Le droit de mourir

La convention qui vient de terminer ses travaux
(Photo AFP)

Cent quatre vingt quatre citoyens français désignés à une convention sur la fin de vie ont planché pendant plus de trois mois pour proposer une législation sur le suicide assisté et l’euthanasie. Emmanuel Macron va expliquer sa position personnelle sur le sujet. Il tiendra compte de l’avis des rédacteurs du texte mais n’en appliquera pas toutes les suggestions.

LE PRÉSIDENT de la République entend poursuivre son action politique en dépit de la crise sociale. Une crise si aigüe que travailler sur la réforme de l’immigration ou l’euthanasie lui semble à la fois possible et susceptible d’écarter partiellement la colère populaire induite par la réforme des retraites. Ce n’est pas un projet tellement alambiqué. Il rassemble toute son énergie pour garder son image de réformiste.

La peur, ciment du statu quo.

Contrairement à la réforme des retraites, le suicide assisté est approuvé par 70 % des Français. La loi Claeys-Leonetti de 2016 n’est pas satisfaisante. Aujourd’hui, il semble qu’il y ait un manque de soins palliatifs et une indifférence des médecins à la souffrance. Le malade est seul, même s’il est bien entouré, alors qu’il a le droit de mourir avec un minimum de dignité. Son corps, sa vie n’appartiennent qu’à lui et, sur le plan éthique, la peur et la superstition (on ne parle jamais de la mort car on ne veut pas y être confronté) sont le ciment du statu quo.

Penser au testament.

Le chef de l’État juge le sujet socialement important et on le comprendra aisément. Il ne s’agit pas d’une réformette destinée à cacher l’autre, celle qui nous divise tant. Il y a tout un travail à faire sur soi pour parler de la mort non en des termes anxiogènes mais d’une manière pratique qui mettra au point les différentes mesures dont le patient souhaite bénéficier. Cela commence par accepter un événement inéluctable et cela se termine par la rédaction d’un testament.

La clé, c’est la liberté.

Je ne vois pas de meilleure méthode que celle qui nous éloigne des pensées funestes chaque fois que nous nous prenons des dispositions en faveur des proches que nous aimons. Dans cette affaire, il faut se guider au moyen du principe de liberté. En démocratie, nous sommes tous libres et faisons de notre corps ce que nous voulons.  Dans une société comme la nôtre, l’idée irréfragable est que personne n’empêchera un patient qui souffre de se jeter par la fenêtre. Chacun d’entre nous a le droit d’en finir, car la souffrance croissante, vive et insupportable exige une fin rapprochée. Il me semble que nous avons les moyens spirituels de dépasser les injonctions de la nature. En l’occurrence, elle ne doit pas avoir le dernier mot.

L’État est partout.

En la matière, la décision est difficile à trouver. Tout simplement parce que le médecin n’est pas le soignant et  que notre société a confié au pouvoir politique le soin de régler le problème. N’importe qui, y compris les gens sains de corps et d’esprit, peut vouloir se noyer. Mais dans le cas d’un Parkinson ou d’un Alzheimer, le malade n’a pas le droit d’exiger d’un soignant qu’il l’achève. En France, l’État est partout y compris dans la santé et l’assurance-maladie, mais son intrusion dans la métaphysique correspond à un abus de pouvoir.

Il n’est pas question,  pour le président, de rejoindre aveuglément les pays qui pratiquent le suicide assisté à tout-va. Beaucoup de médecins ne souhaitent pas devenir des machines à tuer. Raison de plus pour que la société trouve les voies et moyens qui lui permettent de résoudre le problème sans porter atteinte à l’intégrité du soignant.

RICHARD LISCIA

 

 

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2 réponses à Le droit de mourir

  1. Dominique S dit :

    Essayons de ne pas mettre sur le même plan le cas de Vincent Humbert et certains faits divers rapportés par la presse. Cela se passe souvent en Suisse ou en Belgique. J’ai du relire plusieurs fois l’histoire de cette veuve de 80 ans, pour être sûr de l’avoir bien comprise. Cette dame aurait obtenu l’euthanasie, au seul motif qu’elle ne souhaitait pas survivre au décès de son mari.

  2. Jean Vilanova dit :

    M. Liscia, merci d’aborder ce grave sujet objet de toute mon attention depuis de nombreuses années. J’ai enseigné la loi sur la fin de vie à mes étudiants. Je l’ai abordée devant des malades et à de très nombreuses reprises devant des professionnels de santé dans le cadre de la formation continue et d’enseignements post-universitaires ou à l’invitation d’autres structures professionnelles, ordres, sociétés savantes, syndicats. J’introduisais toujours mon propos en disant que la loi Leonetti (devenue en 2016 loi Léonetti-Claeys) était probablement une bonne loi en ce sens qu’elle ne satisfaisait, au fond, personne : ni ceux pour qui la vie est sacrée et ne peut être retirée, ni les partisans du choix de leur mort. Une manière certes un peu abrupte d’aborder le sujet mais je voulais ainsi faire immédiatement comprendre à mes auditoires son extraordinaire complexité et la nécessité de l’exclure de tout débat militant bien trop réducteur entre « pros » et « antis ». Dans ces lignes que vous m’accordez, je n’aborderai pas certains aspects fondamentaux inhérents à la fin de vie comme la méconnaissance du texte lui-même, plus généralement l’interdit de tuer, socle parmi quelques autres du droit français ou encore l’insuffisance voire l’absence en maints endroits de structures de soins palliatifs, enfin le trouble voire la crainte que peuvent ressentir nombre de soignants dont le « logiciel de formation », pardon pour ce mot, est tout autre que d’abréger une vie, fût-elle en grande souffrance. Je suis juriste et j’aime le droit, non pas celui dispensé quotidiennement, à la hache avec une gourmandise de mauvais aloi sur les marches des palais de Justice devant des caméras mais celui de l’introspection et de l’humilité. Et je sais que le droit ne peut tout résoudre, à commencer par ce qui a trait au passage de la vie à la mort, celle-ci tellement redoutée dans nos sociétés occidentales taraudées par le fantasme d’immortalité. Or qu’est-ce que le droit sinon la mise en place d’une règle appliquée à une collectivité dont la violation entraîne sanction ? En parallèle, y a-t-il un regard plus intime que celui que chacun porte sur sa propre fin ou celle de ses proches ? Rien n’égale cela, pas même le sentiment d’amour selon moi. Dès lors comment légiférer, c’est-à-dire faire entrer dans un cadre contraint et commun ce qui relève de l’intimité la plus absolue propre à chaque être ? Cela me semble impossible. Je pense que certains sujets échappent à notre entendement, à notre intelligence. La « codification juridique » de la fin de vie est de ceux-là. Alors je dis que je ne sais pas.
    Réponse
    Cher M. Vilanova, merci pour la qualité de vos commentaires.
    R. L.

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