La meilleure avocate de Lola ?
(Photo AFP)
Lola, cette fillette de douze ans, violentée et assassinée par une femme de 24 ans, vivant clandestinement sur notre territoire, ne méritait que la compassion de toute la nation. Elle a obtenu en plus une des polémiques politiciennes les plus vulgaires et les moins inspirées que le pays ait jamais produites.
IL FALLAIT y penser : la meutrière, d’origine algérienne, avait fait l’objet d’une reconduite à la frontière. Elle fait aujourd’hui partie des neuf dixièmes d’immigrés dans son cas qui parviennent à rester en France. J’espère que le raisonnement est clair pour vous : il s’agit de l’indigence d’un gouvernement incapable d’expulser les migrants clandestins, y compris les monstres.
Un processus compliqué.
Mais le monstre en question ne s’est révélé qu’au moment du crime. La procédure de reconduite à la frontière est un processus si compliqué que même le Rassemblement national aurait du mal à réussir tous les rapatriements. Surtout, la nationalité de la jeune femme qui a commis le crime n’a rien à voir avec la pulsion de mort qui s’est emparée d’elle. Le raisonnement de l’extrême droite, toujours séduite par la simplification, prend ses racines dans l’amalgame. Mme Le Pen ou M. Zemmour n’auraient pas réagi si la coupable était française. Cependant, il reste la nature du crime qui a donné un vertige à toute la société et qui mérite que les donneurs de leçon la ferment au moins une fois et se désolent de ce qu’une enfant soit tuée dans de telles conditions.
Deuil et chagrin.
Lola, en outre, appartient à une famille d’origine portugaise. Ses parents ont la garde de l’immeuble où le crime a eu lieu. Ils représentent l’image même d’une immigration réussie, le paradis migratoire. Ils seraient fondés à protester contre un pays d’accueil dont la générosité à leur endroit a été transformée en deuil et chagrin. La politique n’a pas sa place dans ce débat. Marine Le Pen et Éric Zemmour y ont vu une affaire susceptible de leur octroyer quelques points de popularité supplémentaires. Ce sont des machines à casser la démocratie, des obsédés des enquêtes d’opinion, des gens toujours en campagne, surtout après qu’ils ont perdu.
S’ils étaient au pouvoir…
Inversement, il est dommage que Mme Le Pen ou que M. Zemmour ne fussent pas au pouvoir quand s’est produit l’impensable. Nous aurions pu leur adresser les reproches dont ils font en ce moment le plus ignoble des usages, les vilipender à notre tour, les accabler d’injures, les humilier. Mais au fond, ils ne seraient même pas troublés. Ils diraient qu’il n’y a pas mieux qu’eux pour stigmatiser l’immigration, ou demanderaient le temps de publier des lois scélérates, ou se seraient mis à expulser à tour de bras sans en avoir le droit.
Vous cherchez un cœur, vous trouvez un glaçon.
Dans cette affaire, on a tous les ingrédients qui sont mis au service de la démolition de la démocratie par l’extrême droite. Elle ne s’épanouit que parce que l’électorat considère Marine Le Pen comme une politicienne classique, d’autant que, par ses exagérations, Zemmour a fortement contribué à la dé-diaboliser. C’est en réalité une supercherie : elle a besoin de cette dignité à laquelle Zemmour, pour sa part, a renoncé. Mais chassez le naturel, il revient au galop. Vous cherchez un cœur, celui dont un politicien, plus que d’autres, a besoin pour mener sa tâche à bien, et vous trouvez un être glacé qui calcule les points de pourcentage qui le conduiront à la victoire.
Le malheur est leur allié.
Le plus curieux est que Marine ait choisi ce terrain pour l’une de ses offensives. Que Zemmour se moque de passer pour un homme antipathique, c’est devenu évident. Que Marine ait commis une telle erreur est moins clair. Savez-vous pourquoi les extrêmes courent après les histoires comme les chiens d’une chasse à courre cherchent leur proie ? Parce qu’ils ne sont pas crus quand ils dressent de la France un tableau sinistre. D’où qu’il vienne, le malheur est leur plus sûr allié.
RICHARD LISCIA