Chine : le déclin de la force

Ne sous-estimez pas l’air bonhomme de Xi
(Photo AFP)

Il est sûrement trop tôt pour s’en réjouir, mais les tyrans du monde commencent à rencontrer des difficultés de gestion, face à des révoltes durables contre leurs méthodes répressives.  

TOUS continuent à bomber le torse, mais craignent en secret les réactions populaires à des mesures de plus en plus brutales. Les Chinois expriment en ce moment leur aversion pour la politique du zéro Covid imposée par le gouvernement et par le parti. La Chine n’est pas en ébullition, mais des phénomènes apparaissent, comme les cris de « Xi Jinping, démission ! » et des appels du peuple à la police pour qu’elle se montre moins sévère à l’égard des manifestants. Il y a, dans ce cri inédit, quelque chose d’émouvant qui est beaucoup moins le constat du ras-le-bol que l’aspiration au droit. Les projets de Xi sont tirés au cordeau, mais avec un mépris absolu pour les souffrances qu’ils entraînent.

Les Chinois ne sont pas des robots.

Un milliard et demi de citoyens ne peuvent pas être traités comme des robots ; ils ont tous une sensibilité égale à la nôtre et ils revendiquent un traitement capable de leur épargner le désespoir, la solitude face à Big Brother, l’absurdité d’un système qu’ils écarteraient d’une pichenette s’ils finissaient par se rassembler contre leurs bourreaux. Il s’agit seulement d’un début de révolte, d’un signe avant-coureur qui ne se concrétise guère dès lors que la classe moyenne a des acquis qu’elle refuse de mettre en danger au nom de la liberté. Néanmoins, la remise à plus tard du bénéfice de leur travail plonge le peuple dans la colère, parce que la pandémie a affaibli l’économie et ébréché la valeur de leur épargne et parce qu’on les maintient chez eux quand ils ont plutôt envie de sortir et de dépenser.

Plus soixante-huitards qu’ascétiques.

Xi n’a pas prévu que les Chinois, d’ordinaire si résilients, se comportent comme des Européens; il croyait ses concitoyens adeptes de l’ascèse ; les voilà qui se conduisent comme la jeunesse euro-américaine de 1968. Pas plus que HongKong n’a accepté la privation de liberté, le reste de la Chine n’est indifférent à un peu de plaisir. On comprend mal, d’ailleurs, l’erreur d’analyse du parti communiste : le travail devait enrichir toute la Chine et s’étendre à toutes les classes. Mais, bien que les dirigeants du pays veillent à répartir les bienfaits de la croissance, on voit des milliardaires posséder palais et yachts pendant que la classe ouvrière est confinée.

Perte de contrôle.

C’est asssurément une perte de contrôle dans une chine hyper-contrôlée. C’est l’impasse que l’on fait sur le dossier des libertés dans un pays qui, philosophiquement, ne veut pas y croire. C’est le sentiment de ne pas avoir d’avenir, pour soi et pour ses enfants. Ce n’est le PCC qui crée la richesse, c’est le travail colossal des gens. Pourtant, le parti n’a pas menti, il a conduit le peuple à ce niveau de développement inespéré. Il n’a pas compris qu’il ne suffit pas d’acheter un bijou, encore faut-il aller le montrer en ville. La Chine est tiraillée entre la grisaille du travail et l’espoir de vacances somptueuses, ou tout au moins d’une vie plus confortable. Celle qui n’est pas au rendez-vous.

Des raisons de se fâcher.

La Chine, atelier du monde ? C’est l’occasion de rappeler que, sans les marchés européen et américain, elle ne serait pas devenue une grande puissance et que lorsqu’elle se dresse contre les Occidentaux, elle scie la branche sur laquelle ellle est assise. Il a fallu du génie pour déclencher et  accompagner ce mouvement vers la prospérité, mais c’est la liberté d’exporter pour la Chine et la liberté de consommer pour les Américains qui ont permis à la Chine de devenir la deuxième puissance mondiale. On ne retirera pas une once de son courage et de son abnégation à ce peuple si travailleur.  Mais il ne manque pas de raisons de se fâcher.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Chine : le déclin de la force

  1. Laurent Liscia dit :

    Idem en Iran. On se plaint beaucoup des médias sociaux, mais il n’y a quasiment plus de manifestation ou de contestation qui puisse se passer sans eux. Souvenons-nous du rôle de Twitter dans l’insurrection égyptienne. Une médaille à deux faces, donc.
    Quant aux tyrans … Ce qui est énigmatique, c’est qu’il y ait toujours un client (ou cliente) pour ce rôle infâme. Y a-t-il un plaisir à être une malédiction pour autrui ? Comme, hélas, on ne peut pas compter sur les prises de conscience personnelles, comptons plutôt sur le courage inouï des peuples opprimés par leurs propres dirigeants: Coréens du nord, Chinois, Iraniens, Syriens, la liste demeure trop longue.

  2. tapas92 dit :

    Je paraphrase votre première phrase (désolé) : « Il est sûrement trop tôt pour s’en réjouir, mais les démocraties du monde commencent à rencontrer des difficultés de gestion, face à des révoltes durables contre leurs méthodes inefficaces. » Ça marche aussi, quand on voit la Grande-Bretagne, les Etats Unis … ou la France bien sûr. Je crois que c’est le monde qui rencontre des difficultés. Et chacun essaie de les résoudre avec ses moyens, sa culture, son histoire… et ses méthodes. Pas de jugement, et surtout pas de notions de « valeurs universelles » qui n’ont d’universel que ce qui nous arrange et quand cela nous arrange, nous, les anciennes « grandes puissances »

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