Amère victoire

Borne dans la fosse aux lions
(Photo AFP)

La motion de censure contre le gouvernement déposée par LIOT (Liberté, Indépendant, Outremer et Territoires) a été rejetée parce qu’elle ne réunissait que 256 voix, soit neuf de moins que la majorité absolue. Celle du Rassemblement national n’a remporté que 94 suffrages. La loi instituant la réforme des régimes de retraites a donc été adoptée. Le feuilleton n’est pas fini pour autant.

SUR LE PAPIER, la réforme est en marche et le gouvernement a gagné. Il est peut-être temps de rappeler que le 49/3, décrié par les syndicats et l’opposition comme l’expression de l’arbitraire le plus extrême, est inscrit dans la Constitution, justement applicable dans le cas où une majorité parlementaire est introuvable. La majeure partie des manifestations, émeutes, grèves, désordres et blocages est due à la diffamation savamment entretenue par les forces populistes pour discréditer ce qui n’est, en définitive, qu’une technique constitutionnelle pour remettre de l’ordre dans un débat à l’Assemblée nationale.

Des actes subversifs.

Or l’hémicycle, soumis à des comportements individuels regrettables, n’existait plus. On reproche à Emmanuel Macron de manquer d’autorité et dans le même temps, on affirme qu’il recourt aux instruments utilisés par la force. Qu’il soit permis de comparer la conduite des affaires par le gouvernement et le guignol auquel se sont livrés les députés de la Nupes, qui ont empêché Élisabeth Borne de parler et brandissaient des pancartes avec des slogans hostiles à la réforme : il faudrait qu’ils aient le pouvoir et qu’on les traite de la même manière pour qu’ils comprennent enfin que leurs actes sont tout simplement subversifs et donc inacceptables.

L’exemple de Mme Borne.

Jamais la Première ministre ne s’est départie de son calme. Jamais elle n’a montré le moindre signe de faiblesse et il est temps de dire que, victorieuse ou pas, elle s’est battue avec un sang-froid extraordinaire. L’autre argument de l’opposition, pour autant qu’elle ait  un peu de cohérence, est que 70 % de la population est hostile à la réforme. C’est indéniable, comme le fut l’adoption de l’abolition de la peine de mort, voulue par Mitterrand et son ministre de la Justice, l’excellent Robert Badinter, contre la volonté du peuple. Ce n’est pas forcément en respectant le point de vue de la majorité qu’on fait progresser une société. Aux États-Unis, tous les garde-fous mis en place dans la Constitution ont pour objectif de lutter contre les débordements d’électeurs trop passionnés ou saisis par le populisme.

Remaniement en vue.

Emmanuel Macron sait qu’il a seulement remporté une manche. Ce n’est pas de cette manière qu’il parviendra à rétablir l’ordre et mettre fin à la grève des éboueurs ou à celle des carburants. Il pense déjà un remaniement ministériel (par opposition à un remaniement gouvernemental) avec un changement de choix stratégique qui éliminerait la plupart des ministres issus du civil. Ce ne serait qu’un gage donné aux opposants et il en faudra d’autres. On peut donc s’attendre à des changements au sommet qui feront d’autant plus d’effets que, cette fois, il peut au moins exciper de l’adoption de la loi.

Pas de majorité alternative.

Ce qui veut dire, que loin de songer à une démission ou à une dissolution de l’Assemblée avec des élections anticipées qui ne changeraient pas beaucoup le paysage électoral, il va s’atteler à de nouvelles réformes. Elles seront toutes accueillies avec le même scepticisme que celle des retraites, mais l’idée que le président de la République dirige une « minorité » est totalement fallacieuse. Il a administré la preuve qu’il a une majorité relative contre laquelle les partis d’opposition sont incapables de dresser une majorité alternative. Ce n’est pas dans le camp présidentiel que la consternation est la plus forte, mais chez LR où l’autoritaire Ciotti n’a pas réussi à mater la dissidence et où le chef présomptif, Laurent Wauquiez, est l’arlésienne, et à la Nupes où le prestige de Jean-Luc Mélenchon commence à s’effriter, alors qu’il exprime une idée par jour, mais une idée irréalisable, par exemple que Macron devrait le désigner à Matignon.

Ils ne savent pas construire.

Une chose est sûre : ce peuple si mécontent ne pourra pas se débarrasser de son président réélu en un tournemain. Il est vrai qu’il est haï mais il est tout aussi vrai qu’il est le seul à se maintenir à un poste attaqué de toutes parts, mais en contrôlant le chaos, comme le RN ou la Nupes ne sauraient pas le faire. En observant les décombres du vote sur les motions de censure, on perçoit fort bien l’absence criante de président alternatif. Il n’y en a pas. Ils savent démolir, ils ne sauront pas construire.

RICHARD LISCIA

 

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2 réponses à Amère victoire

  1. Doriel Pebin dit :

    Bonjour et merci pour cette analyse d’une grande lucidité dans le chaos mental actuel. Une certitude, le RN et La Nupes sont minoritaires sans contestation possible. Ils prennent leurs vessies pour des lanternes et ne font aucune proposition constructive. Leur seul moyen de minorité agissante est de « bloquer » le pays. Vaste programme et ambition pour des groupes minoritaires qui … crient au déni de démocratie ! Dans d’autres pays, cela s’appelle du fascisme.

  2. Laurent Liscia dit :

    C’est une victoire constitutionnelle indéniable. Ce que les oppositions n’arrivent même pas à construire, c’est une motion de censure qui tienne la route. Alors, pour le reste …

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