50 nuances de Meloni

Une visite en coup de vent
(Photo AFP)

L’arrivée de Giorgia Meloni au pouvoir à Rome et sa visite-éclair d’hier à Paris offrent la matière d’une analyse plus subtile que le dénigrement dont nous, Européens, sommes coupables sous le prétexte qu’elle est « post-fasciste ».

MADAME MELONI a d’emblée soutenu l’Ukraine contre la Russie : ses positions diplomatiques, Europe, euro, et même immigration font d’elle une partenaire dynamique, contrairement à deux régimes, ceux de la Pologne et de la Hongrie qui veulent bien de l’argent européen mais pas des valeurs de l’Union. Notre ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a donné l’exemple de la faute grossière quand il a déclaré que « l’Italie ne sait pas gérer l’immigration ». C’est lui faire un procès bien lâche quand on sait combien la péninsule a constamment œuvré contre l’arrivée de foules chaque année plus nombreuses sans qu’elle ait vraiment reçu de l’aide de la part de ses amis européens.

Macron réservé.

Giorgia Meloni est la dépositaire de ce contentieux qu’elle traite avec plus de circonspection qu’on en aurait attendu de la part d’une dirigeante populiste. Dans le discours qu’elle a prononcé hier à Paris, elle a confirmé ses orientations sur tous les sujets importants et cela méritait sans doute une visite un peu plus longue que ce que le président Macron avait prévu pour elle, comme pour lui faire comprendre qu’il réprouvait son parcours, son populisme à la tête de Fratelli d’Italia et, forcément, ses liens avec l’extrême droite européenne.

Banalisation.

Si on n’était contraint à la prudence, on aurait le sentiment qu’une pichenette suffirait à faire basculer Mme Meloni dans le camp des mouvements vertueux. Le pire serait de passer de la réserve la plus sévère à son endroit à l’enthousiasme le plus délirant. Il est vrai qiue Mme Meloni  est un animal politique très particulier et qu’elle nous change d’un Berlusconi ou d’un Salvini ; il est vrai qu’à l’entendre, elle sait gérer un pays qui, comme le nôtre, a des problèmes profonds à régler. Cela nous conduit à cette banalisation de l’extrême droite dont les démocrates français ne veulent pas entendre parler.

Poivrons et tomates.

Le parallèle avec Marine Le Pen est fascinant : en très peu de temps, Giorgia a acquis la dignité que Marine a mis des décennies à obtenir. Pour une raison simple : Mme Meloni a surpris son monde après avoir obtenu la présidence du Conseil, alors que Mme Le Pen, pour y parvenir, n’a cessé de donner des gages avant d’avoir enfin l’espoir de l’emporter en 2027 à la présidentielle. Qu’on le veuille ou non, plus personne en France, et pourtant Dieu sait qu’elle a des ennemis, ne pense que Marine Le Pen serait un cataclysme pour le pays. D’ailleurs, la comparaison s’arrête là. Le trait anti-Poutine et pro-européen de Mme Le Pen est beaucoup moins fort que celui de Mme Meloni. D’un côté, Meloni est le signe avant-coureur d’une victoire de Le Pen, de l’autre, on mélange les poivrons et les tomates : on connaît maintenant les orientations de l’Italienne, on ignore les intentions réelles de la Française.

L’habit de la droite classique.

Mme Meloni aura beaucoup contribué à la confusion des analyses. On sait pourquoi il faut combattre Marine Le Pen : à cause de son père, et des gens qui gravitent autour d’elle et ne rêvent que de la renvoyer au populisme pur et dur, qui est désormais international et n’entraîne aucun jugement moral. On ne sait pas pourquoi Mme Meloni ne serait pas une leader chrétienne-démocrate, position susceptible de lui garantir une longue carrière. Il reste un parallèle évident à faire entre les deux femmes : elles avancent en dépouillant la droite classique de ses électeurs et elles ne la dépouillent qu’en copiant son agenda. Mais alors, pourquoi ne rejoignent-elles pas cette droite-là ? Parce qu’elles connaissent le rapport de forces et estiment que la droite doit les rejoindre.

Populiste de charme.

La meilleure méthode française, en l’occurrence, est de cesser de faire des comparaisons, de laisser l’Italie vivre son expérience et de rester sur le qui-vive, s’agissant du Rassemblement national. L’autre danger du populisme, c’est qu’il se répand dans le monde jusqu’au jour où, consciente de sa banalisation, Mme Meloni adoptera les méthodes qu’il inspire. C’est une populiste de charme, ne nous laissons pas séduire.

RICHARD LISCIA

 

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Une réponse à 50 nuances de Meloni

  1. Laurent Liscia dit :

    Très bon blog sur les nuances d’un personnage qui sait mener sa barque, À la surprise générale, et qui, pour etre populiste, a infiniment plus de classe que Silvio, ce cher disparu qui n’était au fond qu’un fiéffé voyou en costume trois-pièces. On est obligé de tracer des parallèles avec Marine parce que le populisme est une vague internationale; et il est bon d’en isoler les caractéristiques qui transcendent les frontières. Mais rappelons que Mme Meloni a eu l’intelligence et la sensibilité de dire, a propos des lois raciales du Duce, qu’elles furent une honte. On aimerait voir Mme Le Pen se rendre à Drancy et denoncer sans ambages cet épisode infâme et impardonnable du vichysme. Calcul politique de la part de Mme Meloni ? Probablement, mais calcul juste. Marine le Pen n’a pas un iota de sa finesse – impossible d’être séduit! Par ailleurs la difference entre les régimes italien et francais donne moins de pouvoir a Mme Meloni que Marine le Pen n’en aurait si élle etait elue presidente avec une majorite RN à l’Assemblée. Tout serait permis à Marine, y compris une sortie de l’euro, un monument dédié à Pétain, des charters Easyjet remplis d’immigrés à destination de l’Antarctique,ou autres lubies imbéciles.

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