Les deux mépris

Macron hier avec Gilles Bouleau
(Photo AFP)

Le président de la République n’hésite jamais à se faire son propre avocat pour défendre ses réformes et son action politique. De nouveau, il s’est exprimé lors d’un entretien hier soir avec TF1.

IL EST permis de douter que, cette fois, il ait convaincu ses concitoyens. Toutefois, il n’a pas manqué de démolir quelques légendes relatives à ses manières et à son comportement public qui méritaient une mise au point. C’est avec ardeur qu’il a vanté ses efforts de réindustrialisation du pays,  ses avancées, son attractivité. Toutes choses qui, quoiqu’indéniables sont battues par l’opposition et les syndicats.

Subtilité.

Certes, on objectera qu’il s’en tient à une réforme des retraites qui se traduit par le chamboulement de la France et une crise durable. Mais on ne peut pas exiger d’un président qu’il dise autre chose que ce dont il est convaincu. Il a même utilisé à ce propos un langage subtil en affirmant que ceux qui mentent sont les fossoyeurs de notre société. L’animateur de TF1, Gilles Bouleau, n’a pas manqué de l’entraîner sur le terrain brûlant du « mépris », celui que le chef de l’État éprouverait pour ses concitoyens. Mépris, interroge Macron ? Il lui était facile de riposter que le plus méprisé d’entre nous, c’est encore et toujours lui, cette sorte d’épouvantail où vont  se briser fruits et légumes pourris que lancent les syndicats unis dans la démarche et le peuple, qui se moquent bien de l’apparat et de la pompe élyséens

L’intellectuel président. 

Il a préféré rappeler que c’est lui qui, jour après jour, va au-devant des personnes hostiles décidées à en finir avec son mandat et à déclencher une crise de régime. Lui qu’un adolescent posté derrière une grille de sécurité a appelé « Manu »; lui dont on porte l’effigie au bout d’une pique dans les journées de mobilisation ; lui qu’on a appelé Jupiter, faute de trouver mieux, alors que les dictateurs se maintiennent au pouvoir bien qu’ils soient détestés et que les Français, qui ne supportent pas l’intellectuel qui leur sert de président, ne songent pas un instant à le comparer à ceux bien plus proches du despotisme qu’ils feignent de ne pas connaître.

Le mépris de la logique.

Une minute de vérité, en quelque sorte. Un moment de sincérité, une pause dans la bagarre permanente à laquelle la haine populaire le contraint à participer. Mais une période de grande confusion aussi, la liberté se lovant dans l’hexagone pendant qu’on croit discerner ses prémisses quelque part au Venezuela, à Moscou ou en Turquie. La subtilité et la nuance, qui ont toujours participé de notre civilisation, sont condamnés à mort avant qu’elles précèdent la violence de la rue, du Parlement, hélas !, et des ultras. Ce n’est pas que le danger soit intolérable en France. On s’y fait. Mais le mépris de la logique, de la raison, de l’inéluctable augmentent sans cesse la guerre civile.

Le précédent de la CSG.

Les révolutionnaires de tous acabits ont beaucoup appris cette année. Ils ont appris qu’une révolution est possible sans violence, sans être spectaculaire. Ils ont appris que, comme en Turquie, un dictateur peut gagner une élection libre. Ils ont appris qu’un monstre peut rester au pouvoir dans son palais, même s’il terrorise la moitié de ses compatriotes. En conséquence, ils n’ont que faire d’un président coupable d’appliquer les règles institutionnelles. Macron n’a pa eu tort de rappeler que la CSG a été adoptée par le recours à l’article 49/3 de la Constitution. Rendez-vous compte, la CSG, sans laquelle il n’y aurait pas de protection sociale en France et qui restera, dans notre histoire sociale, comme l’acte à la fois le plus vital et le moins populaire qu’un Premier ministre (Michel Rocard) ait pu commettre.

Les censeurs devraient se taire.

Félicitons-nous d’avoir tout de même un président plus rassurant que les autres, en dépit de toutes les fautes de communication qu’il a commises avec  une ardeur et un entêtement excessif. La vérité est que, dans une société efficace, on ne s’attaque pas à ses adversaires en leur niant leur légitimité. La liberté d’expression n’est pas la valeur la plus en danger dans notre société. Il est bien possible que les téléspectateurs aient déjà oublié les propos de Macron ; il se peut qu’ils n’aient pas retenu la leçon qu’il a donnée ; il se peut même qu’ils lui en veulent d’avoir parlé hier, comme ils lui en veulent de parler en général. Ils demandent qu’il commence par se taire. Qu’ils s’essaient pendant une semaine au mutisme.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Les deux mépris

  1. Celicout dit :

    Merci, M. Liscia, pour cette mise au point salutaire.
    Il est temps que la majorité silencieuse qui apprécie sans bruit d’avoir un des meilleurs dirigeants de la planète ait, sinon un porte parole, au moins un analyste sensé.
    Il y a donc encore de la raison dans ce pays de cocagne !

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