Un discours pour les sourds

Macron hier soir
(Photo AFP)

Emmanuel Macron a parlé à la cantonade sans que les Français l’aient entendu, en tout cas pas ceux qui, pour étouffer sa voix, ont tapé sur des casseroles devant l’Hôtel de Ville de Paris. Curieux pays qui, au nom de la démocratie et de l’égalité, nie au président de la République le droit de s’exprimer.

CEPENDANT, il y a longtemps que règnent en France cette inversion des valeurs et ce désordre. Personne ne s’en émeut, pas même le président, décidé à avaler toutes les couleuvres pour déclencher un soupçon de bonne volonté chez les syndicats et dans l’opposition. Il a très vite reconnu les dangers de sa méthode et sa brutalité, tout en maintenant que non seulement la réforme des retraites est inéluctable, ce qu’elle a été et ne cesse d’être, mais aussi qu’il y aurait sous sa tutelle de nouvelles réformes. La réforme, c’est un état d’esprit national, très mal partagé par le peuple mais qui est l’ADN de Macron.

La mise à l’écart de Macron.

Observant l’Élysée avec morgue et mépris, les syndicats ne risquaient pas de modifier leur agenda. Ils veulent un moment historique d’unité syndicale lors du 1er mai et après, la seule CFDT envisage de reprendre langue avec le chef de l’État. Vaincus par le Conseil constitutionnel, les forces majoritaires et hostiles à la réforme se vengent en établissant leur propre agenda, en ignorant les invitations du président, en continuant à prospecter sur le dangereux chemin de sa mise à l’écart. Comment ? Par un coup d’État ? En forçant cet homme qui, dimanche soir, a établi son action politique, à démissionner ?

Macron ne serait pas un démocrate.

La crise sociale est des plus sérieuses, mais c’est aussi une farce. Il y a, partout, absence totale de réalisme. Absence de réalisme chez Macron qui commence par écharper ceux avec qui il est censé conclure, tôt ou tard, un accord : absence de réalisme chez les syndicats et dans l’opposition où l’on semble croire éliminer le cauchemar d’un coup de baguette magique. En revanche, il n’est pas faux, dans l’état d’esprit des opposants de jouer la crise jusqu’à ce que le pays entre en ébullition. Tout s’emboîte parfaitement : la gauche, côté Nupes, est démolisseuse en chef : le RN applaudit aux coups de boutoir et aux destructions. Tout le monde joue le mélodrame, parfois avec d’émouvants accents de sincérité. Je regardais l’émission « 28 minutes » hier soir et je vis apparaître une femme très jeune et très belle qui revint à  la charge à plusieurs reprises pour dénoncer, avec des trémolos dans la voix, les coups portés par Macron à la démocratie.

Mais qui va le remplacer ?

Vraiment ? Un homme qui ne s’en est est sorti qu’en recourant aux institutions ? Et si cette dame souhaite que Macron crève de son arrogance, qu’est-ce qu’elle attend de Mélenchon, et pis encore, de Marine Le Pen ? Cela fait des mois que l’hallali prolétaire se rue sur sa proie désemparée sans l’atteindre, sans jamais se demander qui va remplacer Macron, alors que les sondages d’opinion accordent déjà, dès aujourd’hui, à la cheffe du RN 39 % des suffrages au premier tour en cas d’élections anticipées. Qui veut planter un poignard dans le dos du pays, Macron ou Le Pen ? Qui, une fois assise pour cinq ans à l’Élysée, va nous concocter un brave pays exposé à toutes les compromissions, ami de Poutine et de Lukatchenko, et de Lula aussi qui n’a vaincu Bolsonaro que pour abandonner Zelensky en rase campagne ?

La peau de Macron.

Berlue ? Aveuglement ? Raisonnement politique à la petite semaine, qui met l’injustice apparente au-dessus de tout. Les plus hostiles à la réforme sont ceux qui se félicitent de ce que les régimes spéciaux n’aient pas été modifiés. Ah, cette peau de Macron, qu’est-ce qu’elle leur a coûté déjà en perte de vertu ! Comme ils apparaissent nus et crus dans leurs vérités sélectionnées ! Et comme ils jouent les idiots utiles avec empressement pour les plus malins qu’eux !

RICHARD LISCIA

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

2 réponses à Un discours pour les sourds

  1. Jean Vilanova dit :

    Au moment où le président s’exprime, un président certes maladroit, parfois inutilement provocateur, éloigné des gens et entouré, à peu d’exceptions près, d’une équipe d’amateurs lunaires, des benêts au cerveau en jachère tapent sur des casseroles sous l’oeil gourmand des extrémistes de tout poil, les uns débraillés et vociférants, les autres cravatés et patelins mais tous se préparant à s’emparer des restes de ce qui fut un grand pays, celui des philosophes des Lumières, celui de Tocqueville, celui de Jaurès, celui de Camus et de Romain Gary.

  2. Doriel Pebin dit :

    Merci pour ce « billet » lucide qui ne peut que nous laisser songeur. La raison et la réflexion ont manifestement abandonné la partie pour nombre de nos concitoyens et de médias (où sont leur éthique et leur déontologie ?). Nous sommes toujours dans un monde d' »adulescents » qui ne voit pas plus loin … qu’aujourd’hui. Il est étonnant que ce soit la France, patrie du cartésianisme, qui en soit le champion. La gauche de gouvernement a abandonné ses fondamentaux tout comme le LR ! La crise pathologique de la réflexion sinon de l’intelligence se poursuivra-t-elle jusqu’à ce que la France tombe dans l’escarcelle de Le Pen ? On verra alors les mêmes hurler à l’incompétence et au déni de démocratie. Triste spectacle.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.