Macron remporte une manche

Laurent Fabius
(Photo AFP)

Que les syndicats le veulent ou non, Emmanuel Macron a remporté une manche : le Conseil constitutionnel a censuré six dispositions dont « l’index seniors », mais il a validé l’essentiel, soit le prolongement des carrières à 64 ans, applicable en septembre prochain.

DE FAIT, le Conseil a pris les décisions les plus probables, celles auxquellles on s’attendait. Il s’est refusé à jouer un rôle politique en balayant la réforme des retraites, comme d’aucuns l’espéraient sous le prétexte que la Cour la plus haut placée est dirigée par un socialiste, Laurent Fabius. Par ailleurs, et ce n’est pas négligeable, le Conseil rejette tout projet de référendum d’initiative partagée, alors que les syndicats en proposaient deux.

Inscrit dans le droit.

Avant même d’entendre la décision du Conseil, le président a invité les syndicats à venir le voir mardi prochain. Quelle que soit la puissance de l’opposition populaire à la réforme, il faudra bien reprendre le dialogue dans un contexte marqué par l’intervention du Conseil. Laquelle relativise, du même coup, la violence des discours parlementaires et celle des manifestations. Macron s’est toujours inscrit dans le droit, s’incline devant le droit sans la moindre réserve, et se présente comme un interlocuteur qui a vu juste. Par rapport aux jours sombres que la crise sociale a déclenchés, le climat est devenu soudain plus favorable à la négociation.

Un bilan positif.

Il appartient aux parties en présence de faire au mieux avec les décisions du Conseil. Les syndicats ne peuvent plus croire que la réforme va disparaître subitement. Ils devront l’accompagner et s’ils préfèrent accroître la mobilisation et continuer à mettre le pouvoir au défi, ils finiront par perdre une partie du soutien de la population. Ce constat est à mentionner dans le cadre d’une crise qui menaçait le régime et renforçait le slogan : « Macron, six ans, ça suffit ! » Le président de la République, comme je l’ai écrit dans cette chronique à plusieurs reprises, a toujours compté sur la force de nos institutions. Il est récompensé de les avoir respectées. Et il vient de légitimer son action, retrouvant son aura de réformiste. Ce n’est pas un bilan médiocre.

Porte de sortie ?

Est-ce que cela signifie qu’il n’y aura pas de porte de sortie pour les syndicats et le peuple ? Ils sont acquis à une poursuite du mouvement social, et ils ne rentreront pas dans leurs foyers avant septembre. Mais ils ont perdu la légitimité qu’ils avaient acquise en construisant leur cause. Ils ne peuvent pas continuer à croire qu’ils dévoreront du Macron chaque matin pour leur petit déjeuner. C’est à un président élu, puis réélu, qui a de surcroît conduit cette réforme d’une main de fer, qu’ils ont affaire désormais.

Sur le « mépris ».

On note aussi l’intuition du président. Il a soumis son projet avec zèle au Conseil constitutionnel, il n’en attendait rien de plus que ce qu’il a obtenu. Que n’a-t-on pas dit de son arrogance, de sa solitude, de son mépris ? On l’a dénoncé avec une force qui, dépassant les bornes, l’a ridiculisé, en a fait le pantin craintif de l’Élysée, maison où il aurait perdu ses repères. Et le voilà qui, une fois encore, renaît de ses cendres, avec un calme apparent, une vigueur retrouvée, une dynamique irrésistible. On a toutes les raisons de croire que la CGT fera cause commune avec le PCF. Mais le chef de la CFDT, Laurent Berger, n’est-il pas un homme indépendant ? Quant au « mépris », il me semble que c’est l’apanage du peuple et des syndicats, qui le connaissent tous, le haïssent et le lui disent dans un langage vulgaire, pas le sien.

RICHARD LISCIA

PS-Le chef de l’État n’a pas perdu une minute : dans la nuit entre vendredi et samedi, il s’est hâté de promulguer la loi, ce qui a entraîné manifestations et actes de violence. Les syndicats rejettent son invitation à l’Élysée mardi et n’y répondront qu’après la journée du 1er mai.

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5 réponses à Macron remporte une manche

  1. Doriel Pebin dit :

    Bonjour. Bonne analyse. Espérons que la raison l’emportera même si l’air du temps n’est pas favorable à la réflexion mais plutôt aux postures.

  2. Dominique S. dit :

    On dit que 70 % des Français sont opposés à la réforme. Mais 70 % des Français sont probablement soulagés par cette décision du Conseil constitutionnel. Nos compatriotes ne sont pas tous des gilets jaunes, même si ils en ont évidemment un dans leur voiture. Sécurité et discipline vont souvent ensemble.

  3. Jean Vilanova dit :

    Le Conseil constitutionnel vient donc de se prononcer sur le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale incluant le fameux volet Retraite qu’il a jugé, pour l’essentiel, conforme à la Constitution. Sa décision ne peut donner lieu à aucun recours et il n’appartient à personne de la remettre en cause. Pourtant, avant même le rendu de la décision, des voix se sont fait entendre notamment et comme d’habitude aux extrêmes (mais pas seulement) pour remettre en cause l’impartialité de ce juge suprême. Ainsi a-t-on pointé le fait que l’institution se compose majoritairement de personnalités politiques, désignés par des politiques, le président de la République et les présidents des deux assemblées. Dès lors les Sages le sont-ils réellement ? Leurs engagements passés, à droite ou à gauche sont-ils susceptibles d’orienter leurs décisions ? Juriste moi-même, amoureux du droit, respectueux de la règle commune, j’écarte immédiatement ce soupçon qui néanmoins, flotte dans l’air. Soupçon d’autant plus injustifié que le Conseil ne manque pas, lorsque cela s’avère juridiquement nécessaire de demander au législateur de revoir en profondeur sa copie ; encore récemment, la loi de juin 2020 sur les contenus haineux en ligne. Mais ce soupçon de partialité m’inquiète et contribue, selon moi, à miner les bases de notre démocratie en affaiblissant l’Institution. Je pense qu’il faut revoir le mode de désignation des Sages. A commencer par la règle absurde – j’ose le mot – qui qualifie membres de droit les anciens présidents de la République. D’ailleurs le général de Gaulle qui comprenait tout mieux que tout le monde et, pour des raisons différentes, Nicolas Sarkozy et François Hollande n’ont jamais mis les pieds rue Montpensier. Et je ne pense pas que l’on y verra souvent Emmanuel Macron une fois son mandat achevé. Non, les Sages devraient être exclusivement désignés en fonction de leur connaissance et de leur expérience approfondies du droit. C’est déjà le cas chez plusieurs de nos voisins attentifs autant que nous à la règle démocratique. D’autant que juger d’un texte de loi à l’aune de la Constitution, c’est un métier ! Certes, le Conseil constitutionnel a compté dans ses rangs de grands juristes comme Robert Badinter qui, lorsqu’il fut nommé président eut cette phrase somptueuse qui aujourd’hui encore me fait frissonner : “N’oubliez pas que nous avons un devoir d’ingratitude vis-à-vis de ceux qui nous ont nommés”; et d’autres comme François Luchaire ou le doyen Vedel dont les textes ont régalé, jeune, moins jeune, et maintenant encore mes nombreuses nuits de veille. Pour autant, l’image du Conseil, en France et à l’étranger demeure trop politique, ce qui le dessert. La Justice constitutionnelle est l’un des premiers socles, sinon le premier de notre démocratie. Mettre en cause sa légitimité, c’est mettre en cause la démocratie elle-même. C’est pourquoi, afin de couper court aux critiques plus ou moins feutrées des démagogues et (sans vouloir être élitiste) de ceux qui ne comprennent rien, rendons-là aux seuls juristes.

  4. Jean Vilanova dit :

    M. Liscia, ligne 23, j’ai malencontreusement écrit Emmanuel Marron au lieu d’Emmanuel Macron. Je n’ai pas suffisamment fait attention au correcteur mais il est vrai que je suis plus à l’aise avec mon vieux stylo-plume devant la page blanche que devant un clavier… Auriez-vous la gentillesse de rectifier, si cela es possible ?
    Je vous remercie.
    Réponse
    Cela a été fait avant parution. C’est mon métier.
    R. L.

  5. KORNELIA dit :

    Nous n’oublierons jamais le sang contaminé sur les mains de ce franc-maçon satanique Fabius.

    Réponse
    Attaque vicieuse et anachronique : aucun ministre n’a été responsable de ce désastre sanitaire.
    R. L.

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