Le cas d’Israël

Manifestation monstre à Jérusalem
(Photo AFP)

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a fini par céder à la pression de manifestations gigantesques : il a annoncé une « pause » dans la réforme de la justice. Une grève nationale décidée hier matin a été annulée hier soir.

CE QUI NE VEUT PAS dire que le problème posé par la réforme soit réglé. La plupart des organisateurs des manifestations de l’opposition exigent qu’elle soit annulée définitivement. Mais M. Netanyahou, avec sa souplesse habituelle, a su s’épargner une crise qui aurait menacé ses fonctions. La réforme de la justice n’avait pas pour autre objectif que d’assurer l’immunité des dirigeants politiques face à d’éventuelles poursuites judiciaires. On n’est jamais si bien servi que par soi-même. Le Premier ministre israélien est menacé par des affaires de corruption qui risquent d’entraîner sa chute. Il s’est entouré d’extrémistes pour qui la démocratie s’identifie  à leur propre bon vouloir.

Double faute.

Pour les Israéliens juifs et pour d’autres religions, Israël est une démocratie comme toutes les autres : un homme, une voix. Système qui n’admet aucun exception, sauf, évidemment,  pour les arabes et musulmans. Un membre du gouvernement est venu dire à Paris que « le peuple palestinien n’existait pas ». Double faute, politique et diplomatique : les Palestiniens existent et le font savoir tous les jours et si cet homme avait un peu de bon  sens, il ne se permettrait pas de se livrer à une provocation diplomatique.

Mauvais système.

La subtilité tactique du Premier ministre a fini par trouver ses limites. Israël a des problèmes évidents de sécurité et si M. Netanyahou les aggrave, c’est parce que ses électeurs préfèrent avoir un homme fort comme chef de gouvernement. Mais pas fort au point de remettre en cause les fondements mêmes de l’État d’Israël, établi sur des principes républicains et parlementaires. M. Netanyahou s’accommodait fort bien d’un système électoral complètement à la proportionnelle qui lui permettait de bâtir des coalitions contre nature avec des partis extrémistes, deux ou trois des 120 députés de la Knesset, devenant des arbitres essentiels.

Netanyahou a reculé.

Le Premier ministre israélien avait un ami de choix, l’Américain  Joe Biden, qui s’est quand même permis de dénoncer la dérive du pouvoir à Jérusalem. Biden veut éviter à tout prix le clash qui a éloigné Barack Obama de Netanyahou. Il a néanmoins exercé des pressions qui, ajoutées aux manifestations nationales en Israël, ont fini par casser la logique de l’extrême droite. Le problème est certainement religieux et ethnique avant dêtre politique et diplomatique. Il n’empêche qu’en bon tacticien, Netanyahou a reculé. Il faut maintenant qu’il termine la manœuvre, qu’il arrête définitivement son évolution personnelle vers l’extrême droite.

Droit et sécurité.

La route est longue, principalement parce qu’en dépit des accords dits d’Abraham et conclus par Donald Trump, l’Arabie Saoudite et l’Iran se sont rabibochés alors que leurs ambitions respectives les poussaient vers un conflit énorme. La moindre menace nouvlle jouera en faveur de Netanyahou et de ses complices. Le respect du droit, c’est bien, et c’est une vertu israélienne. Mais la sécurité est la première des priorités. Ce qui ne signifie pas d’ailleurs qu’une bonne équipe centriste à la tête du gouvernement ne serait pas capable de maintenir la paix.

RICHARD LISCIA

 

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4 réponses à Le cas d’Israël

  1. Brenner dit :

    Mon cher Liscia,
    D’accord avec votre commentaire modéré, sauf que je ne comprends pas la signification de la phrase: « un homme, une voix. Système qui n’admet aucun exception, sauf, évidemment, pour les arabes et musulmans ». A ma connaissance, les Israéliens, même arabes et musulmans, votent et leurs voix valent comme les autres. D’ailleurs ils envoient des députés arabes et musulmans à la Knesset. Vous ne pouvez pas ne pas le savoir !
    Le « peuple palestinien n’existait pas ». C’est vrai dans le passé de l’histoire de cette terre. Il n’est pas dit autre chose littéralement par le ministre. Par contre, la fondation d’Israël a favorisé l’émergence d’un peuple palestinien et on peut considérer qu’il existe, même s’il n’existait pas au début du XXème siècle. Les verbes et leur conjugaison ont un sens !

    Réponse
    Les Arabes israéliens ont le droit de vote en Israël, ils n’ont pas le droit de voter pour un État palestinien.L’opposition des Palestiniens à la Knesset, quoique virulente, est à des années lumière de la majorité. Le peuple palestinien a toujours existé. Les Iles Fidji et Vanuatu sont des États, pas la Palestine. Les verbes et leur conjugaison ont un sens, certes, mais pas celui que vous leur donnez.
    R. L.

    • Brenner dit :

      Les Arabes Palestiniens ont le droit de vote. Ils peuvent voter là où ils habitent. Par exemple s’ils habitent Ramallah, ils pourraient voter à Ramallah. Sauf que les dernières élections datent de 2006 et les prochaines sont reportées sine die ! Démocratie à la carte !
      Le peuple palestinien n’a jamais existé en tant que tel. Il y avait en Judée Samarie, des Cananéens, des Philistins, puis des juifs, puis des chrétiens, puis des Musulmans arabophones. Ces trois dernières populations se sont maintenues tant bien que mal sous la domination ottomane, puis sous protectorat britannique depuis la chute de l’empire ottoman et enfin vous connaissez l’histoire aussi bien que moi, sinon plus. Depuis 1948, l’État d’Israël a été créé sur une partie de la Judée-Samarie, aussitôt attaqué par la quasi totalité des pays arabes de la région, tandis que des millions d’Arabes vivant sur ces territoires s’enfuient avec la peur alimentée sciemment d’être massacrés par les Juifs, ce qui ne s’est pas confirmé pour ceux qui sont restés. La cis-Jordanie devenait part de la trans-Jordanie, qui finit par s’en débarrasser et la notion d’Etat Palestinien ne s’est imposée que progressivement dans les années 1970-80. On peut même affirmer que c’est la conséquence heureuse(?) de la création de l’État d’Israël.
      Et maintenant, la solution de deux Etats vivant en paix est plus hypothétique que jamais, l’intransigeance des uns voulant massacrer ou rejeter l’autre à la mer a « droitisé » certains des autres. D’où la coalition intolérante et dangereuse qui s’est formée autour de Netanyahou avec ses conséquences très incertaines.

      Réponse
      Merci pour ce cours d’histoire magistral. Mais je suis allé à l’école moi aussi. Il ne se passe pas de jour sans attentat palestinien, il ne s’en passe pas non plus sans qu’un Palestinien où plusieurs soient tués par Tsahal. Vous ne croyez pas qu’il est temps de mettre fin à la politique d’Israël, qu’il est temps, pour Israël d’avoir des frontières fixes, de renoncer aux suggestions de l’extrême droite de conquérir la Jordanie, avec laquelle Israël a conclu un accord de paix ?
      R. L.

    • Brenner dit :

      On finirait par être d’accord, à condition de dire aussi qu’il faut en finir avec l’obstination des Palestiniens de ne pas reconnaître la réalité qui s’est installée depuis plus de 70 ans !
      La population a tout à y gagner, mais les dirigeants du Fatah et du Hamas pourraient perdre leur sinécure et laissent les choses en l’état, alimentant l’extrême droite israélienne, comme chez nous la LFI de Mélanchon fait le lit du FN de Marine Le Pen.

  2. JEAN WOLGA dit :

    Netanyahou a juste voulu avec cette réforme corriger l’excès de pouvoir des juges de la Cour Suprême, qui empêche l’exécutif et même le législatif (la Knesset) de fonctionner correctement.
    Il est certain que si le centre et la gauche reviennent au pouvoir en Israël, ils vont garder cette réforme qui sera à leur avantage si elle passe un jour.
    Si Netanyahou a fini par céder, ce n’est pas directement sous la pression des manifestants, mais c’est sous l’injonction du président Herzog.

    Réponse
    Uk est évident que la pression des manifestations a joué un rôle. On saut ce que Netanyahou voulait faire -l’immunité totale des élus-. De la même manière, on ne peut pas faire un procès d’intentions au centre et à la gauche. S’ils prennent le pouvoir, ils supprimeront les privilèges des élus au cas où le projet de loi aboutirait et ne l’appliqueraient pas si la loi est maintenue.
    R. L.

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