La bonne République

La République, c’est lui
(Photo AFP)

« C’est une mauvaise République », a déclaré récemment Jean-Luc Mélenchon en parlant de la Cinquième. Ce seul qualificatif correspond à une erreur, délibérée ou non, d’analyse politique.

LE CHEF de la France insoumise dispose d’un lot d’arguments, mais tous superficiels. Une République gouvernée au 49/3, article de la Constitution honni par le peuple, qui impose à une immense majorité de Français une réforme des retraites qu’ils abhorrent, qui donne à l’exécutif des pouvoirs d’exception.

Le respect des institutions.

Mais, en réalité, cette crise ne vient pas du 49/3. Elle vient de l’incapacité des partis extrêmes à trouver une majorité absolue. La question ne porte pas sur un abus de pouvoir de nos dirigeants, elle concerne le respect des institutions et de la démocratie. M. Mélenchon croit sans doute que si Robespierre était président, personne n’aurait imaginé une telle réforme. Encore faut-il que Robespierre soit élu. L’opposition syndicale et politique a créé un vacarme énorme autour de son aversion pour la réforme, mais elle n’a pas son compte de suffrages, même si l’on ajoute les frontistes aux insoumis et qu’on leur cède en plus quelques républicains désireux d’éliminer Emmanuel Macron avant l’heure.

La sixième, c’est la quatrième

La sixième République à laquelle rêve M. Mélenchon n’est pas une innovation. Elle a existé et en privant  M. Macron d’une majorité absolue, la population a tenté d’accorder au Parlement les atouts qu’il avait déjà au temps de la Quatrième. Si un événement s’est produit en 2023, c’est bien ce tropisme presque irrésistible vers le régime des partis. Ce régime nous apporterait la bonne République exigée et en quels termes par Mélenchon. L’expérience prouve le contraire : pas de réforme, certes, mais changement de gouvernement tous les six mois, instabilité structurelle, affaiblissement des institutions et danger d’explosion sociale ou de tentative de coup d’État.

Une gauche structurellement minoritaire.

La Cinquième est « mauvaise » parce que la gauche est structurellement minoritaire et cela ne date pas d’aujourd’hui. Elle s’est rassemblée au sein de la Nupes, seulement pour donner un blanc-seing à la France insoumise.  Laquelle n’a pas le moindre espoir, même si, en 2022, le chef de LFI a obtenu 22 % des suffrages, d’envahir l’Élysée. En revanche, Marine Le Pen a acquis durablement la deuxième place au premier tour. Plus LFI hurle, plus le RN se tait. Plus LFI conteste, plus d’électeurs se convertissent à l’extrême droite. Plus le désordre augmente avec son cortège de manifestations et de violences (460 policiers blessés lors du 1er mai), plus le RN se renforce.

LFI fait le lit du Front.

Il serait étrange que M. Mélenchon soit distrait au point de ne pas se rendre compte qu’il fait le lit du RN. C’est parce qu’au fond de sa pensée, une victoire de l’extrême droite offrirait aux forces qu’il contrôle l’occasion d’une explication, du genre nuit des longs couteaux. J’exagère ? À peine. La Cinquième a une constitution démocratique qui donne sa chance à chaque parti. La Cinquième est bonne parce qu’elle protège les institutions. Elle est utile parce qu’elle est en béton et peut résister à toute tentative frauduleuse de s’emparer du pouvoir.

Une constitution contre Macron.

Prenez la peine de lire les programmes, pour les cas des partis qui en ont un. Mélenchon président, c’est la dissolution de l’Assemblée et l’élection d’une assemblée constituante qui forge la Sixième République, un clone de la Quatrième. Modeste comme toujours, Mélenchon ne serait plus qu’un candidat à la présidentielle qui n’est pas sûr de l’emporter. Ce qui est grave, dans l’affaire, c’est l’attitude des médias. Peu importe que Mélenchon se prenne pour la République, qu’il affirme que « la police tue » et qu’il plonge la Cinquième République dans l’opprobre. Peu importe que son comportement favorise l’émergence des frontistes. L’essentiel, c’est qu’il nous débarrasse de cet alien du troisième type qu’est Emmanuel Macron.

Un parti des amoureux (de la France)

Ah bien sûr, si Marine est élue présidente en 2027, vous verrez toutes  les vertus de ce pays, tous les héros de la démocratie, de l’égalité et de la fraternité tomber sur l’horrible Mme Le Pen qui, la pauvre, n’aura strictement rien fait pour gagner et se sera contentée d’emporter le fromage lâché par le corbeau. La réforme vaut-elle ce scénario, M. Berger ? Il nous faudrait un nouveau parti qui ne serait composé que des amoureux de la France, ceux qui la respectent, ceux qui veulent y voir de l’ordre, de la stabilité, de la tranquillité. Et un peu d’espoir.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à La bonne République

  1. mathieu dit :

    En effet, la Vème, honnie des populistes (plus que vraiment extrémistes, encore que), a résisté à tout: coup d’État de l’OAS et « généraux félons », mai 68, crise du pétrole, Gilets Jaunes, crise Covid… sans parler des soulèvements chroniques et systématiques à chaque réforme des retraites!
    Même Mitterrand, pourfendeur historique du gaullisme et de son « Coup d’Etat permanent », chantre de la IVème… s’est lové dans la Vème avec délectation, ne lui administrant qu’une fois un coup de canif constitutionnel, le temps d’un retour fugace à la perverse proportionnelle, regard nostalgique sur sa chère IVème, et surtout seul moyen de survie politique personnelle, grâce à l’appui du FN, tout surpris du fromage inattendu que lui lâchait – déjà – diaboliquement le corbeau, cette fois plus rusé que le renard!

  2. Françoise PENE dit :

    C’est vraiment très bien écrit, M. Liscia.

    Réponse
    Merci
    R. L.

  3. Doriel Pebin dit :

    Merci pour cette lucide analyse qui montre la pathologie du raisonnement qui frappe nombre de nos concitoyens et tout particulièrement, les médias. L’éthique et la déontologie (deux « gros mots ») devraient les obliger (du moins pour les plus importants) à avoir une analyse plus nuancée et à moyen et long termes pour l’intérêt général au lieu de se confiner dans le court-termisme, les esclandres et les détails futiles. Continuez à dénoncer ces (im)postures. Merci

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