Biden résiste

Dernier round
(Photo AFP)

Tous les résultats des élections de mi-mandat aux États-Unis ne sont pas encore publiés, mais on en sait l’essentiel : les démocrates gardent la majorité au Sénat, ils la perdent à la Chambre des représentants où les républicains devraient avoir au moins 218 sièges (soit la majorité absolue).

DE TELS résultats sont plutôt favorables au président, Joe Biden, en ce sens que, si le chef de l’exécutif ne pourra pas faire voter un certain nombre de nouvelles lois, ses adversaires républicains, de leur côté, n’auront pas la capacité de supprimer les lois adoptées pendant les deux premières années de son mandat. Rien, dans ce nouveau rapport de forces, n’est anormal : par tradition, le camp qui exerce le pouvoir est affaibli par les mid-terms. Sauf que le parti républicain, quand il n’est pas aux ordres de Donald Trump, présentera en 2024 des candidats encore plus menaçants, décidés à liquider la gauche américaine et dotés d’un agenda où le fait accompli remplacera les libertés fondamentales.

Le retour de Trump.

Ceux qui ont mesuré et compris ce qui anime Trump savent que sa réélection serait une catastrophe historique aux États-Unis. Le problème, pour lui, c’est que l’ex-président ne réunit pas la totalité de la droite et de l’extrême droite et que, pour se  faire élire, il devra affronter des personnages encore plus extrémistes que lui. On parle notamment de Ron DeSantis, le gouverneur brillamment réélu de Floride. Depuis le mandat unique de l’ancien businessman, l’Amérique a gardé son ADN. Les sondages montrent qu’une majorité de républicains croient que l’élection présidentielle de 2020 a été volée par les démocrates, thèse qui n’a jamais reçu le moinde élément de preuve.

Le sac du Capitole.

Au contraire, diverses enquêtes menées au niveau le plus officiel ont démontré que le parcours de Trump n’est pas exempt d’actes délictueux et de fraudes fiscales. D’ici à 2024, le temps judiciaire pourrait bien rattraper le temps politique et condamner Trump à une peine qui le rendrait inéligible. C’est très important parce que Trump est irresponsable et qu’il s’est servi de son mandat pour le mettre au service de ses intérêts personnels. Battu par Biden en 2020, il a ordonné ou contribué au sac du Capitole, qui a fait quatre morts le 6 janvier 2021. Dès qu’ils seront prouvés et sanctionnés, ces actes le bouteront hors du champ politique et la compétition aura lieu entre des candidats raisonnables.

Biden saura assurer sa succession.

Pour Biden, ou son successeur s’il estime être trop âgé, il s’agit de contenir la poussée de l’extrême gauche au sein du parti, M. Trump ayant exacerbé la colère de ses opposants. Le candidat républicain, en revanche, ressemblera à Trump par les idées, mais s’exprimera avec un autre langage corporel. Le grand fossé séparant les deux partis sera élargi, un peu comme si la bataille électorale opposait en finale Mélenchon à Le Pen. Mais, qu’il se présente ou non un second mandat, Joe Biden saura assurer sa succession en adoubant un ou un(e) candidat(e) qui fera de la modération son atout principal.

Les atouts de l’Amérique. 

L’Amérique n’est pas la France. Les démocrates n’y sont pas structurellement minoritaires.    Et la question ne porte pas sur la candidature de Biden à un second mandat. Elle porte ce qu’il va être capable de faire en 2023 et 2024. Si une bonne politique est adoptée, il n’y a aucune raison de craindre que l’inflation soit éternelle. Avec un taux de chômage résiduel, la prospérité, l’adaptation au nouveau commerce mondial, le retour des États-Unis en Europe et dans l’OTAN et le ton ferme de Biden avec Poutine et avec Xi Jinping, les Américains conservent des atouts incomparables. De même que Trump risque, s’il est réélu, de renvoyer son pays un siècle en arrière, de même Biden a l’envie et la possibilité de le « détrumpiser ».

La partie qui se joue dans les deux ans qui viennent est donc vitale. Du vainqueur de la compétition dépend le sort de l’Amérique. Elle peut sombrer dans la « vérité alternative » et   donc dans une illusion mortelle. Elle peut aussi reconquérir sa place au leadership mondial, ce qui est d’autant plus souhaitable que, sincèrement, Poutine et Xi ne sont pas des propositions sérieuses.

RICHARD LISCIA

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

2 réponses à Biden résiste

  1. Laurent Liscia dit :

    Ron DeSantis: bien vu. Il me fait penser à Ronald Reagan, ce qui n’est guère rassurant. La clef politique aux Etats-Unis, c’est la démographie. Les blancs « WASP » (d’origine europeenne et protestante) conservateurs ou catholiques fervents sont largement minoritaires. Les populations rurales, extrêmement remontées contre les villes et le gouvernment fédéral sont en déclin. Mais c’est un fait: les blancs en colère votent plus que les populations potentiellement démocrates. Du coup, le parti démocrate a compris qu’il fallait faire face aux manigances républicaines, qui incluent le redécoupage électoral et la limitation quasi-frauduleuse du vote, notamment par correspondance, par un effort sur le terrain. Partout ou les démocrates parlent aux minorités et leur expliquent que voter pour une vedette noire comme Herschel Walker (en Georgie) est contraire à leurs intérêts, ils l’emportent. Cet effort de sensibilisation, porté par des bénévoles, réduit le taux d’abstention et l’Europe ferait bien de s’en inspirer. A long terme, on voit mal comment le parti republicain va accéder au pouvoir sans changer de message. Démographie oblige. N’oublions que pas un seul president républicain n’a été élu à la majorité du scrutin populaire depuis des décennies (pas même Trump qui avait récolté moins de voix que Hillary Clinton! Et prétendait représenter les Etats-Unis) et que c’est seulement à cause de l’artifice du collège électoral qu’ils l’emportent.
    On peut dire que c’est l’incompétence recente de la direction du parti démocrate américain qui lui a valu ses revers; et que ce sont les organisateurs du peuple qui lui redorent le blason. La dynamique est très différente de ce qui se passe en France, comme tu l’expliques. En tout cas, on s’emerveille de la tenacité de la democratie américaine et de ses institutions. Elle résiste au fascisme. Voyons si la francaise le peut egalement. Soyons optimistes: c’est en bonne voie. Et bien mieux qu’en Italie. Et maintenant, ne changeons surtout pas de scrutin – comme tu le dis dans un autre blog.

    • mathieu dit :

      Un « Ronald Reagan pas rassurant »… on peut penser qu’il y a eu pire comme président, ou comme administration gouvernante! Il était à 100 lieues d’un aventurier comme Bush Jr, d’un populiste incontrôlable comme Trump… et sa « Pax americana », avec tous ses travers, a infiniment mieux préservé l’équilibre du monde que l’absentéisme génétique, la couardise et l’isolationnisme d’un Obama qui a permis l’envol de M. Poutine. Et reconnaissons à son ex-collaborateur, Joe Biden, d’avoir résolument tourné le dos à cette politique du « on regarde ailleurs »… et de n’avoir jusqu’ici pas eu « la main qui tremble » (malgré son grand âge!) face à Poutine, qu’il qualifiait, peu après son élection, de « tueur » (avec qui, bien sûr, « il faudra un jour parler »)!
      C’est pourquoi il faut craindre une troisième option pour 2024, l’élection d’un démocrate « mou », si Biden se retirait.

      Réponse
      Il me semble que le précédent commentateur a plutôt fait l’éloge de Biden.
      R. L.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.