Macron-Borne : l’amour vache

Une relation »fluide », dit Mme Borne
(Photo AFP)

Des frictions discrètes sont apparues publiquement au sein du couple exécutif, qui font jaser mais ne semblent pas perturber l’action du gouvernement.

ON DEVRAIT donc se dispenser de les commenter, mais la rumeur se répand car il est plus distrayant d’en parler que de les passer sous silence. Un différend au moins semble séparer le président de la Première ministre : l’évaluation de ce qu’est le Rassemblement national, qu’il faut combattre, selon le chef de l’État, avec une argumentation solide sur les dangers que présente son programme et plus vivement, selon Mme Borne, qui n’a pas manqué de dénoncer la filiation du parti d’extrême droite, le pétainisme, lequel n’embarrasse pas ses électeurs.

Où elle va et d’où elle vient.

Chacun sait que, si la droite et le centre ne présentent pas un candidat fort et séduisant, Marine Le Pen, largement en tête des sondages d’opinion, sera élue présidente de la République en 2027. Ce serait un désastre politique si elle applique son programme annoncé, avec ses réserves sur l’Europe et l’euro et son empathie, décidément durable, pour la Russie de Vladimir Poutine. Où elle va est donc essentiel mais d’où elle vient est encore pire, car elle ne peut pas s’extraire de ses origines fondatrices, son père d’abord, influencé par le pétainisme et les gens qui gravitent autour d’elle. Le Rassemblement national est le réceptacle de tous les éléments de l’extrême droite et de l’ultra droite, qui n’ont pas d’autre parti à soutenir.

Le premier parti de France.

Non, tous les électeurs du RN ne sont pas des néo-nazis ou des rétrogrades. C’est ce que Macron a voulu rappeler à Élisabeth Borne. En outre et quoi qu’on en dise, Marine Le Pen s’est soumise en toute circonstance au suffrage universel au point de faire du Rassemblement national le premier parti de France, seulement inférieur en nombre à la coalition actuellement au pouvoir et formée par Renaissance, Horizons et le MoDem. La gauche, elle, n’a pas la moindre chance d’envoyer l’un des siens à l’Élysée. La droite classique est en perdition car elle hésite entre la lutte pour reconquérir les suffrages des électeurs qui l’ont quittée pour le RN, ce qui la conduit à singer l’extrême droite, et le désir de conserver la vertu que lui confère le respect de la démocratie.

Le choix des armes.

Je dirai que Macron et Borne sont moins divisés que complémentaires. La crise de régime qui approche ne permet pas de choisir, dans l’arsenal argumentaire, une arme plutôt qu’une autre. À quoi il est indispensable d’ajouter que les états d’âme du président sont rendus dérisoires par la gravité du problème. Inutile de vénérer Macron pour reconnaître qu’il a écarté par deux fois Marine Le Pen de la présidence de la République. Dès lors qu’il ne peut pas se présenter une troisième fois, il appartiendra au candidat de la macronie de planifier la stratégie anti extrêmes.

Le Pen validée.

Soyons lucides : la bataille sera sauvage. Marine Le Pen, qui se voit comme la sage candidate qui a mérité largement d’être à la tête du pays, se battra comme si la présidence lui était due : les démocrates qui la voient venir sont épouvantés par un tel phénomène. J’ajoute que dans les débats interminables qui opposent la majorité à l’opposition, il y a une chose essentielle qui semble échapper aux débatteurs. Si le macronisme est une horreur, cela signifie que Le Pen n’est pas pire. Chacun d’entre nous, au moment de glisser son bulletin dans l’urne, devra prendre ses responsabilités. La vérité est exactement l’inverse de ce que l’on dit : pour sauver la démocratie, rejetons Le Pen.

Surprenante erreur.

Enfin, dernière question que l’on peut se poser : pourquoi Emmanuel Macron, qui gère une crise sérieuse et n’a pas besoin d’ajouter au désordre en se fâchant avec sa Première ministre, a-t-il pu se croire autorisé à à lui faire la leçon ? Son comportement traduit moins d’autorité que de nervosité. Or il évolue dans un univers hostile et a davantage besoin de ses fidèles que de plaire à de lointains électeurs. Il ne peut nier ni la la gravité d’Élisabeth Borne, ni son dévouement, ni son indéfectible rigueur. La stigmatiser devant tous les ministres ? Surprenante erreur. Il ne va pas augmenter son autorité en réduisant la sienne.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à Macron-Borne : l’amour vache

  1. Jean Vilanova dit :

    Puissamment imprégné de la geste gaullienne, je rejette viscéralement tout ce qui a pu toucher à la collaboration et la compromission du régime de Vichy avec le régime nazi. Ce fut, à mon modeste niveau, l’un des premiers combats de ma vie. Pour autant, je n’en ai pas moins trouvé assez vain le propos de Mme Borne sur le lien héréditaire entre Pétain et le RN. Aussi, suis-je d’accord avec M. Macron pour considérer que c’est désormais sur son programme (et ses amitiés louches avec la Russie de Poutine, mais elle n’est pas la seule, hélas…) qu’il faut combattre Mme Le Pen dont le programme finirait de détruire ce qui reste de la France. Propos d’autant plus vain de Mme Borne, en effet, sachant que le dernier des pétainistes est mort il y aura bientôt 30 ans. Il s’appelait François Mitterrand.

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