Macron et Borne face à plusieurs fronts
(Phptp AFP)
Ce n’est pas la dernière fois que le gouvernement d’Élisabeth Borne utilise l’article 49/3 qui lui permet de faire adopter une loi sans vote. Il lui sera nécessaire pour tous les chapitres du budget.
PAR ÉGARD pour les oppositions, une partie des propositions qu’elles ont faites sera retenue dans l’ensemble de la loi de Finance. Cela ne suffira pas à calmer le jeu et le Rassemblement national, comme la France insoumise, a bel et bien l’intention de soumettre au Parlement sa motion de censure. Donc, Mme Borne a droit à deux censures qui, toutefois, n’annoncent pas un rouleau compresseur capable d’écraser les volontés de l’Élysée, mais seulement une interpellation sévère (comme toutes les autres) au sein de l’hémicycle.
Deux censures, et le ridicule.
En effet, le RN ne votant pas pour la motion de censure de la Nupes et celle-ci ne votant pas pour celle du RN, l’opposition n’atteindra jamais la majorité requise. Nous devrions assister à une passe d’armes qui ridiculisera la représentation nationale, incapable de former une majorité absolue. On verra que le malaise créé par la majorité relative s’étend à l’opposition qui, dans le désordre, se présente sous des couleurs différentes à la responsabilité suprême.
Le dit et le non-dit.
C’est d’ailleurs ce que tout le monde sait, le pouvoir qui est assuré de rester en place, le RN qui va faire une démonstration théorique de sa propre impuissance et LFI qui, dans un concert triomphaliste, annoncera qu’il a gagné aussitôt après sa défaite. On peut imaginer les réactions de mécontentement et d’impatience dans le corps électoral, à qui on a fait croire que, à partir d’une position de force, les oppositions passeraient un compromis sur le budget, puis un autre compromis avec l’exécutif. Faut-il imputer cette déroute des institutions à une Constitution mal rédigée ? Le gouvernement a-t-il été intraitable ? Le projet des oppositions n’était-il pas, en définitive, de faire chuter Macron ?
Un système bien imparfait.
Il n’y a pas de régime démocratique qui soit parfait et la démocratie est le moins mauvais des systèmes. Emmanuel Macron aurait préféré, pour son second mandat, une majorité absolue. Mais il ne se débrouille pas si mal avec une majorité relative. Il sera toujours temps de lui reprocher sa stratégie parlementaire après le vote sur la censure. Si Macron perd, en vertu d’un miracle que rien ne nous permet de prévoir, on passera à la crise de régime. S’il l’emporte, la preuve aura été fournie que les comportements de bambins agités, les hurlements, les dénonciations publiques, les insultes lancées au pouvoir et les ripostes qu’il renvoie ne servent strictement à rien. Au point que l’on pensera dans les chaumières qu’ii y a probablement une autre façon de faire de la politique et que l’ensemble de nos députés n’a pas encore compris qu’elle existe.
Une autre planète.
Le décalage est immense entre les ambitions des oppositions et les enjeux d’un pays confronté à la guerre, à la pénurie d’énergie, à l’inflation et qui s’est donné pour tâche de réunir l’Union européenne au moment où elle est tiraillée par des forces centrifuges. Semer le désordre sous le prétexte exagéré de la souffrance du peuple, bloquer les dépôts de carburants alors que le monde de la production a déjà de la peine à tenir ses prix, faire des grèves et des mobilisations générales alors que nos dirigeants nous ont épargné les conséquences les plus dures de l’inflation, c’est habiter sur une autre planète.
Il y a une limite.
Toute cette agitation vient de l’idée que la France post-Covid allait se transformer en terrain de jeux social idéal. Mais d’abord l’épidémie n’a pas disparu ; et je dirais que l’inflation l’a remplacée si les deux ne coexistaient pas allègrement sur le territoire français. Enfin, il y a une limite à la démagogie, à la menace, à l’insulte, à cette liberté excessive dont ils se disent privés mais à laquelle ils ont systématiquement recours. Tout parlementaire doit accorder son importance à la dignité.
RICHARD LISCIA