Une dérive masochiste

Laurent Berger s’en va
(Photo AFP)

Peu ou prou, tous les Français, à l’Élysée et ailleurs, se complaisent dans la violence verbale et l’invective. Emmanuel Macron semble goûter ces voyages en province où il est systématiquement conspué, comme s’il devait montrer son courage en toute occasion ou que son rôle de président de la République lui intimait l’ordre de rester en contact étroit avec le peuple.

ET POURTANT, ils ne s’entendent guère. On constate, au contraire, que la fonction présidentielle est rabaissée par les opposants à Macron : il n’en restera rien à la fin du débat, et le successeur du chef de l’État aura beaucoup de mal à reconstituer le respect dû à la fonction. Le président parle d’apaisement, mais il y contribuerait vraiment s’il s’abstenait de courir par monts et par vaux. De la casserole jusqu’à l’insulte, les instruments ne manquent pas à ce magma qui était peuple et devient foule.

Macron et Berger dans le labyrinthe.

Entretemps, le président est privé de son meilleur ennemi, Laurent Berger, qui explique avec agacement qu’il ne part pas à cause de la réforme des retraites mais parce que les syndicats sont ainsi faits que les plus compétents d’entre leurs chefs doivent céder le pas à la génération suivante. Depuis le début de la crise, les deux hommes se cherchent sans se trouver, alors qu’il aurait suffi qu’ils mettent leur fierté sous cloche pour entamer un débat dont on s’aperçoit de son utilité depuis qu’il n’a pas eu lieu.

Les démolisseurs.

Tous les démocrates souhaitent que ce conflit, si vif qu’il soit, prenne fin, en rappelant qu’il y a assez d’esprits positifs dans ce pays pour rendre sa chute impossible. Ce ne sont pas les bons qui parlent au moment idoine. Ce sont les démolisseurs, ceux qui se réjouissent du déclin national en prétendant militer contre lui. Même les clivages nationaux ne sont pas les bons. On parle d’extrême droite et d’extrême gauche sous le prétexte qu’ils se situent aux deux extrêmes du spectre idéologique alors que, en réalité, ils se servent l’un de l’autre. La Nupes est une coalition qui a cette particularité de donner tous les pouvoirs à Mélenchon, tout en offrant la portion congrue aux socialistes qui, comme Olivier Faure, se sont livrés corps et âme pour un plat de lentilles.

La pauvreté des chroniqueurs.

La crise sociale nous contraint à raconter la même histoire chaque jour, sans même que nous ayons l’espoir de trouver un autre sujet d’analyse. À la pauvreté de l’actualité, s’ajoute celle des chroniqueurs, constamment sommés de produire du neuf avec des ingrédients ancestraux. Eux aussi ont leur sensibilité et ils vont finir par se fâcher, abandonnant là, sur le trottoir la gauche et la droite, Macron et la foule en délire, les calculs pour un avenir proche dans le calendrier mais opaque pour les esprits, les invectives, la carrière du président, les incivilités, les injures les plus grossières, la vulgarité des comportements de ceux qui croient que plus tu choques plus tu laisseras une trace dans l’histoire, bref, n’en jetez plus.

RICHARD LISCIA

 

 

 

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Une réponse à Une dérive masochiste

  1. Jean Vilanova dit :

    Notre pays a perdu sa boussole. André Malraux a-t-il réellement dit que le 21ème siècle serait religieux ou ne serait pas ? On ne le sait pas, mais si ce présage est de lui, il s’est révélé faux. En effet, même si l’on en parle beaucoup et même trop, il n’est pas religieux ce 21ème siècle, en tout cas en France. C’est même tout le contraire, il est d’un individualisme forcené, mortifère où chacun s’arroge le droit de tout dire, tout faire comme bon lui semble en fonction de sa pulsion du moment. Dès lors, qui entend-on le plus ? Les médiocres, les girouettes, les tambourineurs de casseroles et tous ceux à qui de misérables gourous vendent leur vent mauvais… une cour des miracles acharnée à piétiner l’intelligence. Dans un tel contexte, je ne cesse de m’interroger sur la soif de pouvoir des politiques. Tous ne rêvent que d’accéder à la magistrature suprême. Mais pour y faire quoi ? Dans notre pays devenu à peu près ingouvernable, plutôt que de magistrature suprême, ne s’agit-il pas plutôt et, pardon pour l’image, d’un siège curule de carton où un monarque impuissant ceint d’une couronne de lauriers en plastique assiste, ébahi, à la haine ou au mépris qu’il suscite ? Il y a 20 ans et plus, je m’inquiétais auprès de mes étudiants du climat délétère qui s’insinuait partout dans notre pays. Je ressentais les prémisses de ce délitement qui aujourd’hui nous accable. Comment en est-on arrivé là ? Cela s’est fait au fil du temps, des renoncements et des accommodements petits ou grands de la part de nos dirigeants, eux-mêmes dépourvus de la moindre vision d’avenir vers laquelle entraîner le peuple car davantage occupés à leurs petits calculs à court terme, sans même évoquer – ceci expliquant peut-être cela – un relâchement des consciences individuelles. Les temps ne sont pas bons.

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