Le dessein européen de Macron

Macron avec son ministre de la Défense, Sébastien Lecornu
(Photo AFP)

Le président de la République a consacré hier un discours à la défense européenne, qu’il souhaite indépendante de l’OTAN. Il a soulevé un problème lancinant : la plupart des Européens préfèrent le parapluie américain.

L’INVASION de l’Ukraine par la Russie a administré la preuve de la fragilité de nos frontières. Du côté occidental de l’Europe (et jusqu’en Finlande), on a assisté à un sursaut militaire, notamment en France, où le budget des armées a sensiblement augmenté. Nous apprenons de nos expériences. Les « dômes de fer » installés en Ukraine ont sauvé beaucoup de vies humaines sinon toutes. Dans la technologie de défense anti-missiles, anti-drones et anti-avions de combat , les États-Unis et Israël sont passés maîtres. Le chef de l’État ne souhaite pas importer leurs systèmes, il veut, dans ce domaine aussi, créer un modèle européen.

F-35 et Rafale.

C’est de la pure logique mais elle ignore que peu d’Européens l’ont adoptée. Ils ne comptent que sur l’OTAN. Or, pour créer un système européen de défense anti-aérienne, il faut du temps que l’Europe n’a pas vraiment, la guerre grondant à nos frontières. L’idée de Macron va en outre à contre-courant d’une réalité indéniable : la guerre en Ukraine a renforcé l’OTAN comme personne ne l’aurait espéré. Exemple : pourquoi acheter des F-35 américains plutôt que des Rafale ? Parce que l’acquisition d’avions américains est plus rapide que celle du dernier en date des appareils français.

Rémanence du gaullisme.

Le découplement des systèmes de défense, qui apparaît comme une nécessité constitue en réalité une  pomme de discorde européenne, une tâche longue et fastidieuse face à une conjoncture qui s’aggrave tous les jours. Néanmoins, la volonté d’avoir sa défense à soi est légitime. Ce qui n’est pas adroit, c’est de prévenir les Américains que, en Europe, les Français restent intransigeants. C’est une philosophie tout droit sortie du gaullisme mais qui serait plus habile si elle n’avait aucune publicité. On lance un pavé dans la mare : on est sûr qu’il sera suivi de nombreuses projections.

Risque d’isolement.

Prise à revers par un allié peu docile, les États-Unis ne vont pas rester les bras ballants, ce qui pourrait aboutir à l’isolement de notre pays, car il appartient à Macron de persuader les Européens et de contourner les Américains, deux tâches également ardues. Ensuite, le timing de ses déclarations est mal choisi : il remet l’OTAN en cause au moment où l’Ukraine et l’UE ont le plus besoin de la protection atlantique. La vision de l’avenir est estimable, une victoire militaire contre la Russie est désirable.

L’Europe dont il rêve.

Pendant un moment, on a cru assister à un rapprochement de Macron avec…Trump dont la France ne saurait favoriser le retour au pouvoir, lequel retour exaucerait aussitôt le vœu de Macron de créer une force de défense purement européenne. Il doit veiller au fait que cette défense n’est pas un enjeu seulement économique et qu’elle doit protéger la survie d’un continent. Le président de la République, en réalité, a évoqué l’Europe dont il rêve mais qui est renvoyée sans cesse à ses crises et a moins le temps de philosopher que de se protéger.

RICHARD LISCIA

 

 

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Une réponse à Le dessein européen de Macron

  1. Laurent Liscia dit :

    L’approche gaullienne, charmante si elle n’était totalement prévisible, doit être tempérée par le pragmatisme: la technologie des domes de fer correspond a trente ans d’efforts. Le bouclier américain a par ailleurs la vertu de coûter tres peu a l’Europe. Pour le reste, pourquoi pas, la France a une armée tres au point. Tant qu’elle est capable d’unir ses forces à celles de ses allées.

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