Grèves : faible lueur

Philippe Martinez en action
(Photo AFP)

La réponse syndicale aux propositions des sociétés pétrolières est à l’image de leurs divisions : ils ont accepté un compromis dans la nuit, sauf la CGT, qui a reconduit le mouvement.


DU POINT de vue des consommateurs, des professionnels, des pouvoirs publics, le temps presse. Un accord immédiat ne se traduirait pas par un retour à la normale avant dix à quinze jours. On voit bien que la CGT veut tirer un maximum de son avantage. Mais elle ne fait pas régner la loi syndicale, les référés pour empêcher les perquisitions ont été déboutés par la justice, deux grands dépôts de carburants ont repris le travail. Les conditions semblent réunies pour que cet épisode trop long de cessation du travail se termine.

Ce n’est pas encore le « grand soir ».

Seront certes déçus, dans le monde politique, tous ceux qui espéraient un « grand soir ». Les conséquences négatives de la grève sur l’activité économique seront innombrables, alors que le pays, vers la fin de l’été, avait tout le ressort nécessaire pour augmenter la production. Il est utile de souligner les énormes profits de Total et les généreuses distributions de dividendes aux actionnaires ; il est juste d’exiger le rattrapage de l’inflation ; il faut lutter contre un capitalisme qui récompense les bénéfices mais pas le travail de ceux qui les ont assurés. Mais  Total fait ses recettes à l’étranger pour la plupart ; et même si la CGT attend depuis trop longtemps l’étincelle qui ferait exploser la société française, qu’elle ne s’étonne pas de ce que nos concitoyens refusent la révolution qu’elle appelle de ses vœux.

Une gauche minoritaire.

Tout est politique, y compris les carburants. Le pays paie cher pour les manifestations de colère. Des gilets jaunes aux discours enflammés de Jean-Luc Mélenchon, le souffle du mécontement entraîne des bourrasques inquiétantes mais pas décisives. Tout simplement parce que ce n’est pas vrai : il n’est pas vrai qu’on arrivera à abattre la république et son chef avec un mélange d’islamo-gauchisme et de post-fascisme ; il n’est pas vrai que le pays souffre tellement qu’il serait prêt à sacrifier ce qu’il a, dans l’espoir d’obtenir ce qu’on lui promet ; il n’est pas vrai que la gauche est majoritaire, elle est structurellement minoritaire et, en plus, elle est divisée.

Masochisme et déprime.

En revanche, avec un masochisme qui reflète la déprime actuelle et la nostalgie un peu naïve du passé, des éléments pétris de culture révolutionnaire croient voir midi à leur porte et tentent d’entraîner le peuple dans une mésaventure. Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est qu’on ne reconstruit pas un pays avec des idées du début du siècle dernier, que ce qui est proposé a déjà été expérimenté et nous conduirait à un désastre, que, de toutes façons, le monde a tellement changé que l’expérience qu’ils nous offrent nous renverrait au Moyen-Äge ou même à l’âge de pierre.

Dans cette affaire, toutes les idées sur la répartition des bénéfices et la taxation des superprofits sont dépassés. Total paie des impôts partout où il gagne de l’argent, et plus il en gagne, plus d’impôts il paie. Bien entendu, M. Pouyanné, son président, n’est peut-être pas un modèle de générosité sociale, bien qu’il ait fait dans la nuit d’hier à aujourd’hui des offres alléchantes. Mais on ne raisonne pas en termes de justice sociale quand on a affaire à un immense cartel international. Et on ne fait pas payer à tous les autres travailleurs les états d’âme d’une poignée  de camarades syndiqués.

Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, devrait le comprendre. Il est en train, tout simplement, d’ensevelir la croissance de cette année. Si j’étais lui, j’aurais aspiré à un meilleur rôle.

 

RICHARD LISCIA

 

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