible entre ce qu’il est possible de faire avec une majorité relative et l’impasse qui le paralyse. Son autorité est indiscutable et il dispose encore d’un parti puissant. Pourquoi le pays serait-il gouverné par des partis minoritaires ?

Ceux qui se réjouissent.

Le réflexe qui a littéralement soulevé l’opinion contre lui aux législatives a cassé la mécanique de la Constitution. En un jour, on s’est retrouvé dans la IVème République, avec des partis qui font la loi, l’instabilité du gouvernement, le dérèglement des prises de décision. Ceux qui se réjouissent de cette crise semblent ignorer qu’ils n’en seront pas à terme les bénéficiaires : ne pas contribuer à l’action du gouvernement, cela revient à paralyser le pays au moment où il réclame à cor et à cri des solutions aux problèmes du pouvoir d’achat, des déficits et de la dette et de l’environnement.

Un gouvernement d’union nationale ?

Non seulement ces tâches doivent être accomplies d’urgence, mais les crises ne seront pas résolues par une période d’instabilité. En outre, la France a des responsabilités en Europe et dans le monde et son désarroi actuel inquiète ses amis ou partenaires. L’ancien Premier ministre Édouard Philippe propose un gouvernement d’union nationale, idée qui a été testée auprès des chefs de parti ; bien sûr, ils n’ont pris aucun engagement. Elle peut néanmoins faire son chemin dans les jours qui viennent. Il ne devrait pas être au-dessus des forces d’Emmanuel Macron de trouver la quarantaine de députés qui accepteraient de voter ses textes, en dépit de l’hubris d’opposants qui se voient déjà sur les marches du pouvoir.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Le régime des partis

  1. Doriel Pebin dit :

    Merci pour cette analyse qu’on ne retrouve malheureusement que trop rarement dans les différents médias. Nous sommes entrés de plein pied dans l’imposture et l’escroquerie. Le RN et LFI dictent l’agenda alors qu’ils sont minoritaires (?). Votre remarque au sujet de Mme Borne est d’une lucidité cruelle (qui semble manquer à nombre de commentateurs et politiques). Honte suprême pour Mélenchon, Mme Borne est un pur produit républicain +++. Elle a été pupille de la nation et a réussi par son travail et ses qualités à être ministre puis Première ministre, c’est-à-dire cette « élite honnie » par RN et LFI. Mais où est-on ? Où sont la réflexion et les valeurs dans ce monde de haine, de peurs, de dénigrement et de confrontation permanente véhiculée par ces partis ? Où sont les républicains ? Le monde périra par ceux qui regardent sans rien faire (Einstein). Continuez à défendre le bon sens.

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