Retraites : le débat escamoté

Yaël Braun-Pivet
(Photo AFP)

Le groupe Liot (21 députés) exige que l’Assemblée nationale discute d’une proposition de loi qu’il a déposée pour abroger la réforme des retraites, bien que celle-ci ait été votée et promulguée. L’article 40 de la Constitution interdit une nouvelle loi de priver l’État d’une source de financement si elle n’est pas compensée par une autre recette. Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée, a interdit le débat.

LA PROPOSITION de Liot n’avait aucune chance d’aboutir : si elle avait été adoptée par l’Assemblée, le Sénat n’aurait pas suivi. Si le Sénat l’avait votée aussi, ce qui est aurait été bien improbable, la Conseil constitutionnel aurait invoqué l’article 40. Compte tenu de la tension provoquée par la réforme et de l’accusation en vertu de laquelle ce gouvernement interdirait les débats parlementaires, l’exécutif aurait été bien avisé d’endurer une discussion qui, de fait, ne le menaçait pas. La présidente de l’Assemblée nationale était de l’avis de laisser se dérouler le débat, pour que se déverse le trop plein de hargne contre la réforme. Son avis n’a pas compté et elle a récusé la proposition de Liot au nom de la discipline qui dot régner dans son camp.

La réforme est en place.

Le président de la République et la Première ministre font profil bas. Ils se gardent de commenter une affaire dont s’occupe Mme Braun-Pivet. Ils ont remporté plusieurs victoires d’étape et, contrairement à toute attente, la réforme aura lieu, ce qui ouvre la voie à d’autres réformes. Certes, la bataille, finalement perdue par les oppositions, laissera des traces dans une opinion dont la colère n’a pas diminué. Mais l’huile de foie de morue n’est désagréable qu’au  moment de l’avaler. Les Français finiront par s’habituer à la réforme si l’application des premières mesures ne provoque pas des situations difficiles pour les nouveaux retraités.

La loi doit être complétée.

Il appartient au gouvernement de s’emparer des carrières longues et du cas des seniors pour mieux les protéger. À ceux qui souhaitent encore l’abrogation, les pouvoirs publics doivent démontrer que la loi n’est pas achevée, qu’elle doit être complétée par des mesures sociales pour des catégories de gens qui s’estiment menacées. L’unité syndicale a été parfaite jusqu’à présent et, au front uni des organisations, l’exécutif doit proposer des mesures sociales pour les carrières. Il est urgent de travailler dans un climat plus serein, mais à la colère soulevée par la loi, s’ajoute la colère de chaque étape, la promulgation, le refus du débat, l’invocation de l’article 40 qui ressemble comme son frère au 49/3. L’important n’est pas le légalisme. Le 49/3 et le 40 sont dans la Constitution, mais, selon l’opposition, le recours à ces deux articles constitue une atteinte grave à la démocratie.

Que dire de Poutine ?

Ainsi ont-ils renversé le courant porté par le gouvernement et l’accusent-ils de prendre des mesures illégales alors que ce sont leurs intiatives qui le sont. Personne n’est dupe : le vénérable Charles de Courson, l’homme de Liot, qui a littéralement inventé l’histoire d’un nouveau vote, n’ignore rien des difficultés insurmontables qui se dressent sur sa route. Mais il ne travaille pas pour l’intérêt général, il veut marquer un « coup » historique. Et il le fait chaque fois en diffamant le gouvernement qu’il accuse, bien sûr, d’être autoritaire, dominateur et anti-démocratique. Les opposants à la réforme ont épuisé le vocabulaire lié aux dictatures. Ils n’auront plus de mots pour décrire Poutine ou Xi Jinping. Il ne fait pas de doute que l’initiative des Liot contribue à l’hystérisation des débats, mais le gouvernement n’est pas obligé de sévir aujourd’hui. M. de Courson a tout le temps d’éprouver les inquiétudes du déclin et de la fin d’une carrière.

Pour Emmanuel Macron, la guerre des injures, des provocations, des assauts répétés, continuera de plus belle. C’est son devoir de mettre un terme à une dérive qui consiste à transformer des caciques en révolutionnaires. Il y en a assez de cette pantomime de marionnettes dont les ficelles sont tirées par des Machiavel. ll faut admettre que Macron ne laisse guère ses sentiments transparaître. Il a le temps.

RICHARD LISCIA

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