N’a-t-il donc « rien compris ? »

La manif’, exutoire universel
(Photo AFP)

Les syndicats et l’opposition ont riposté à l’inflexibilité d’Emmanuel Macron par un jugement méprisant : il n’a rien compris. Vraiment ? En réalité, il s’agit d’une grossière erreur d’analyse.

LE PRÉSIDENT a compris qu’il était en minorité ; il a compris que le vote de la loi par l’Assemblée nationale n’était pas sûr et il a préféré utiliser le 49/3. Bref, il a compris qu’il fallait un peu forcer le destin. Qu’aurait-il donc dû faire ? Se rendre en rase campagne aux forces de la contestation alors que la Constitution lui offre les moyens de résister ? Il a compris qu’il est impopulaire et il a déclaré sans nuances qu’il préférait cette impopularité à l’abstention.

L’odeur du sang. 

Il a compris qu’il est personnellement rejeté par le peuple au même titre que sa réforme honnie. Il a compris le raz-de-marée démagogique mis en place par des partis qui on vu midi à leur porte. Il a compris que s’il montrait le moindre signe de faiblesse, ses adversaires auraient senti le sang et cherché à l’achever, en bons requins qu’ils sont, lovés dans les institutions. Il ne risquait donc pas de s’attarder sur ses propres erreurs, de communication et autres. Il ne risquait pas de se livrer à un mea culpa dont il aurait dû ensuite tirer la conséquence logique. Oui, il est en danger, oui, il est vulnérable comme aucun président de la Vème ne l’a été avant lui, oui, du moment où il ne peut pas se présenter pour un troisième mandat, toutes les forces de la contradiction se sont liguées pour l’abattre.

La vitesse du sabre.

Mais y sont-elles parvenues ? Comme un judoka, il a utilisé la violence de la contradiction pour faire chuter l’agresseur. Après, on a cru comprendre qu’il n’avait rien compris, alors que, en vérité, il a tout compris. Qu’attaqué comme le serait l’ennemi public numéro 1, les risettes et les vains efforts de séduction ne feraient pas le poids. Pourquoi un président réélu n’aurait-il pas le droit de faire sentir à une opposition si déterminée la vitesse de son sabre et les plaies qu’il peut provoquer ? Il ne peut pas se présenter à nouveau, c’est une force. Il n’a rien à cacher, il s’est présenté brut de décoffrage, blessé, déçu par le peuple versatile qui l’a réélu il y a un an et qui, aujourd’hui, contrairement à toutes les lois, exige qu’il « dégage ».

Conservateurs militants.

On peut penser ce qu’on veut de lui, on doit reconnaître son courage et même son sacrifice. Il a simplement rappelé de quels instruments on ne peut pas priver un président en exercice. Le mandat est sacré et il est de cinq ans et oui, il a raison de faire référence au sac du Capitole : c’est l’objectif des émeutiers et ils ne l’ont pas caché. Ce qui est formidable dans toute cette affaire, c’est l’inquiétude des vingtenaires pour leur retraite, comme si, dans les années qui viennent et avant qu’ils y arrivent, il n’y aurait pas d’autres réformes,. C’est le cas d’un des plus purs conservatismes. C’est la France d’aujourd’hui : une jeunesse qui compte les jours jusqu’à la retraite, exactement comme s’il n’y avait aucun épanouissement dans le travail. Dans cette querelle sur le temps des gens, j’aimerais savoir combien de temps ils vont consacrer à la culture.

Macron est encore le chef d’orchestre et il force les musiciens, disciplinés ou non, à jouer son concerto. Le résultat est chaotique. C’est du classique contemporain.

RICHARD LISCIA

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6 réponses à N’a-t-il donc « rien compris ? »

  1. Dominique S dit :

    Vous avez parfaitement raison: Macron a tout compris! Mais il est quand même bizarre que selon les sondages, deux-tiers des Français n’aient rien compris Et si on s’interrogeait un peu sur la responsabilité de la grande presse à ce sujet ? Tout y est fait, tout y est dit, pour attiser le conflit Les commentaires de journalistes, de responsables syndicaux, de responsables politiques, de manifestants, sont soigneusement sélectionnés, et ils vont toujours dans le même sens. Les deux journalistes interrogeant Macron hier, ont voulu aussi jouer ce rôle-là. Il l’ont fait de manière tellement maladroite, que le président en a paru encore plus convaincant. Conclusion : consommons la presse avec modération. Je pense que cela aussi, Macron l’a compris.

    Réponse
    Je suis 100 % d’accord. La presse étant libre, elle doit user de cette liberté à tout bout-de-champ. Nous sommes inondés par l’anti-macronisme qui, entre autres, est aussi à la mode. La plupart des confrères qui jouent ce jeu malsain ne s’identifient nullement aux oppositions ou aux syndicats.
    R. L.

    • Jean Vilanova dit :

      Il n’est que de constater l’empressement des médias auprès de Tartuffe comme le bonimenteur haineux Mélenchon ou, parité oblige, Sandrine Rousseau et les bêtises crasses qu’elle profère à longueur d’intervention. Cette dernière a, paraît-il, enseigné l’économie dans une vie antérieure. Enseignant moi-même, je me demande avec inquiétude ce qu’elle pouvait bien raconter à ses étudiants, les pauvres…

  2. Laurent Liscia dit :

    Je rejoins les points de vue de Dominique S et Jean Vilanova … mais je crains que ces voix raisonnables ne soient une minorité. Le phénomène le plus sidérant, c’est tout de meme les black blocs …. Des descendants des « Autonomen » en Allemagne, représentés aux Etats-Unis par la brève commune de Seattle en 1999, puis plus récemment pendant le Covid. Nous avons un équivalent en Californie, tendance casseurs: on les voit sortir à chaque fois qu’il y a une coupure de courant ou une période d’incertitude politique. C’est donc un mouvement international, qui comme l’extrême-droite, souhaite la disparition des institutions financières et politiques de l’Occident.

  3. Frédéric L dit :

    La lucidité de M. Macron lui permet de « préférer l’impopularité à l’immobilisme ». Il y a longtemps que je n’avais pas entendu des paroles aussi fortes chez un homme politique (La dernière fois, il s’agissait de Michel Noir qui préférait « perdre les élections que perdre son âme », s’agissant d’une éventuelle alliance avec le Front national…)
    Je salue le courage de M. Macron qui a évidemment tout compris. On ne peut pas en dire autant de ses opposants, enfermés dans des postures syndicales d’un autre siècle… Et que dire des lycéens et étudiants qui n’ont même pas mis un orteil dans le monde du travail ?

    • Dominique S dit :

      A propos des jeunes, j’ai beaucoup aimé cette réflexion d’un manifestant « J’ai déjà mal au dos à 20 ans, alors à 60! »

  4. mathieu dit :

    Il est tellement plus confortable de hurler avec les loups ! la mauvaise foi, la démagogie populiste, l’irresponsabilité de bien des chroniqueurs d’habitude pondérés et réalistes sur les plateaux télé, est consternante… et décrédibilisante.

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