Le paradoxe des carburants

Une station service le 13 novembre
(Photo AFP)

On sortait à peine de la grève des carburants qu’on est retombé dans le rush aux pompes, les queues de voitures et un début de pénurie. Motif : le gouvernement réduit dès demain sa « prime » de 30 centimes à 10 centimes.

LE COMPORTEMENT des automobilistes suffit à décrire les contradictions dans lesquelles nous abordons la crise climatique : qui se sent vraiment concerné ? Chaque citoyen semble estimer qu’il doit défendre l’usage de sa voiture quoi qu’il en coûte tout en proclamant qu’il contribue jour et nuit à la lutte contre les effets des gaz de serre. Du coup, il n’y a pas, comme d’habitude, de coupable : l’automobile n’est plus un luxe depuis longtemps et le sort des ruraux en dépend ;  et quand on reproche au gouvernement la diminution de la prime, on reçoit un rappel à l’ordre : une mesure d’urgence n’est pas pérenne par définition et l’objectif prioritaire, c’est la réduction de la pollution.

Huit milliards de terriens.

Les Français ne sont pas les seuls à adopter un comportement illogique et paradoxal. Les Allemands ont renoncé un peu trop vite à l’électricité nucléaire pour rouvrir ensuite des mines de charbon et devenir accrocs au gaz russe. Erreur stratégique qu’ils n’ont pas fini de payer, et nous avec eux, car la pollution n’a pas de frontières et que leurs nuages toxiques peuvent survoler le territoire français. Mais le réchauffement climatique ne saurait être combattu par de feintes offensives. Il exige des huit milliards d’habitants de la planète une sincérité à toute épreuve, ce qui n’est pas le cas.

Des sacrifices.

En France, l’intervention du gouvernement a rendu l’essence relativement bon marché et a augmenté sensiblement les achats. Les automobilistes étaient au paradis ; il y a eu une courte période où ils faisaient objectivement des économies. Le retour à la réalité climatique est brutal, mais qui s’en étonnera ? Il est temps de comprendre que la lutte contre la pollution de la planète exige des sacrifices de l’humanité. C’est une course entre la consommation d’énergie et la mise sur le marché d’énergies renouvelables en quantité massive.

Une accélération du réchauffement.

Un minimum  de clairvoyance nous conduit donc à penser que nous sommes aujourd’hui dans la phase la plus meurtrière de la guerre contre le réchauffement. C’est un créneau que nous n’avons pas le droit de manquer : si nous ne mettons pas le holà à notre gloutonnerie pour les énergies fossiles dès maintenant, la hausse de la température moyenne de la planète dépassera les prévisions les plus pessimistes. Nous observons en effet une accélération du réchauffement, une démographie qui fait que nous sommes huit milliards d’humains, avec des conséquences dont nous souffrons beaucoup. Pour le confort de la voiture, nous essuyons  incendies de forêts, inondations, fonte des glaciers et autres malédictions auxquelles nul ne peut être insensible.

Toujours plus d’enfants ?

Tant que le parc automobile mondial n’est pas totalement électrifié, nous devons utiliser nos véhicules particuliers avec la plus grande prudence. Les professionnels en télétravail rangent leur voiture au garage ; les promenades de week end doivent être bannies ; les sorties en ville doivent être plus rares ; le nombre d’enfants par foyer devrait être réduit, même si le dessein démographique de l’État reste une hausse du nombre de citoyens français. Nous commençons à peine à comprendre ce à quoi nous expose la crise climatique. Mais nous pressentons les sacrifices à faire et ceux que nous n’imaginons même pas pour le moment.

Les plus clairvoyants d’entre nous seront inquiets, déconcertés ou tout simplement épouvantés. Les moins engagés d’entre nous échapperont à l’anxiété générale, mais ils seront vite rattrapés par ce qui tiendra lieu de politiquement correct. On peut donc imaginer qu’à terme il n’y aura plus de « déserteurs », mais nos échecs passés ne nous laissent pas espérer un rapide redressement de la situation.

RICHARD LISCIA

 

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2 réponses à Le paradoxe des carburants

  1. Jean Vilanova dit :

    C’est à une mutation profonde que nos sociétés et le monde en général ont à faire face. Une mutation bien plus complexe à appréhender que la mutation industrielle du XIXème siècle qui s’est achevée par la Grande Guerre en Europe et a façonné notre monde « moderne ». Une mutation s’accompagne du changement de tout : dans les rapports humains, la façon de se nourrir, de s’habiller, de se déplacer, de penser, de vivre. Et elle s’accompagne toujours d’une crise économique plus ou moins complexe, plus ou moins durable. Enseignant passionné, j’expliquais à mes étudiants que l’Histoire nous apprend que c’est toujours la fin de la mutation qui préfigure la fin de la crise. L’une ne va pas sans l’autre et c’est la mutation qui donne le tempo si je puis m’exprimer ainsi, jamais l’inverse. Alors entretemps, en ce qui concerne la partie crise de cette mutation, il faut s’y adapter, « surfer » sur elle afin de la rendre moins rude pour les plus faibles. Foin des propos d’estrade de pauvres vociférateurs égocentriques, malhonnêtes ou simplement bêtes (nous les connaissons…), la pédagogie et la recherche d’adhésion doivent l’emporter. Sinon gare ! C’est ici la responsabilité des dirigeants politiques dont je pense que les nôtres, aujourd’hui, sont loin d’être les pires et font ce qu’ils peuvent. C’est aussi celle des entrepreneurs, des intellectuels (pour autant qu’il en reste quelques uns dans notre pays), des humanistes… et, bien sûr, de chacun d’entre nous. D’autant qu’aujourd’hui, se greffe aux simples (si je puis dire) mécanismes économiques de cette crise l’extraordinaire défi posé par le dérèglement climatique et ses conséquences possiblement terribles. Je disais aussi à mes étudiants, que les crises ont au moins une vertu : elles obligent à l’intelligence. Puissé-je avoir eu raison !

    Réponse
    J’approuve à 100/% cet excellent commentaire.
    R. L.

  2. Doriel Pebin dit :

    Merci à vous et à M. Vilanova pour ces commentaires réfléchis sur l’évolution sociétale. J’ajouterai l’importance de l’éthique qui doit être autant individuelle que collective. L’exemplarité des décideurs, mais aussi de chacun est une condition nécessaire (mais non suffisante) ainsi que la mise en avant de l’intérêt général (égoïstement pour nous et également pour nos enfants et petits-enfants). L’éducation (et non la désinformation des réseaux) reste la base comme toujours.

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