Un remaniement en profondeur

Mme Borne avec l’ancienne ministre de la Santé, Mme Bourguignon et le nouveau, M. Braun
(Photo AFP)

L’Élysée a annoncé ce matin la composition du deuxième gouvernement d’Élisabeth Borne. Les rumeurs ont couru toute la nuit sur le choix des nouveaux ministres et leur liste était un secret de Polichinelle.

L’EXÉCUTIF a résolu le problème posé par Damien Abad, ministre des Solidarités, accusé d’agression sexuelle, en lui demandant de démissionner. Il est remplacé par Jean-Christophe Combe. Olivier Véran, ex-ministre des Relations avec le Parlement, devient porte-parole, rôle plus avantageux et surtout moins compliqué, compte tenu des relations entre le pouvoir et les oppositions. Olivia Grégoire, ex-porte-parole, est promue ministre des PME, du Commerce, de l’Artisanat et du tourisme.

Chaises musicales.

François Braun est nommé ministre de la Santé et de la Prévention. Laurence Boone, une économiste plutôt classée à gauche, remplace Clément Beaune aux Affaires européennes. M. Beaune devient ministre des Transports. Marlène Schiappa (une revenante) est nommé secrétaire d’État à l’Économie sociale et solidaire et à la Vie associative. Un ami d’Édouard Philippe, Christophe Béchu, devient ministre de l’a Transition écologique et de la cohésion des territoires. Il remplace Amélie de Montchalin, battu aux élections législatives.

Franck Riester remplace Olivier Véran aux Relations avec le Parlement et Jean-François Carenco devient ministre des Outre-Mers, poste occupé brièvement par Yaël Braun-Pivet, qui vient d’être élue à la présidence de l’Assemblée nationale.

Changements de confort.

La première remarque est que le remaniement est profond et répond à plusieurs problèmes. La présence de Damien Abad, par exemple, sollicitait clairement la fermeté d’Élisabeth Borne, qui ne pouvait pas traîner ce boulet indéfiniment, même si, plus tard, l’innocence de M. Abad est démontrée. Il y eu aussi des déménagements de confort, par exemple dans le cas de M. Véran, manifestement peu à l’aise pour dialoguer avec les oppositions, ou dans le cas de Mme Grégoire, connue pour son franc-parler et qui n’était peut-être pas tout à fait adaptée au porte-parolat.

Un été laborieux.

Mais on trouvera un certain équilibre dans la composition de ce nouveau gouvernement dont la tâche est accablante et qui n’aura guère le temps de faire de la figuration, laquelle, d’ailleurs, n’est pas la tasse de thé  de la Première ministre. Il semble que la parité hommes-femmes est respectée et que les nouveaux venus ont tous le calibre nécessaire pour assurer leur crédibilité. Mme Borne aura, à n’en pas douter, un été difficile, laborieux et semé de polémiques. Les oppositions, en effet, sont décidées, à la fois, à coopérer dans la promulgation d’un certain nombre de lois, mais à harceler l’exécutif chaque fois qu’elles en auront l’occasion.

Les oppositions vont-elles s’opposer ?

Le climat politique général est plutôt sombre : la gestion des départs en vacances est calamiteuse, le Covid revient en force, l’inflation ne ralentit pas. Si le cas Abad a fragilisé le gouvernement, celui d’Éric Coquerel,  insoumis élu président de la Commission des finances de l’Assemblée et accusé par une autre élue, aussitôt après, d’avoir commis une agression sexuelle, empoisonne maintenant l’action politique de la Nupes. Les priorités sont pourtant claires, mais, de même que le pouvoir n’a plus tout à fait les mains  libres pour avancer, de même les oppositions n’ont peut-être pas toute la forme requise pour s’opposer.

Cinq ans à bouder ?

Dans ce méli-mélo, l’hypothèse d’une coopération des Républicains (LR) avec l’exécutif, semble se confirmer, malgré la résistance de ceux du parti qui continuent à croire que tous leurs malheurs viennent de la macronie et qui notent que des ministres de gauche ont été nommés, pour rééquilibrer l’équipe de Mme Borne, laquelle, elle non plus, ne renie pas son passé. Néanmoins, à voir l’appétit des oppositions pour, au moins, participer, au débat national, il serait suicidaire, pour LR, de bouder cinq années de mandat présidentiel, au terme desquelles ils ne formeraient plus qu’un mouvement exsangue.

L’humilité de Mme Borne.

Le succès ou l’échec de Mme Borne dépendra beaucoup des résultats qu’elle obtiendra d’ici à la fin de l’année. Elle va travailler dans un contexte géopolitique très défavorable. Mais elle a, sur l’adversité, une attitude extraordinairement stoïque. Il suffit, pour s’en convaincre, de se souvenir du passé récent, avec des politiciens qui réclamaient son limogeage, sous le prétexte qu’elle manquerait de charisme et d’autorité. Ce qui est très positif, chez Mme Borne, c’est qu’elle ne cède ni à la colère ni à l’indignation. Elle ne se défend jamais. Elle poursuit son chemin avec l’humilité d’une Première ministre qui n’a jamais cru que ses fonctions seraient éternelles. Il faut des femmes de cette force pour compenser la vanité des hommes.

Elle sait que le monde la communication est empoisonné par l’immédiateté des réactions et des commentaires, que les jugements fusent avant l’évaluation des faits, que les opinions sont trop souvent des verdicts. Les chiens aboient, la caravane passe.

RICHARD LISCIA

 

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2 réponses à Un remaniement en profondeur

  1. Vilanova dit :

    Je pense que l’un des principaux handicaps du gouvernement est la médiocrité (le mot est faible) de ses oppositions. Pour se nourrir, embellir et se renforcer, la démocratie a besoin de confrontations entre personnes cultivant le respect, intellectuellement construites, à partir de projets sensés et de perspectives qui entraînent. Or, à quoi le gouvernement est-il confronté ? Qui pour l’aiguillonner ? Des LR qui ne savent plus ou ils habitent et qui osent encore se réclamer du général De Gaulle ? Tartuffes !. Des extrêmes, emmenés par le très antipathique et grossier duo Mélenchon/Le Pen, parfaits repoussoirs aux programmes suicidaires pour le pays, affichant bruyamment, avec la fierté des sots leurs propres limites et pris de surcroît en permanence dans leurs misérables contradictions ? Décidément, le gouvernement n’est pas gâté…

  2. Laurent Liscia dit :

    Saluons la ténacité d’un president qui soutient Mme Borne contre vents et marees. Macron est un personnage curieux que ses adversaires sous-estiment constamment, mais qui restera dans l’histoire comme défenseur des mécanismes démocratiques contre l’effritement de nos valeurs par la montée des extrêmes, la manipulation des réseaux sociaux et la guerre froide.

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