La contre-offensive de Macron

Alliance de circonstance
(Photo AFP)

Le président Volodymyr Zelenski a été reçu hier soir pendant trois heures par Emmanuel Macron à Paris. Comme dans les autres capitales, il a demandé un surcroît de livraison d’armes françaises à l’Ukraine.

APRÈS quelques hésitations, le chef de l’État s’est résolument rangé dans le camp des nations pro-ukrainiennes. Cependant, pas plus que ses partenaires européens, la France ne peut accorder à l’armée ukrainienne des armes de longue portée capables d’atteindre le territoire russe. Si Macron a déçu Zelenski; c’est parce qu’il obéit à la discipline européenne qui consiste à ne pas donner à Vladimir Poutine un argument ou un prétexte pour élargir le conflit.

Ubiquité du président.

D’où le retard des Ukrainiens à lancer la fameuse contre-offensive censée les libérer du joug russe. En revanche, c’est sur le plan intérieur que Macron a amorcé la sienne. Prolixe et satisfait d’intervenir tous les jours, il a donné un interview-fleuve au journal « L’Opinion » et s’exprimera ce soir sur TF1. On a peu de raisons de croire qu’il va faire basculer l’opinion publique en sa faveur, mais on ne pourra pas dire qu’il n’a pas essayé.

Onze 49/3.

Il peut compter sur sa Première ministre, Élisabeth Borne, qui vient de passer trois jours à la Réunion et s’est confiée à des journalistes dans l’avion du retour. Elle regrette profondément les onze recours à l’article 49/3 de la Constitution par le gouvernement, mais c’est une fatalité bien française. Mme Borne est méritante : elle accomplit une besogne qui lui répugne, mais elle le fait au nom de ce qu’elle considère comme l’intérêt général. Elle sait qu’un succès au sujet de la réforme des retraites passe par le sacrifice de sa personne. Elle reçoit cette semaine les syndicats un à un et espère leur « vendre » la réforme en l’enrobant dans une vaste concertation sur le travail.

Censure impossible.

Pendant ce temps le groupe de centristes dénommé LIOT a déposé une motion de censure destinée à abroger la loi sur la réforme. Ses promoteurs sont gonflés d’espoir. Ils croient dur comme fer qu’ils vont réussir, mais il demeure peu probable qu’ils réussissent, même s’ils obtiennent à la fois les voix de la France insoumise et celles du Rassemblement national, deux partis qui ont des atomes crochus mais refusent de le reconnaître. Cette guérilla parlementaire peut paraître fatigante mais il n’est pas sûr qu’à terme elle produise des résultats. Cela vient de ce que nombre d’élus considèrent le gouvernement comme minoritaire alors qu’il dispose d’une majorité relative. Même si l’Assemblée nationale adopte le texte de LIOT, il s’écrasera contre le mur érigé par le Sénat, dominé par les Républicains (LR).

Majorités de circonstance.

L’exécutif se déclare convaincu qu’il peut, dans chaque dossier, y compris celui de l’immigration, trouver une majorité de circonstance. Si c’est vrai, cela rendrait à la représentation nationale les lettres de créance qu’elle a provisoirement perdues à la faveur de ces combinazioni qui rappellent étrangement la Quatrième République. Évitons de qualifier ces procédés car l’exécutif va forcément y recourir pour gouverner pendant les quatre dernières années du mandat d’Emmanuel Macron.

La tâche de Borne.

La division des tâches entre le président de la République et la Première ministre est injuste. Élisabeth Borne s’occupe de la besogne la plus ardue et la plus dangereuse, pendant qu’Emmanuel Macron gère les dossiers régaliens. Saisissons cette occasion pour décerner un compliment à Mme Borne, seule elle aussi, fragilisée par d’énormes batailles où personne ne l’a ménagée, et incertaine quant à sa propre longévité politique. Disons que si la réforme des retraites survit aux traquenards que tous s’emploient à imaginer, elle pourra partir avec un peu de sérénité : elle aura fait le job.

 

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à La contre-offensive de Macron

  1. Laurent Liscia dit :

    J’aimerais mieux comprendre la logique de l’élargissement du conflit. Quelle marge de manoeuvre Poutine a-t-il? Il peut l’étendre peut-etre aux pays baltes, mais l’OTAN interviendrait. Vu l’état de son armée, je ne vois pas trop ce qu’il peut faire.
    Donc, pas trop d’accord avec la prudence de Macron ou des autres chefs d’État européens. Ça me paraît à la limite du munichois. Cela dit, c’est une prudence de façade, puisque l’aide et les armements continuent d’affluer en Ukraine.

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