L’affaire de Saint-Brévin

Comment on change un programme avec deux pancartes
(Photo AFP)

La démission du maire de Saint-Brévin-les-Pins, en Loire Atlantique, traduit parfaitement le climat de violence créé par l’ultra droite un peu partout en France.

YANNICK MOREZ  (DVD) avait pour projet d’abriter des migrants dans une résidence proche d’une école. Aussitôt il a fait l’objet de critiques, de harcèlement et en définitive, sa maison personnelle a été incendiée. Amer, il a déposé les armes et a démissionné, exprimant sa solitude et le manque de soutien des autorités.

Consternation.

Il n’a pas quitté ses fonctions sans déclencher une consternation nationale. Il n’est plus seul, mais il n’est plus maire. L’exécutif n’a pas manqué de dénoncer le harcèlement dont il a fait l’objet ni hésité à lui apporter un soutien sans réserves. Mais c’est un peu tard. Les migrants du coin ont perdu un humaniste et un protecteur. Le mouvement d’Éric Zemmour, Reconquête !, avait été très actif dans la dénonciation des projets du maire de Saint-Brévin. Aujourd’hui, M. Zemmour, penaud, s’en prend à l’opportunisme de l’ultra droite pendant que Marine Le Pen, pour sa part, épouse la philosophie de M. Morez. De sorte qu’au RN et à Reconquête!, on nous présente l’affaire comme une attitude parfaitement contrôlée par l’extrême droite, soudain débordée par des éléments ou des groupuscules intolérants qu’une poignée de gendarmes aurait suffi à neutraliser.

Poupée russe.

Parmi les élus scandalisés, on notera David Lisnard, maire républicain de Cannes, qui réclame un recensement de toutes les attaques contre les détenteurs de postes électifs et une sévérité policière contre les casseurs et autres personnages qui font de la violence une politique. Non, certes, ce n’est pas le RN, ce n’est pas Reconquête ! qui ont fomenté l’incendie du domicile du maire. Ils en sont quand même responsables par leur surenchère incessante : l’extrême droite est une poupée russe qui cache toujours un mouvement plus violent, Zemmour étant une aggravation de Le Pen, et les voyous incendiaires celle de Zemmour.

Le problème, ce sont leurs électeurs.

Effectivement, agrégés ou non, les ultras irriguent les deux partis de l’extrême droite.  Ce que Zemmour et Le Pen ne font pas, d’autres, attirés par ce qu’ils représentent, le feront. Ils nous jouent une pièce classique, mais dans les coulisses, leurs adeptes chantent des hymnes guerriers. L’une et l’autre savnt fort bien ce qui se passe. Ils connaissent la multitude d’insectes malfaisants que leur célébrité  attire. Ils ont des programmes géométriquement bordés, mais le moment venu, ils ne sauront pas distinguer parmi les électeurs ceux qui veulent régler un compte avec la République et ceux qui veulent la détruire.

L’ombre du totalitarisme.

Ils ont donc créé un terreau pour l’intolérance et ils feignent de ne pas le savoir. Ils ont fait de l’ubiquité (ils sont tout et n’importe qui) et de l’hypocrisie des armes redoutables. Certes ils ne sont pas aussi dangereux l’une que l’autre. Zemmour n’ira pas loin, Le Pen est une candidate crédible à la présidence. Si elle était élue, elle ferait entrer à l’Élysée tous les voyous qui nagent dans son sillage et feront le moment venu tout ce contre quoi elle prétend se dresser. Le déchaînement des passions politiques en France est le plus grave danger que court notre pays. Nous serons tout proches du totalitarisme si nous laissons Marine Le Pen conquérir un pouvoir dont certains de ses électeurs contesteront aussitôt la légitimité.

Magiciens.

La force du RN d’aujourd’hui sera donc sa faiblesse de demain. Les médias, les syndicats, les oppositions jouent en faveur du déclin de la démocratie. À force de dénoncer tout ce que Macron dit et fait, ils en font l’unique obstacle à franchir avant de trouver la porte du paradis.  Encore une fois, ils dressent du pays un tableau sinistre, mais le sinistre existe seulement chez eux. Ce sont des magiciens à un seul tour. Par magie, ils accèderont peut-être au pouvoir. Mais ils auront alors épuisé tout leur talent, et nous ne saurons pas combien de temps ils resteront au pouvoir.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à L’affaire de Saint-Brévin

  1. Jean Vilanova dit :

    On peut faire beaucoup de reproches à l’exécutif (quoi que…) mais la critique pavlovienne à son encontre me laisse coi. Tant de démagogie, de violence, le piétinement de tous les symboles de la démocratie, voilà le triste spectacle qu’offre aujourd’hui notre pays. Quant à menacer ou agresser un maire c’est, du point de vue symbolique comme brûler un livre : une ignominie. Pendant ce temps, si l’on excepte quelques personnalités encore lucides, à droite comme à gauche, les oppositions, certaines par leur vulgarité, d’autres par leur démagogie et toutes par leur médiocrité s’attachent avec application à paver le chemin du pouvoir au profit d’un RN bien propre sur lui, au moins en apparence. Mais l’histoire est-elle déjà écrite ? Certes non. Il se pourrait que le bal des noces barbares où s’acoquinent néo-nazis nostalgiques du 3ème Reich et black blocs dont, parmi ces derniers, l’on compte plus de petits bourgeois bien nés que de damnés de la terre renvoie les ennemis de la démocratie à leurs passions mortifères. Cela s’appelle un sursaut.

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