L’été indien du Royaume-Uni

Le roi Charles et Rishi Sunak
(Photo AFP)

La nomination de Rishi Shunak à la tête du gouvernement britannique apporte au Royaume-Uni un moment d’apaisement. Le nouveau Premier ministre va mettre un terme à des années d’incohérence.

C’EST un conservateur et il n’y a aucune chance qu’il renonce au Brexit. Ses collègues tories ne l’ont pas élu pour ça mais pour remettre de l’ordre dans le chaos organisé par Boris Johnson, puis par Liz Truss, qui ne sera restée que 44 jours au 10 Downing Street. M. Shunak s’est bien gardé, cependant, de critiquer Mme Truss. Il n’est pas question pour lui d’accentuer les divisions du royaume, mais au contraire de préparer les sujets du roi Charles à l’inévitable austérité.

Un jeune homme bien sous tous rapports.

Pour le faire, il dispose de lettres de créance convaincantes. La gestion (d’une institution bancaire ou d’un pays), c’est son métier. Il est jeune (42 ans), donc ouvert aux idées neuves. Il a, bien entendu, le soutien de son parti. Il ne sera pas rejeté d’emblée par ses concitoyens. Il doit et peut engager des réformes et sortir définitivement la Grande-Bretagne de l’idéologie forcenée qui l’a conduite au Brexit, et au bord du précipice, il y a à peine quelques jours. La tâche est rude mais au moins il l’a évaluée. Il a déjà demandé aux Anglais les sacrifices indispensables au retour aux grandes équilibres, économiques, financiers et sociaux.

L’homme de la situation.

Il a su attendre son heure et empêcher l’insubmersible Boris Johnson de reprendre les rênes du pouvoir, rassurant du même coup les marchés et offrant, là où les mesures de Mme Truss affolaient le royaume et le monde, une perspective de redressement. Certes, dans ce pays, le dernier mot n’est jamais dit. M. Shunak peut échouer, il peut ne pas trouver la loyauté et la fidélité de ses amis tories, il peut infliger de tels remèdes à une économie si malade que ses concitoyens exigent une pause. Toutefois, il n’y aucune raison de ne pas lui faire confiance. L’erreur a été de donner le pouvoir à une femme qui n’avait que l’ambition pour atout. L’intelligence fut de confier les affaires à un homme dont tout le monde savait à l’avance quel genre de politique économique il allait mettre en œuvre.

L’enfant prodige de la méritocratie.

Les travaillistes étaient parfaitement fondés à réclamer des élections anticipées. La période Truss a montré la complexité suicidaire des institutions britanniques. Il n’est pas bon de laisser un seul parti arbitrer quand la maison commence à brûler. Il n’est pas juste qu’un petit cénacle désigne le pompier alors qu’il faudrait à celui-ci un mandat populaire et national. À l’inverse, la désignation d’un homme d’origine indienne à la tête du gouvernement démontre de façon éclatante la force tranquille de la démocratie britannique. Rishi Shunak est l’enfant prodige de la méritocratie. Il est beau, élégant, compétent. Il fera un tabac dans les sondages.

Peut-être un peu trop riche.

Au milieu de ces nombreux atouts trône un terrible handicap, celui de sa fortune personnelle. Lui et son épouse seraient milliardaires. Ce n’est pas une tare en Grande-Bretagne, mais  c’est très dangereux, pour un homme qui voit la misère de très loin et ne sait donc pas à quoi elle correspond, d’annoncer à son peuple « du sang, de la sueur et des larmes », pour reprendre le mot de Churchill en 1940. On conseillera néanmoins aux Anglais de garder Rishi Shunak et de faire un bout de chemin avec lui. Ils doivent le laisser agir, parce qu’il est à la fois l’anti-Johnson et l’anti-Truss. On ne bouge pas une machine aussi énorme en un coup de volant. Il faut du temps, de la patience et, surtout, une dose énorme de bon sens.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à L’été indien du Royaume-Uni

  1. Jean Vilanova dit :

    « Terrible handicap » pour Rishi Shunak que sa fortune ?… Eh bien allons dire cela aux scousers de Liverpool, ma ville de coeur qui, cet hiver, auront à choisir entre avoir froid ou avoir faim, comme la plupart des autres Britanniques d’ailleurs…
    Quant au fait justement que le nouveau Premier ministre soit « peut-être un peu trop riche », oui avec 830 millions d’euros, j’aime bien le « peut-être ».

    Réponse
    Au « terrible handicap », expression plutôt violente, j’ai opposé le « peut-être un peu trop riche », qui est une figure littéraire appelée litote.Bien que l’expression ne soit pas particulièrement subtile, il semble que sa signification vous ait échappé. Quant au mot scousers que vous n’avez pas cru bon d’expliciter, il veut dire habitants de Liverpool, votre ville de coeur que vous devriez apprendre à partager.
    R. L.

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