Sarkozy assiégé

Sarkozy hier avec son avocate
(Photo AFP)

L’ancien président de la Réublique, Nicolas Sarkozy, a été condamné, pour la seconde fois, à trois ans de prison dont un ferme. La justice lui reproche d’avoir activement corrompu un magistrat, Gilbert Azibert, en lui demandant des informations sur les intentions des juges concernant les différents dossiers où son nom apparaît, en échange d’une promotion à Monaco.

ON SE SOUVIENT de l’affaire rocambolesque qui a déclenché les foudres de magistrats. L’ex-président avait acheté un téléphone portable au nom de « Paul Bismuth » (un personnage existant qui s’est plaint amèrement du procédé)  avec lequel il croyait pouvoir converser avec son avocat de l’époque, Thierry Herzog, lui-même condamné, sans être écouté. Les services du parquet n’ont pas perdu une miette de ses communications, qui furent enregistrées et lui ont porté le coup de grâce.

Une confidentialité bafouée.

Tout le monde se pose la question : une personne poursuivie par la justice n’a-t-elle pas le droit d’avoir des échanges confidentiels avec son avocat ? Les juges ont apporté la réponse : les écoutes sont légales. La justice est lente, mais efficace, de sorte que l’on se demande si la multiplicité des dossiers où M. Sarkozy est impliqué correspond aux libertés que l’ancien magistrat suprême a prises avec le droit ou si, au contraire, il est la victime d’une magistrature avec laquelle il n’a jamais été en bons termes, depuis qu’il a publiquement dénoncé l’apathie des juges, qu’il a comparés à des « petits pois ».

D’autres affaires.

M. Sarkozy peut structurer sa défense autour de quelques arguments de bon sens, mais il ne peut pas changer les lois à lui tout seul. Jusqu’à présent, il a donc été sévèrement condamné pour de menus actes de délinquance, alors qu’il est poursuivi dans d’autres affaires, le financement occulte de sa plus récente campagne électorale, et le financement d’une campagne précédente avec l’aide du dictateur Kadhafi, qui a fini assassiné.

50 millions introuvables.

Dans l’affaire Bygmalion, l’agence qui a laissé courir les dépenses de Sarkozy en 2012, il plaide l’ignorance, adoptant la même défense que beaucoup de membres de l’UMP. Personne, au sein du parti, ne savait que les meetings énormes de fin de campagne avaient crevé le plafond des dépenses autorisées.  M. Sarkozy, trop occupé à se faire réélire, ignorait un dépassement financier qui alarmait pourtant les membres de son parti. Dans ce dossier, il est mal parti. En revanche, il nous semble que les accusations selon lesquelles il aurait reçu 50 millions d’euros des mains de Mouammar Kadhafi ne sont étayées par aucune preuve : l’argent est introuvable, les accusations viennent d’anciens dirigeants libyens qui veulent régler leurs comptes avec Sarkozy, la menace nous paraît bien légère.

Inéligible pendant trois ans.

Mais serons sans doute aussi surpris par l’évolution de ce dossier que par les autres. Acharnement ou justice immanente, pour Sarkozy, le résultat sera le même : il restera inéligible pendant trois ans et portera un bracelet électronique. Il n’est pas le premier ancien orésident à se faire épingler par les magistrats et probablement pas le dernier. Il joue sa carrière et sa réputation dans des affaires multiples qui semblent révéler une prise de risque excessive, même si les juges ont bousculé des obstacles à leur enquête, notamment en écoutant des conversations entre un cityen et son avocat qui, jusqu’à présent, étaient confidentielles.

RICHARD LISCIA

 

 

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Une réponse à Sarkozy assiégé

  1. Jean Vilanova dit :

    Je suis un vieux juriste et j’aime profondément le Droit qui, au-delà même de sa fonction de régulation de la société est aussi un humanisme. C’est le message que j’ai cherché à transmettre durant mes 45 années et plus de vie professionnelle à mes étudiants comme dans les diverses enceintes où j’ai eu le privilège d’intervenir. L’environnement propre à cette « affaire Sarkozy » après quelques autres et sans doute avant d’autres à venir me dérange. Je suis profondément attaché à l’autorité de la chose jugée et rien ne me crispe davantage que ces avocats qui refont le procès sur les marches des palais de Justice devant les caméras de télévision. La justice est l’un des piliers de notre démocratie. Et comme telle, elle est fragile. C’est pourquoi je suis profondément choqué lorsqu’un juge d’instruction incompétent, par-delà une réprimande bien symbolique bénéficie en fait d’une promotion cachée alors qu’il a massacré la vie de plusieurs personnes (Outreau). Je le suis lorsque le garde de Sceaux, dans l’enceinte du Parlement adresse un bras d’honneur (même plusieurs, a-t-il semblé s’en vanter, ce qui aggrave son cas) à un député. Et je suis gêné lorsqu’un ancien président de la République tire à boulets rouges dans la presse de ce jour contre l’arrêt rendu à son encontre. Le même qui avait comparé les juges à des petits pois ; une saillie d’une grossièreté affligeante et indigne du premier personnage de l’Etat qu’il était alors, reconnaissons-le. Non totalement au fait du dossier, je ne sais si les juges « veulent sa peau » comme il le clame. Si tel est le cas, alors ils ne servent pas la justice. Mais est-cela réalité ? Je le répète, je n’en sais rien. Mais nous ne vivons pas dans l’une des républiques bananières si chères à M. Mélenchon où les juges sont aux ordres. Certes lente, parfois ou souvent incomprise, repliée sur elle-même, la justice doit, comme toute construction biologique ou intellectuelle faire sa mue en permanence. Cela veut aussi dire se remettre en question, reconnaître ses erreurs. L’on sait qu’il y a de bons et de mauvais juges comme il y a de bons et de mauvais médecins, de bons et de mauvais journalistes. Mais prenons garde aux critiques et formules à l’emporte-pièce contre l’institution. La déconsidérer, c’est affaiblir la démocratie. Et de nos jours, ils sont nombreux ceux qui, tout à leurs bas instincts, ne rêvent que de déchiqueter l’une et l’autre.

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