Les as de la longévité


Erdogan, ici avec son épouse, savoure sa victoire
(Photo AFP)

Des élections ici et là, organisées sous des formes diverses, ont permis à quelques potentats de rester au pouvoir. Certaines de ces consultations étaient pourtant libres. La nationalisme, exacerbé par la démagogie, explique quelques choix populaires.

EN ESPAGNE, Pedro Sanchez, Premier ministre de gauche, a été battu par la droite et annoncé des élections anticipées. Il n’a pas eu la chance de Recep Tayyip Erdogan, président de la Turquie, en ballottage favorable puis réélu au second tour, prolongeant ainsi une carrière politique qui dure depuis vingt ans. Cependant, le cas le plus scandaleux est celui de Bachar Al Assad, resté à la tête de la Syrie après une guerre civile qui n’est pas terminée. Il ne s’est pas consacré depuis le printemps arabe à une autre noble tâche que l’extermination de son propre peuple, avec l’aide active de la Russie, de la Turquie et de l’Iran.

Les Turcs préfèrent Erdogan.

Qu’est-ce qui nous vaut cette longévité de la tyrannie dans des pays aussi différents que la Syrie, l’Arabie Saoudite, la Chine ou la Russie ? Les règles générales ne s’appliquent pas. D’indéniables facteurs liés à l’histoire des peuples expliquent la résistance de leurs présidents. Pourtant, la logique devrait être battue en brèche par une colère si répandue dans les démocraties. Il est remarquable que la Turquie, épuisée par l’inflation  et par un séisme qui a fait plus de 50 000 morts, préfère Erdogan, considéré comme une « valeur sûre » à une alternative modérée. L’opposition kurde a manqué l’occasion de si loin que M. Erdogan n’a aucun souci à se faire au-delà du mandat qu’il vient d’obtenir.

Triangle d’acier.

Cependant, à lui seul, Erdogan représente un casse-ête pour les chancelleries occidentales. Renforcé par sa victoire et d’ailleurs salué par tous les chefs d’État ou de gouvernement, il se mêlera de tous les dossiers, comme il l’a fait jusqu’à présent, en Syrie, en Libye, en Ukraine (où il aide l’agresseur) et dans le reste du Moyen-Orient. Il fallait beaucoup d’optimisme ou de naïveté, dans le camp occidental, pour avoir espéré un instant son remplacement par le chef de l’opposition turque. Un triangle d’acier, composé de la Russie, de la Turquie et de l’Iran, va tenter maintenant de dominer le Proche-Orient et le reste de l’Europe. Seuls les Ukrainiens se battent pour échapper à cette domination.

Élections truquées.

Certes, d’autres pays, par exemple l’Iran ou l’Arabie saoudite, n’ont pas eu besoin des élections pour changer de diplomatie à l’avantage de leurs intérêts nationaux. L’ordre du monde est régi désormais par une multiplication des pôles forts. Les superpuissances ne se partagent plus l’influence sur le sort de la planète. Ce sont les puissances de deuxième catégorie qui se répartissent les pays qu’ils souhaitent contrôler. On y verrait un progrès démocratique s’il n’était entâché de tant d’irrégularités, en Turquie aussi où pleuvent les accusations de trucage des urnes.

L’immonde triomphe de Bachar.

Ce qui n’empêche pas nombre de partis politiques français de se réjouir du désordre et de défendre Vladimir Poutine sous le prétexte de l’anti-américanisme. Position d’ailleurs totalement illogique car, si l’influence des États-Unis diminue, nul besoin de les affaiblir davantage. Mais peu importe : pour certains gouvernements, l’essentiel est de sembler n’avoir aucun rapport étroit avec les États-Unis. Ce ne serait judicieux que si l’alternative était séduisante, s’il n’y avait derrière l’immonde triomphe de Bachar et la remontada d’Erdogan la victoire du despotisme sur la démocratie. Sujet, direz-vous, qui m’est cher mais dont on ne dira jamais assez combien il est essentiel.

RICHARD LISCIA

 

 

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Une réponse à Les as de la longévité

  1. mathieu dit :

    Si un autre qu’Obama avait été à la Maison Blanche en 2014, Bachar ne serait sûrement plus là aujourd’hui, et Poutine (son soutien indéfectible) n’aurait jamais débordé des frontières de la Russie… Mais avec des « si »!

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