Sur le refus d’obtempérer

Des policiers protestent contre la démission d’un des leurs, Éric Arella.
(Photo AFP)

Depuis le début de l’année, onze personnes, qui se trouvaient dans des véhicules dont le conducteur a refusé de se soumettre à un contrôle de police, ont été tuées par des tirs des forces de l’ordre. Il est temps de clarifier les conditions dans lesquelles les policiers et gendarmes peuvent se servir de leur arme.

TIRER sur un automobiliste en fuite est très dangereux, à cause du risque de balle perdue et de la précipitation du chauffard, sans compter qu’un fuyard peut aussi être innocent. Ne jamais utiliser son arme, c’est donner une prime aux malandrins qui n’hésiteront pas à s’enfuir sans demander leur reste. L’usage par un policier de son arme est codifié. Quelles que soient les circonstances du tir, il fait l’objet d’une enquête. On serait donc tenté de croire que le statu quo en la matière est le meilleure des solutions.

Un crime à cacher.

Cependant, la recrudescence du nombre de cas indique que les tirs n’ont aucun effet dissuasif, comme si les conducteurs qui s’enfuient avaient forcément  un crime ou un délit à cacher. Or mourir aux mains de la police n’est pas une hypothèse acceptable. Jean-Luc Mélenchon a déclaré il y a quelques semaines que « la police tue », c’est un raccourci démagogique, anti-ordre, et généralisateur, qui ne lui a pas valu que des compliments. Pourtant, pour être certain que la police ne tue pas, il faudrait être sûr que chacun des tirs déclenchés par le refus d’obtempérer était justifié.

Peine de mort.

Au moment où l’exécutif nous annonce une réforme de la police judiciaire qui est très mal accueillie par les principaux intéressés, il serait logique de dédier un pan du projet au refus d’obtempérer et à ses conséquences. Comme toujours, les forces de l’ordre sont prises en étau entre le souci de sécurité et le droit des délinquants à survivre. On ne peut pas appliquer une peine de mort abolie depuis quarante ans surtout quand elle se dispense de débat contradictoire, d’enquête et de magistrats. Les conditions dans lesquelles le tir est autorisé réclament une maîtrise des nerfs, une précision dans le tir, un calcul fulgurant de la distance, de la vitesse de la cible que tous les policiers ou gendarmes n’ont pas.

Légitime défense.

On ne saurait leur en faire le reproche. On estime avoir réglé le problème avec la police des polices dont l’enquête dit s’ils ont respecté les instructions de tir ou non. Il s’agit néanmoins de savoir si les enquêteurs ont reconstitué l’épisode et s’ils ont calculé la vitese d’un réflexe qui est tout de même celui de la légitime défense. Une voiture fonce sur vous, par exemple, vous faites en sorte de l’arrêter. Dans le cas le plus récent, les enquêteurs n’ont pas barguigné, ils ont déjà envoyé le policier devant un juge.

Une contradiction.

C’est une injustice extrême d’accorder à un membres des forces de l’ordre le droit de tirer sur un délinquant et de le lui retirer quand il l’a abattu, même si le déroulement des faits commandait au policier de ne pas faire usage de son arme. Un juge est censé se mettre aussi à la place du tireur et vérifier qu’il n’aurait pas lui-même cédé au réflexe de l’agent poursuivi. Dans la codification actuelle du refus d’obtempérer, il y a une contradiction majeure qui place les forces de l’ordre dans une situation déséquilibrée. Pour le moment, le projet de réforme n’a réussi qu’à compliquer les relations de la police avec l’État.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Sur le refus d’obtempérer

  1. woznica dit :

    Si la justice était moins favorable aux malfrats, ceux-ci auraient moins la conviction qu’ils bénéficient de l’impunité.

  2. TAPAS92 dit :

    Les policiers ne tirent pas pour un refus d’obtempérer. Ils tirent quand ils se sentent en danger imminent (et ils ont moins d’une seconde pour prendre la bonne décision, et ce après une course poursuite stressante). Faites monter un chirurgien 12 étages à pied en courant, débarquer dans un bloc opératoire sans lumière et lui dire que l’aorte du patient sur table est rompue. Prend-il toujours la bonne décision ?. Par ailleurs, les délinquants aujourd’hui vivent dans un monde de séries TV ou de jeux vidéos où, une fois le jeu terminé, tout le monde se relève et on recommence. La vie réelle n’est pas faite comme ça. Certains le découvrent tardivement. Enfin, la question de la police des polices se posent. Quand un médecin fait une faute, il est jugé par la justice de tout le monde et des experts médecins viennent donner leur avis. Cela enlève la suspicion d’une justice parallèle, même si je n’ai pas d’arguments pour remettre en cause la probité de cette police des polices.

  3. minga dit :

    Et pourquoi ne pas apprendre à tirer dans les pneus avec une arme circonstanciée…si cela est possible ?

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