Le non à la réforme

Une foule de manifestants
(Photo AFP)

Emmanuel Macron fait comme s’il n’était plus concerné par la réforme des régimes de retraite et il estime que son calendrier politique lui apporte de nouvelles contraintes. Pourtant, tout tend à démontrer que la crise sociale ne va pas s’envoler, que les syndicats comptent  l’intensifier et que, dans le cas où la résistance syndicale se renforcerait, il faudrait bien l’intervention du président pour reprendre les discussions.

DANS CE CONTEXTE, le calcul du nombre de manifestants et l’effet de la grève sur l’économie sont bien difficiles à rétablir. Le non-paiement des jours de grèves sera compensé par des grèves le samedi ; le calendrier des manifestations va jusqu’au printemps. De sorte que les arguments brandis de part et d’autre n’apportent rien aux positions adoptées dans chacun des deux camps. Les syndicats se contenteront d’avoir raison jusqu’à ce que s’effondre l’économie nationale. Le président campe sur ses droits jusqu’à rester paralysé dans le palais de l’Élysée.

Un gâchis.

La France vaut mieux que la glaciation hivernale des activités économiques. Elle continue à relever des signes satisfaisants de résistance des principaux paramètres sur les fronts de l’emploi, des recettes fiscales, du déficit, qui sera inférieur aux prévisions. Tout ce que peuvent dire les observateurs, c’est que le pays ne mérite pas un tel gâchis, que, face à la réforme, la détresse ne devrait pas être aussi excessive : on peut imaginer de l’appliquer, puis de la changer à la faveur des élections de 2027. L’expérience a prouvé que rien n’est gravé dans le marbre et que ce qu’une législature a fait, la suivante peut le défaire.

Une défaite historique.

L’opposition politique ne l’entend pas de cette oreille, qui veut infliger à Emmanuel Macron une défaite historique. Autant dire que tout le monde se fiche de l’intérêt général et que la politique se résume à un match de boxe. Ce sont les mêmes qui exigent la retraite à 60 ans et la démission du président de la République. Comment croient-ils qu’une fois arrivés au pouvoir, ils vont trouver le financement du paradis perdu qu’est devenue la retraite à 60 ans ?

La haine du travail.

Le plus confondant, peut-être, c’est que, de la CGT à RN, on cultive publiquement cette fleur vénéneuse qu’est la haine du travail. Je veux bien qu’on ne peut pas passer 40 ans à manier un marteau-piqueur ou à déplacer des blocs de béton. Mais pourquoi ceux qui exercent un métier d’intellectuel devraient-ils devenir inutiles à partir de 60 ans ? On les envoie au chômage alors qu’ils ont retiré de leur carrière une expérience qui en fait de meilleurs travailleurs que les jeunes gens présents pour la première fois sur le marché de l’emploi.

Une faute du gouvernement.

À la faveur des imprécations lancées par les grévistes, on s’aperçoit aussi que le dossier n’a pas été examiné en profondeur, que les carrières longues n’ont pas été suffisamment examinées, que la pénibilité de certains métiers n’a pas été évoquée. C’est un argument qui vole au secours de la cause syndicale et c’est une faute du gouvernement. Il a surtout cherché à échapper à quelques décisions coûteuses qui auraient satisfait de larges pans de la population. En effet, la réforme ne présente un réel intérêt que si elle contribue puissamment à la résorption de la dette. Ce ne sera pas le cas si l’on satisfait toutes les revendications dont quelques-unes sont tout à fait légitimes.

Ne pas perdre la face.

Ce qui ne veut pas dire non plus qu’en restant inébranlables les syndicats, et notamment la CFDT réformiste, aient joué un rôle positif. C’est un cas de figure où les partenaires sociaux se sont évertués à donner le pire d’eux-mêmes. Le retraite à 60 ans est un leurre dangereux. La pénibilité et les carrières longues doivent faire l’objet d’une négociation spécifique. Il n’y a pas de réforme immarcescible qui s’imposerait comme un dogme religieux aux Français, qu’ils y croient ou non. Je comprends qu’on me dise que personne ne veut perdre la face, ni Macron, ni LR, ni Mélenchon, ni les syndicats, ni Marine Le Pen. Bien. Mais voir la réforme comme ça, c’est s’assurer qu’elle échouera.

RICHARD LISCIA

 

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3 réponses à Le non à la réforme

  1. Liberty8 dit :

    LR a indiqué hier soir que si ses deux amendements (43 annuités pour l’un) étaient acceptés, ils voteraient la reforme. La majorité présidentielle a donné, a priori, son accord. La loi sera votée sans passer par le 49/3.
    A moins d’un faux pas ou d’une décision volontaire de dissolution (bien dangereuse pour le pouvoir).
    Certains voient dans la dissolution l’arrivée à Matignon de Marine Le Pen et s’en félicitent en misant sur son échec. Je ne pense pas, réussite ou échec, que ce soit une bonne chose pour la France.

  2. Richard Liscia dit :

    Jeanine Soria dit :
    Tes blogs sont limpides et exhaustifs.

  3. Jean Vilanova dit :

    J’ai adoré travailler. Mais était-ce un travail ? Enseigner le droit à des étudiants brillants, les inviter à en comprendre les arcanes, les évolutions, la prospective, ses errements aussi, les ouvrir au fait que le droit n’est pas qu’une technique mais aussi un humanisme, voilà quel a été mon bonheur. J’ai eu beaucoup de chance, en effet. Je ne suis pas monté sur des toits en plein hiver ou sous la canicule pour les réparer, ni posé du goudron sur les routes. Je n’ai pas souffert devant une machine, ni déménagé des meubles. Je n’ai pas été confronté à la souffrance ou la mort des patients. Aucun client ne m’a jamais « engueulé » à une caisse de supermarché… Alors je comprends et suis en empathie complète avec les gens qui se disent et qui sont « usés ». Il faut y répondre et je comprends leur trouble, leur colère face à une communication de l’exécutif chaotique, voire complètement raté et à des angles morts en ce qui concerne les carrières longues et difficiles, les femmes… Un boulevard ouvert aux manipulateurs qui ne rêvent que du « grand soir » et d’avoir la peau de notre démocratie. On ajoutera à cela le discours fumeux du COR dont on se demande s’il sait lui-même où il habite, les incohérences d’une partie de la droite – de cela, on a l’habitude désormais – et les petits calculs de tous en vue de la prochaine présidentielle. N’en jetez plus ! Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas simplement appuyé autant que nécessaire sur le seul critère qui vaille, plus encore que celui de la dette : celui de l’évolution à court terme de la démographie et de la charge insupportable qui pèsera sur chaque actif si rien n’est fait ? Ah oui, j’oubliais, c’est Bernard Arnault, François Pinault qui vont raser gratis… alors dormons tranquilles!

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