La voix du président

Diable d’homme
(Photo AFP)

De semaine en semaine, Emmanuel s’exprime. Il parlera ce soir encore, dans le cadre d’une délaration non contradictoire pour tenter de rallier un plus grand nombre de Français à la réforme des retraites. Mais son espoir de renouer le dialogue reste mince.

IL RESTERA campé sur la réforme et la promulgation de la loi. Il annoncera une flopée de nouvelles réformes pour montrer qu’il espère tourner la page de la crise sociale. Il dira même qu’il a changé de posture et qu’il nouera le dialogue syndical, sans tenir compte des injures, des plaintes, de la haine que lui ont déjà exprimée ses concitoyens. Il n’est pas effrayé par son extraordinaire impopularité. Il ne tient aucun compte des conseils qui lui sont proposés urbi et orbi. François Bayrou, qui n’a jamais brandi l’oriflamme de la réforme avec autant de conviction, affirme que le chef de l’État, en dehors de la mesure d’âge est parfaitement ouvert aux articles censurés par le Conseil constitutionnel et qui, eux, contenaient un fort élément social, comme la question des seniors qui ne bénéficient toujours pas d’une protection alors qu’ils sont exposés au chômage.

Une idée fallacieuse.

Jamais la voie présidentielle n’aura été aussi étroite, jamais un exécutif n’a été aussi éloigné de ceux qui pensent incarner le peuple. La simple mention de la vérité ne produit aucun résultat. Or oui, la réforme est indispensable ; oui, il est possible de travailler jusqu’à 64-65 ans et avoir une bonne qualité de vie : tous nos partenaires le démontrent déjà et l’idée que la France, pays unique, n’est pas contrainte de faire comme les autres relève au mieux de la naïveté, au pire du cynisme.

Vu de l’étranger.

Les étrangers nous observent en partie avec amusement, parce qu’ils nous voient noyer dans un verre d’eau et en partie avec inquiétude parce que nous avons fait de la crise un abcès de fixation qu’il faut maintenant crever si on ne veut pas que la France fasse une septicémie. Car le désordre français est insupportable. C’est, après l’épidémie et ce qu’elle nous a coûté, et avec une guerre en Ukraine, un mal vicieux et contagieux.

Un dialogue sourd-muet.

Le problème, c’est qu’il n’existe vraiment aucun point de la réforme qui puisse être partagé par les syndicats. D’emblée, ils se sont prononcés contre la mesure d’âge et réclamé le statu quo. Les conversations de l’Élysée, c’est l’enfer, un dialogue sourd-muet, un effet comique. Personne dans le camp de Macron ne souhaite que le président sombre avec sa réforme mais cela risque bien de se produire. Aucune des vieilles mesures de la Vè n’est acceptable pour le peuple. Macron déciderait la dissolution de l’Assemblée et des élections anticipées, il courrait le risque d’une abstention colossale, avant même de jouer sa peau, ou plutôt sa carrière.

On va voir ce soir si le magicien réussira le tour de passe-passe auquel les Français le convient. Peut-il faire disparaître la réforme dans un tour de magie ? Rien n’est moins sûr. On ne peut pas à la fois avoir défendu cette réforme et la rendre invisible.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à La voix du président

  1. Jean Vilanova dit :

    Dès le début, Emmanuel Macron et le gouvernement ont accumulé les bourdes dans la gestion du dossier de réforme de la retraite jusqu’à chauffer à blanc toutes les oppositions y compris celle, assez baroque, de certains LR en mal de notoriété. Pourquoi le pouvoir a-t-il à ce point négligé tout effort de pédagogie et de clarté ? Sans surprise, il s’est alors exposé au procès en insincérité, mépris, brutalité, provocation, n’en jetons plus… Mais que de bruit, non pas pour rien, mais pour pas grand chose ! La loi désormais promulguée se situe en effet dans le prolongement de la précédente loi Touraine avec certes quelques modifications et une accélération plutôt raisonnable, pour ne pas dire timide de ses effets, ceci sans remettre en cause le scandale des régimes spéciaux. En ce domaine, notamment à la SNCF, la clause du grand-père est une mystification et « la colère cheminote » de jeudi prochain une mauvaise blague. Une de plus après tant d’autres. On ne les compte plus depuis longtemps. Quelques mots enfin, d’abord sur le président du Medef que l’on croyait exilé sur la planète Mars mais qui sort enfin de sa soucoupe volante et de son silence en invitant le président à changer de méthode ou François Bayrou, toujours donneur de leçon. Un François Bayrou dont on se souvient du grand oeuvre lorsqu’il était ministre de l’Education entre 1993 et 1997. Un grand oeuvre qui s’est résumé à un grand vide. Avec de tels conseils, Emmanuel Macron n’est pas vraiment aidé.

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