Poutine affaibli

À Rostov, Prigojine bavarde gentiment avec des généraux russes
(Photo AFP)

Quelle que soit la manière d’analyser le putsch avorté en Russie, il est impossible d’imaginer des conséquences positives pour Vladimir Poutine.

LE MAÎTRE du Kremlin a été humilié par l’avancée de la milice Wagner jusqu’aux portes de Moscou et sous les acclamations des civils russes ; même s’il était difficile de l’atteindre physiquement, il aurait été probablement obligé de s’enfuir hors de Moscou. Poutine peut craindre que d’autres, parmis ses affidés apparents, soient tentés d’imiter Evgueni Prigojine ; il aura été gagné par la peur des moscovites, qui se demandent comment une simple agression contre l’Ukraine a pu aboutir à un tel chaos, en Russie et nulle part ailleurs.

Les Russes enfin face à la vérité.

Les inconnues sont nombreuses : Poutine peut-il faire confiance à ses propres troupes qui, pratiquement n’ont pas tenté de ralentir la percée de Wagner ? Doit-il réorganiser son état-major depuis que son général en chef, Valeri Gerassimov, a disparu ? Ses soldats, déjà peu désireux de livrer cette guerre, auront-ils un moral assez fort pour reprendre les combats ? Les Russes ne sont-ils pas déçus et inquiets, n’ont-ils pas le sentiment aujourd’hui que Poutine leur a menti ? Le ministre de la Défense, Chouigou, est réapparu après une longue absence, mais est-il capable d’assurer la défense russe contre les progrès militaires de l’Ukraine ?

Un sombre avenir.

C’est par la comparaison entre les résultats de la guerre et les intentions russes du début de cette guerre que l’on mesure la décrépitude des moyens russes et surtout la baisse du moral des soldats de Poutine. Jamais l’avenir n’a paru aussi sombre au chef d’État que Poutine est encore. D’abord, il n’aura de cesse que Prigojine disparaisse, lui qui a trahi le despotisme poutinien. Une tâche de plus que la férocité russe devra accomplir. Prigojine se trouverait en ce moment en Biélorussie et donc ne serait pas hors d’atteinte, Alexandre Loukachenko ayant mis tous ses atouts dans la besace russe.  Mais c’est le même Prigojine qui a été acclamé à Rostov-sur-le-Don où il est arrivé en authentique héros russe.

Un tombeau politique.

Le chef de Wagner n’attendra pas que des commandos russes viennent le chercher là où il se trouve. Le mouvement contribuera à sa personnalité personnelle et lui permettra de lancer une nouvelle opération anti-russe. Autant de problèmes qui s’ajoutent à ceux que Poutine avait déjà. On le savait paranoïaque, mais il a assez de bonnes raisons d’exprimer son désarroi. L’Ukraine, peu à peu, se transforme, pour lui, en tombeau politique. Prigojine va sans doute revenir, mais lui, Poutine, doit songer à s’enfuir car cette fois, il ne joue pas seulement son pouvoir, il joue sa peau.

La solitude de Poutine.

Et cela se sent à Moscou, où la peur ressentie par Poutine flotte comme un nuage toxique au-dessus du Kremlin, et où, pendant la percée de Wagner, on n’a jamais vendu autant de billets d’avion pour l’étranger. Depuis le premier jour, Vladimir Poutine est le seul à faire la guerre. Il a contraint ses généraux à accepter son agenda. Il a mobilisé les jeunes et des détenus de droit commun. Il s’est fait aider par les Tchétchènes et par Wagner. Mais, comme Gribouille, il s’est jeté à l’eau pour échapper à la pluie. Combien de temps encore pourra-t-il tenir dans son palais ? Comment remporter une victoire avec des armes vieillissantes, des soldats désabusés et eux-mêmes gagnés par la panique, et un adversaire rendu implacable par son sens de la liberté ?

RICHARD LISCIA

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

4 réponses à Poutine affaibli

  1. Dominique S dit :

    J’attendais votre intervention de ce jour avec impatience. Je ne suis pas déçu. J’espère bientôt que vous pourrez bientôt nous écrire la fin de l’histoire, évidemment dans le sens que nous attendons tous.

  2. Dominique S dit :

    Oups! Il y a un bientôt en trop! (ce que c’est d’être impatient).

  3. Laurent Liscia dit :

    Un cirque hallucinant digne des films de Scorsese et Coppola sur la Mafia. Le combat des voyous. Avec deux peuples en otage. Voila une autre difference entre Mme Meloni et Marine Le Pen: Marine soutient le voyou en chef à Moscou; Mme Meloni est du côté de Zelinsky – et des valeurs démocratiques, pour le coup.

  4. Jean Vilanova dit :

    Du Macbeth de William Shakespeare au Arturo Ui de Bertold Brecht en passant par le Caligula d’Albert Camus, on cherche en vain à rattacher ces assassins à quelque geste littéraire. C’est impossible selon moi. Il n’est du pouvoir d’aucune plume de notre temps d’en décrire autre chose que les contours fétides de leur âme perdue.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.