Dérive du Royaume-Uni

Liz Truss s’explique
(Photo AFP)

On s’attendait à tout, mais pas à une Première ministre encore plus nulle que Boris Johnson. Liz Truss a reconnu hier ses « erreurs » et elle en est désolée, comme si un simple examen de conscience suffisait à la pardonner.

LA PREMIÈRE idée qui vient à l’esprit est que les femmes au pouvoir n’apportent pas avec elles la garantie que leur gestion est de bonne qualité. Le parti conservateur a sombré dans les sondages et serait crédité de vingt points de moins que son rival, le parti travailliste. Pourquoi ? Parce que, chez les Tories, l’idéologie libérale a remplacé le bon sens. Boris Johnson gouvernait avec l’obsession de réduire les impôts et d’augmenter les dépenses. Il était sûr que le Royaume-Uni ferait des merveilles après le Brexit. Il a déclaré sa flamme à l’Amérique, elle l’a accueilli plutôt froidement.

Boris-bis.

Le royaume a quitté l’Union européenne, mais Johnson a quitté le pouvoir. Justice immanente ? Le pire, c’est que sa remplaçante, qui, avant le Brexit, était dans le camp favorable au maintien de la Grande-Bretagne dans l’UE, n’a pas trouvé plus urgent que d’appliquer et d’amplifier les principes de Boris Johnson, au grand dam des parlementaires qui ont forcé Mme Truss à se séparer de son ministre de l’Économie, seulement responsable d’avoir obéi aux ordres de la Première ministre. Ce qui ne l’a pas empêchée de demander aux sujets du roi Charles son maintien au 10 Downing Street.

Le syndrome des Tories.

En réalité, cette pauvre dame menacée de mort politique qui supplie le bourreau de lui accorder une minute de le plus, n’est victime ni de la dureté des temps ni de la méchanceté de ses collègues tories. Elle souffre d’un syndrome du parti conservateur qui croit encore aujourd’hui qu’il fera le bonheur de son peuple grâce à la méthode populiste, celle qui vient de hisser les post-fascistes au pouvoir en Italie. Mme Truss n’a pas encore compris que ce qui compte, c’est la nature de ses décisions, ancrées dans une forme de trumpisme : la réalité alternative. Il n’y aura pas de miracle économique en Grande-Bretagne et Mme Truss qui a fait de son ministre de l’Économie un bouc émissaire, a été contrainte d’adopter les mesures inverses de celles qu’elle s’apprêtait à appliquer.

Le vertige anglais.

De sorte que l’une des démocraties les plus respectées du monde a été saisie d’un vertige socio-économique comme elle n’en avait jamais connu.  La livre a fondu comme neige au soleil, les experts ont prédit un hiver dévastateur, les Britanniques, le parti travailliste, les banques ont décidé que Mme Truss ne pouvait pas mettre en œuvre le plan calamiteux qu’elle avait si soigneusement concocté.  Bref, la crise mondiale a dévoré toutes les croyances du libéralisme anglais, sans que Mme Truss s’en aperçoive. Elle est au pouvoir depuis 40 jours et il est probable qu’elle n’y restera pas longtemps.

Ne pas imiter Boris.

Or il s’agit d’une puissance au passé prestigieux, dont le fonctionnement institutionnel est très codifié, une sorte de navire voguant à une vitesse raisonnable et donc prudente. Boris Johnson et Liz Truss l’ont soumis  au Brexit et surtout à des choix économiques périlleux. Le royaume n’avait pas besoin de cette comédie de boulevard incessante jouée par ses Premiers ministres et Mme Truss aurait dû comprendre qu’elle devait non pas imiter Boris, mais agir dans le sens diamétralement opposé à celui de son prédécesseur.

Rien de tel en France.

Ce qui permet à tout citoyen français de remarquer qu’en France, depuis cinq ans, nous ne vivons pas ce mélodrame. Nous sommes un membre puissant de l’Union européenne ; nous avons un calendrier électoral dont nous respectons les échéances et qui remettent au peuple, et non à un parti, la tâche de panser ses plaies. Au-delà des spectacles où le ridicule atteint des sommets, nous faisons confiance aux institutions. Les partis peuvent s’agiter, annoncer des cataclysmes, jouer sur toutes les peurs et toutes les illusions, à la fin des fins, ils doivent s’en remettre au verdict des urnes.

RICHARD LISCIA

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