Impasse en Italie

Macron, Mattarella, Draghi
(Photo AFP)

Mario Draghi, président du Conseil italien, a remis aujourd’hui sa démission au président de la République, Sergio Mattarella, ce qui entraîne la dissolution de l’Assemblée et des élections anticipées.

LE DÉPUTÉ européen Paolo Gentiloni a traité la classe politique d’irresponsable. En effet, M. Draghi a soudainement perdu le soutien du Mouvement Cinq étoiles, de la Ligue (extrême droite, conduite par Matteo Salvini), et de la droite (Forza Italia, dirigée par Silvio Berlusconi). M. Draghi réclamait un pacte de gouvernement qui aurait réuni tous les partis, il a obtenu la défection de trois grands partis. S’il essayait de se maintenir au pouvoir, il ne serait plus soutenu que par la gauche et par le centre.

Une crise profonde.

L’Italie est habituée à l’instabilité, aux démissions de présidents du Conseil, et aux élections anticipées. Mais cette crise est plus profonde, pour plusieurs raisons : la coalition ne convenait pas aux partis qui ont fini par l’abandonner tout simplement parce qu’ils sont très éloignés à la fois de l’esprit de Mario Draghi et de sa méthode technocratique. Son exploit a été justement de gouverner avec des gens qui n’avaient rien à faire ensemble. Mais l’exercice d’équilibriste n’aura pas duré dix-huit mois. Si les Italiens se satisfont de la coalition, ce n’est que par un renforcement des institutions qu’ils finiront par avoir un gouvernement durable.

Usure des partis.

De même, la mauvaise manière faite à M. Draghi traduit plus l’usure des partis que leur espoir de gouverner sans les autres. Une partie de Cinq étoiles a fait sécession sous la houlette de Luigi di Maio, qui a créé un nouveau mouvement avec une cinquantaine de députés. Les Français se souviennent de lui, c’est lui qui est venir rendre visite aux gilets jaunes en France, au mépris de toutes les règles de  non-ingérence. Aujourd’hui, il reconnaît « qu’une page noire s’ouvre pour l’Italie », conscient qua la péninsule ne peut pas s’offrir le luxe d’une crise politique alors qu’elle est surendettée, qu’elle est très exposée à l’immigration clandestine et qu’elle subit, comme tout le monde, les effets de la guerre en Ukraine.

De Draghi à Macron.

Le rapport de forces n’est pas sans ressembler à celui que nous avons en France : MM. Macron et Draghi, qui ont beaucoup de points communs philosophiques, ne sont pas parvenus à réunir une majorité absolue qui faciliterait leur gouvernance. La comparaison s’arrête là : l’Italie n’a pas une Constitution créant un régime présidentiel, elle est constamment menacée par l’instabilité. Elle répond à cette faiblesse en prenant des Premiers ministres très compétents, apolitiques au départ, mais doués d’autorité. C’est très précisément le cas de « super-Mario », petit nom que lui ont donné les Italiens.

Berlusconi, encore lui.

Le problème est que les hommes providentiels sont rares et que les partis essaient constamment de s’emparer du pouvoir en faisant trébucher le Premier ministre. C’est le cas de l’indécrottable Berlusconi qui, malgré son âge, regarde l’avenir avec confiance et cynisme. C’est aussi le cas du chef de la Ligue, Matteo Salvini, qui, lorsqu’il a dû quitter le pouvoir qu’il partageait avec Cinq étoiles, a dit qu’il serait patient et reviendrait un jour.  Entretemps, c’est l’Italie qu’on assassine, parce que la conjoncture internationale ne lui permet pas de commettre de nouvelles erreurs.

Le président sort de son rôle

Ancien président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, 74 ans,  a fait du bon travail, notamment pendant la pandémie et au sujet de l’Ukraine. Au fond, le vrai problème de l’Italie, c’est que peu d’Italiens se soucient de l’intérêt général et que les enjeux sont créés de toutes pièces par les partis eux-mêmes qui n’ont jamais désespéré d’accaparer le pouvoir pour eux seuls. Il est significatif que, dans ce contexte, le président de la République  joue parfois un rôle plus important que ce qui lui est accordé par les textes. Le problème, pour Sergio Mattarella, c’est qu’on ne trouve pas un super Mario tous les jours.

RICHARD LISCIA

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