L’Italie quand même

Draghi, Orban (Hongrie) et Macron
(Photo AFP

C’est un bien beau discours philosophique qu’a prononcé Emmanuel Macron hier soir à Rome avant de rencontrer la nouvelle présidente du conseil, Giorgia Meloni, et d’être reçu par le pape aujourd’hui. 

Mais un discours qui sera passé au-dessus de la tête de ses concitoyens, confrontés à des problèmes plus terre-à-terre, comme l’inflation et la pénurie de carburants et sans rapport avec l’universalisme, la guerre et la paix. Le président a hésité avant de se rendre à l’invitation lancée par la communauté Sant’Egidio et on décelait son embarras dans les intervalles séparant ses propos. Qu’à cela ne tienne. Je dirai qu’il faut toujours aller en Italie, pays frère, pour y rencontrer ces Italiens avec lesquels nous avons tant de choses à nous dire.

L’ère Meloni.

L’arrivée du post-fascisme au pouvoir à Rome n’est pas la catastrophe que l’on redoutait. Mme Meloni porte dans ses convictions l’indiscipline européenne, alors qu’elle est la bénéficiaire du plan de 200 milliards que Bruxelles a accordé à l’Italie. Son nationalisme n’a pas résisté au poids d’une somme aussi élevée. Elle a eu le bon goût de choisir, pour les postes économiques et financiers, des hommes largement inspirés par Mario Draghi, le président du conseil sortant. Elle ne s’opposera pas à la politique ukrainienne de l’Europe.

Deux crocodiles.

Comme il n’appartient pas à la France de nommer le gouvernement italien, Macron a respecté à la lettre le protocole qui l’obligeait à rencontrer la Première ministre ; ne l’eût-il pas fait qu’il aurait été largement critiqué. Ce qui ne veut pas dire que les relations franco-italiennes ne seront pas affectées dans les semaines et les mois qui viennent. Giorgia Meloni recevra sans nul doute Marine Le Pen. Elle a nommé vice-présidents Matteo Salvini (Ligue) et Silvio Berlusconi (Forza Italia). Il s’agit de postes castrateurs, mais ce sont deux vieux crocodiles qui savant nager dans le marigot.

Besoin de mémoire.

L’extrême droite a triomphé en Italie, laissant pantoise une gauche trop désunie pour rassembler les foules. Observez comme la configuration de l’Europe est en train de changer, avec partout d’étranges nostalgiques d’une idéologie meurtrière qui a largement fait ses preuves à une époque pas si lointaine mais dont les inconvénients liés au pouvoir d’achat ont recouvert la mémoire. Il faudrait renforcer l’enseignement de l’histoire du siècle dernier dans les écoles.

Égoïsmes nationaux.

La tâche est d’autant plus compliquée pour les courageux réformateurs européens qu’ils sont eux-même contestés dans leur propre pays et que l’axe franco-allemand bat de l’aile à propos des investissements considérables que Berlin veut faire pour lutter contre l’inflation et la pénurie d’énergie. Ce ne sont pas des chefs d’État ou de gouvernement enfoncés dans la gestion de leur crise nationale qui sauront s’entendre pour hâter l’intégration européenne et mettre les extrêmes droites devant le fait accompli.

L’Europe a du ressort.

L’Union européenne, il est vrai, a reçu de terribles coups de boutoir : pandémie, inflation, guerre en Ukraine. Mais elle ne suvivra pas en cédant à la panique et, à ce jour, elle ne l’a pas fait. Pour le moment, elle a plutôt triomphé de ses malheurs, elle a ressoudé ses liens, et elle a su faire comprendre aux extrêmes de tout bord qu’ils n’avaient aucune chance de s’en prendre à elle. D’une part le mythe en vertu duquel l’Union serait la source de tous nos maux est en train de disparaître ; d’autre part, c’est la façon insidieuse, à la faveur des élections législatives, que l’extrême droite et l’extrême gauche s’emparent lentement des appareils du pouvoir.

Autorité contre liberté.

Ce sont des caméléons qui changent de couleur pour gagner en crédibilité mais qui, dès lors qu’ils auraient une once de pouvoir, se dresseraient contre l’UE sous le moindre prétexte. C’est nationalisme contre européisme, autorité contre liberté, souverainisme contre collégialité. Il ne faut pas être grand clerc pour deviner leurs intentions, ils ne les cachent même pas. Il faut prendre les peuples à témoin. Les Ukrainiens, au prix de leurs vies et de leurs souffrances, nous ont rendu un fieffé service. Ils ont rappelé aux chahuteurs que nous sommes tous qu’il n’y a pas de bien plus précieux que la liberté.

RICHARD LISCIA

 

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